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19/12/2018 | FRANCE | N°417868

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 19 décembre 2018, 417868


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 février et 2 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des avocats de France et le syndicat de la magistrature demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-1643 du 30 novembre 2017 relatif à la création du tribunal d'instance de Paris et à la suppression des vingt tribunaux d'instance d'arrondissement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761 1

du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 février et 2 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des avocats de France et le syndicat de la magistrature demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-1643 du 30 novembre 2017 relatif à la création du tribunal d'instance de Paris et à la suppression des vingt tribunaux d'instance d'arrondissement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de l'organisation judiciaire ;

- le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;

- l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 7 juin 2011 relatif à la création d'un comité technique de service déconcentré placé auprès de chaque premier président de cour d'appel ;

- la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 16 mars 2017 modifiant la décision du 18 décembre 2014 portant désignation des représentants du personnel au comité technique de service déconcentré placé auprès du premier président de la cour d'appel de Paris ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du syndicat des avocats de France et autre.

Sur la légalité externe :

1. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de ce que le texte adopté différerait à la fois de la version soumise au Conseil d'Etat et de celle issue de sa consultation manque en fait.

2. En deuxième lieu, le troisième alinéa de l'article 10 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat dispose que " le nombre de représentants du personnel est fixé, en fonction des effectifs, par l'arrêté ou la décision portant création du comité au plus tard six mois avant la date du scrutin. Cet arrêté ou cette décision indique les parts respectives de femmes et d'hommes composant les effectifs pris en compte. " L'article 2 de l'arrêté du 7 juin 2011 relatif à la création d'un comité technique de service déconcentré placé auprès de chaque premier président de cour d'appel fixe le nombre de représentants du personnel, pour le comité technique de service déconcentré placé auprès de la première présidente de la cour d'appel de Paris, à dix titulaires et dix suppléants. Il ressort des pièces du dossier qu'aux réunions de ce comité technique des 14 septembre et 5 octobre 2017, au cours desquelles a été examiné le projet de décret attaqué, dix représentants du personnel, titulaires ou suppléants, figurant tous dans la décision fixant la composition de l'instance prise par la première présidente de la cour d'appel de Paris le 16 mars 2017 alors applicable, étaient présents. Par suite, le moyen tiré de ce que ce comité aurait siégé dans une composition irrégulière doit être écarté.

3. En troisième lieu, l'article 50 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat prévoit que les membres d'un comité technique paritaire doivent recevoir communication " de toutes pièces et documents nécessaires à l'accomplissement de leurs fonctions au plus tard huit jours avant la date de la séance ". Il ressort des pièces du dossier qu'en ce qui concerne la réunion du comité technique du 14 septembre 2017, au cours de laquelle les représentants du personnel présents ont émis un avis défavorable unanime, le projet de décret soumis au vote leur a été adressé par courriel le 29 août, soit plus de huit jours avant la séance. En revanche, en ce qui concerne la réunion du 5 octobre 2017, convoquée pour le réexamen du projet de texte et une nouvelle délibération en application de l'article 48 du décret du 15 février 2011, il ressort des pièces du dossier que, si une première version du projet de texte a été adressée par courriel aux représentants du personnel siégeant au comité technique le 25 septembre, la version soumise au vote leur a été adressée par courriel le 29 septembre, soit moins de huit jours avant la réunion. Toutefois, eu égard aux différences limitées entre cette nouvelle version et la version antérieure, qui portent uniquement sur un décalage de quelques jours des dates de transfert des procédures introduites antérieurement devant les tribunaux d'instance d'arrondissement vers le tribunal d'instance de Paris, sur la possibilité de modifier par décret simple certaines dispositions transitoires et sur des modifications de pure forme, à supposer même que le décret du 15 février 2011 impose le respect du même délai que celui qui est prévu pour la première consultation du comité, l'irrégularité tirée de la communication tardive de la version modifiée du projet de texte ne serait, en tout état de cause, pas susceptible, en l'espèce, d'avoir exercé une influence sur le sens de l'avis émis et, par suite, sur le sens de la décision prise ni d'avoir privé les personnes intéressées d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d'illégalité en raison de la communication tardive des documents nécessaires à la consultation du comité technique de service déconcentré placé auprès de la première présidente de la cour d'appel de Paris doit être écarté.

Sur la légalité interne :

4. Le décret attaqué, qui supprime les vingt tribunaux d'instance d'arrondissement de Paris pour les rattacher au tribunal d'instance de Paris, a pour objectif de rationaliser l'organisation judiciaire dans le ressort de la ville de Paris. D'une part, il ressort des pièces du dossier que cette réorganisation est susceptible de contribuer à une meilleure affectation des moyens de l'institution judiciaire, notamment de ses ressources foncières, et à une amélioration du fonctionnement du service public de la justice par la création d'une juridiction atteignant un niveau d'activité significatif permettant notamment une spécialisation en pôles. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'accessibilité pour les justiciables soit significativement affectée par cette réorganisation, eu égard à la distance faible qui sépare les juridictions supprimées de la juridiction nouvellement créée, dont le siège est situé sur le site des Batignolles dans le dix-septième arrondissement de Paris, et des facilités de transport en commun disponibles. Au regard des motifs d'intérêt général présidant à cette réorganisation, la suppression des tribunaux d'instance d'arrondissement de Paris opérée par le décret attaqué n'est entachée ni d'erreur manifeste d'appréciation ni d'erreur de droit au regard de l'objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la requête du syndicat des avocats de France et autre doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du syndicat des avocats de France et autre est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat des avocats de France, premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, au Premier ministre et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 417868
Date de la décision : 19/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2018, n° 417868
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Coralie Albumazard
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:417868.20181219
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