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21/12/2018 | FRANCE | N°411064

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 21 décembre 2018, 411064


Vu la procédure suivante :

Mme A...C...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 80 400 euros à titre personnel et en sa qualité de représentant légal de ses trois enfants mineurs, en réparation des préjudices résultant de leur absence de relogement. Par un jugement n° 1600735/6-1 du 26 janvier 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai et 1er septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... dema

nde au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire ...

Vu la procédure suivante :

Mme A...C...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 80 400 euros à titre personnel et en sa qualité de représentant légal de ses trois enfants mineurs, en réparation des préjudices résultant de leur absence de relogement. Par un jugement n° 1600735/6-1 du 26 janvier 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai et 1er septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Potier de la Varde-Buk Lament-Robillot, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cédric Zolezzi, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de MmeB... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B...a, le 16 avril 2010, été déclarée prioritaire et devant être accueillie dans une structure d'hébergement, un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale par la commission de médiation de Paris, sur le fondement du III de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation ; que, n'ayant reçu aucune proposition d'hébergement, Mme B...a, le 12 juillet 2015, demandé au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris une indemnité à ce titre ; que le préfet a implicitement rejeté sa demande ; que, par un jugement du 26 janvier 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme B...tendant à ce que l'Etat soit condamné à l'indemniser en réparation des préjudices résultant de son absence de relogement ; que Mme B...se pourvoit en cassation contre ce jugement ;

2. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a retenu qu'en ne formulant aucune proposition d'hébergement à l'intention MmeB..., l'Etat avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'il a toutefois refusé toute indemnisation à ce titre à Mme B...aux motifs, d'une part, que celle-ci n'apportait aucun élément concernant ses conditions de logement ni aucune pièce susceptible d'établir un préjudice antérieurement au 22 décembre 2014, date à laquelle elle avait formulé une demande de logement social mentionnant qu'elle était hébergée chez un particulier, et, d'autre part, que la circonstance que Mme B...ait, dans le cadre de cette demande, refusé d'élargir ses voeux à la banlieue exonérait l'Etat de sa responsabilité à compter de cette même date ;

3. Considérant que lorsqu'une personne a été reconnue comme prioritaire et comme devant être logée ou relogée d'urgence par une commission de médiation, en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, la carence fautive de l'Etat à exécuter cette décision dans le délai imparti engage sa responsabilité à l'égard du seul demandeur, au titre des troubles dans les conditions d'existence résultant du maintien de la situation qui a motivé la décision de la commission, alors même que l'intéressé n'a pas fait usage du recours en injonction contre l'Etat prévu par l'article L. 441-2-3-1 du même code ; que ces troubles doivent être appréciés en fonction des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l'Etat, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l'Etat, qui court, lorsque la commission a rendu sa décision au titre du III de l'article L. 441-2-3, à compter de l'expiration du délai de six semaines que l'article R. 441-18 du code de la construction et de l'habitation impartit au préfet, à compter de la décision de la commission de médiation, pour proposer une place dans une structure d'hébergement ou une résidence hôtelière à vocation sociale et de trois mois si la commission préconise un accueil dans un logement de transition ou dans un logement foyer ;

En ce qui concerne la période antérieure au 22 décembre 2014 :

4. Considérant que, après avoir retenu l'existence d'une faute à raison de l'inexécution de la décision de la commission de médiation, le tribunal administratif s'est fondé, pour écarter l'existence d'un préjudice, sur l'absence de production par l'intéressée d'éléments sur ses conditions de logement, alors que celle-ci indiquait être restée hébergée par un particulier pendant l'ensemble de la période ; que, cependant, en cas de doute sur l'exactitude des indications données par l'intéressée, qui n'étaient pas contestées par l'administration, il appartenait au juge, pour statuer sur le droit à indemnisation, de faire usage de ses pouvoirs d'instruction en l'invitant à fournir toute information complémentaire et tout justificatif utile ; qu'ainsi, en refusant la réparation du préjudice né pour Mme B...du maintien jusqu'au 22 décembre 2014 de la situation qui a motivé la décision de la commission médiation, le tribunal administratif a méconnu son office ;

En ce qui concerne la période postérieure au 22 décembre 2014 :

5. Considérant que, lorsqu'un demandeur a été reconnu comme prioritaire et devant être relogé en urgence par une commission de médiation, il incombe au représentant de l'Etat dans le département de définir le périmètre au sein duquel le logement à attribuer doit être situé, sans être tenu par les souhaits de localisation formulés par l'intéressé dans sa demande de logement social ; que le refus, sans motif impérieux, d'une proposition de logement adaptée est de nature à faire perdre à l'intéressé le bénéfice de la décision de la commission de médiation, pour autant qu'il ait été préalablement informé de cette éventualité conformément à l'article R. 441-16-3 du code de la construction et de l'habitation ; que, par suite, en jugeant que la responsabilité de l'Etat à raison de la non exécution de la décision de la commission de médiation ne pouvait être engagée au seul motif que Mme B...avait exclu d'étendre sa demande de logement social présentée le 22 décembre 2014 aux départements autres que Paris alors que le préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris n'était pas tenu par ce souhait, le tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit ; qu'au surplus, la décision de la commission de médiation du 16 avril 2010 dont l'absence d'exécution est à l'origine du préjudice dont Mme B...demande la réparation ne portait pas sur un logement mais sur l'accueil dans une structure d'hébergement ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, que Mme B...est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque ;

7. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Potier de la Varde-Buk Lament-Robillot, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros à verser à la SCP Potier de la Varde-Buk Lament-Robillot ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 26 janvier 2017 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Potier de la Varde-Buk Lament-Robillot, avocat de Mme B..., une somme de 2000 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 411064
Date de la décision : 21/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 déc. 2018, n° 411064
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cédric Zolezzi
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:411064.20181221
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