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19/12/2018 | FRANCE | N°416726

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 19 décembre 2018, 416726


Vu la procédure suivante :

M. A...C...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 octobre 2015 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a décidé son placement en rétention. Par un jugement n° 1503370 du 31 août 2016, le tribunal administratif a annulé la décision de placement en rétention et rejeté le surplus des conclusions.

Par un arrêt n° 16DA01732 du 28 septembre 2017, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté

l'appel formé par M. B...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoi...

Vu la procédure suivante :

M. A...C...B...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 octobre 2015 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a décidé son placement en rétention. Par un jugement n° 1503370 du 31 août 2016, le tribunal administratif a annulé la décision de placement en rétention et rejeté le surplus des conclusions.

Par un arrêt n° 16DA01732 du 28 septembre 2017, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. B...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre 2017 et 19 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à la SCP Delvolvé-Trichet, avocat de M.B..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de M.B....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêté du 24 octobre 2015, le préfet du Pas-de-Calais a obligé M.B..., de nationalité afghane, à quitter le territoire français sans délai, l'a placé en rétention administrative et a fixé le pays à destination duquel il doit être reconduit. Par un jugement du 31 août 2016, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision de placement en rétention et rejeté le surplus des conclusions. Par un arrêt du 28 septembre 2017, contre lequel M. B...se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. B...contre ce jugement.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative : " Sans préjudice de l'application des dispositions spécifiques à certains contentieux prévoyant que l'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public, le président de la formation de jugement ou le magistrat statuant seul peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience sur tout litige relevant des contentieux suivants : (...) 4° Entrée, séjour et éloignement des étrangers, à l'exception des expulsions (....) ". D'autre part, aux termes du second alinéa de l'article R. 711-3 du même code : " Lorsque l'affaire est susceptible d'être dispensée de conclusions du rapporteur public, en application de l'article R. 732-1-1, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, si le rapporteur public prononcera ou non des conclusions et, dans le cas où il n'en est pas dispensé, le sens de ces conclusions ".

3. Pour l'application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, si l'affaire sera ou non dispensée de conclusions du rapporteur public.

4. La requête de M. B...relevait des contentieux énumérés par l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative et était ainsi susceptible d'être dispensée de conclusions du rapporteur public. Il ressort des pièces de la procédure, d'une part, que l'avis d'audience a précisé les modalités selon lesquelles le requérant pouvait être informé, avant la tenue de l'audience, de ce que le rapporteur public prononcerait ou non des conclusions, et, d'autre part, que la dispense de conclusions a été mentionnée sur l'application " Sagace " le 11 octobre 2017, soit deux jours avant l'audience. Ces mentions ont permis d'informer les parties de la décision de dispenser le rapporteur public de prononcer ses conclusions. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêt aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

5. Il résulte des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont issues de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui a procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment du procès-verbal dressé par les services de police le 24 octobre 2015, à 9h30, que M. B...a été mis en mesure de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. En jugeant que le droit de M. B... à être entendu n'avait pas été méconnu, la cour n'a ni commis une erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier.

6. En deuxième lieu, en estimant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis que le préfet du Pas-de-Calais n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de M.B..., la cour a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine, qui est exempte de dénaturation.

7. En troisième lieu, l'article 4 du protocole n° 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales interdit les expulsions collectives. La situation de M. B...ayant fait l'objet d'un examen individuel, comme il vient d'être dit, la cour n'a commis aucune erreur de droit en écartant le moyen tiré d'une méconnaissance de cet article.

8. En dernier lieu, selon l'article L. 513-2 du code d'entrée et de séjour des étrangers, un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. La cour a relevé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis, d'une part, que la situation de conflit armé en Afghanistan, malgré sa gravité, serait caractérisée par un degré de violence tel qu'il existerait des motifs sérieux et avérés de croire qu'un civil renvoyé dans ce pays y serait exposé, du seul fait de sa présence, à un risque réel de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, que si la situation prévalant dans la province de Nangarhâr pouvait être qualifiée de violence généralisée de forte intensité, M. B...n'assortissait d'aucun élément précis ou vérifiable ses affirmations selon lesquelles il serait originaire de cette province. En déduisant de cette appréciation souveraine, exempte de dénaturation, que la mesure attaquée n'avait pas été prise en méconnaissance de l'article 3 de cette convention, la cour n'a commis ni une erreur de droit ni une erreur de qualification juridique.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué. Son pourvoi doit donc être rejeté, y compris les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 2: La présente décision sera notifiée à Monsieur A...C...B...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 416726
Date de la décision : 19/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2018, n° 416726
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Fanélie Ducloz
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet De Lamothe
Avocat(s) : SCP DELVOLVE ET TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:416726.20181219
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