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19/12/2018 | FRANCE | N°409815

France | France, Conseil d'État, 4ème et 1ère chambres réunies, 19 décembre 2018, 409815


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 avril et 19 juillet 2017 et le 24 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er février 2017 par laquelle le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, statuant en formation restreinte, a annulé sa décision du 14 septembre 2016 radiant M. B...A...du ta

bleau de l'ordre, annulé la décision du conseil régional des pays de la Lo...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 avril et 19 juillet 2017 et le 24 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 1er février 2017 par laquelle le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, statuant en formation restreinte, a annulé sa décision du 14 septembre 2016 radiant M. B...A...du tableau de l'ordre, annulé la décision du conseil régional des pays de la Loire du même ordre du 1er décembre 2016 rejetant le recours de M. A...et prononcé l'inscription de M. A...au tableau de l'ordre ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat du conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. A...;

1. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique : " Les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes qui exercent dans un département sont inscrits sur un tableau établi et tenu à jour par le conseil départemental de l'ordre dont ils relèvent (...) / Nul ne peut être inscrit sur ce tableau s'il ne remplit pas les conditions requises par le présent titre et notamment les conditions nécessaires de moralité, d'indépendance et de compétence. / La décision d'inscription ne peut être retirée que si elle est illégale et dans un délai de quatre mois. Passé ce délai, la décision ne peut être retirée que sur demande explicite de son bénéficiaire / Il incombe au conseil départemental de tenir à jour le tableau et, le cas échéant, de radier de celui-ci les praticiens qui, par suite de l'intervention de circonstances avérées postérieures à leur inscription, ont cessé de remplir ces conditions " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il incombe aux conseils départementaux de l'ordre des chirurgiens-dentistes de tenir à jour les tableaux relevant de leur ressort et de radier de celui-ci les praticiens qui, par suite de l'intervention de circonstances postérieures à leur inscription, cesseraient de remplir les conditions requises pour y figurer ; qu'à ce titre, les conditions de moralité sont au nombre de celles qui doivent être remplies par le praticien, tant au moment de l'inscription que postérieurement à celle-ci ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en application des dispositions citées ci-dessus, le conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes a radié M. A...du tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes du département le 14 septembre 2016, à la suite de condamnations pénales prononcées à son encontre par un arrêt du 4 juillet 2012 de la cour d'appel de Rennes et un jugement du 6 avril 2016 du tribunal correctionnel de Nantes ; que M. A...a formé un recours contre cette mesure devant le conseil régional des Pays de la Loire qui l'a rejeté par une décision du 1er décembre 2016 ; que par la décision du 1er février 2017 dont le conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes demande l'annulation, le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, statuant en formation restreinte, a, sur recours de M. A..., annulé ces deux décisions et prononcé l'inscription de M. A...au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

3. Considérant que, saisi du recours administratif préalable obligatoire prévu par les dispositions de l'article L. 4112-4 du code de la santé publique contre une décision d'un conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes ayant lui-même statué sur un recours dirigé contre une décision prise par un conseil départemental relative à l'inscription au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes, il appartient au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes de se prononcer à nouveau lui-même, au vu des circonstances de droit et de fait à la date de sa propre décision, sur le bien-fondé de l'inscription du praticien au tableau de l'ordre tenu par le conseil départemental compétent ; qu'il en va également ainsi lorsque le recours dont est saisi le conseil national est relatif à une décision de radiation prise par le conseil départemental, en application des dispositions de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique citées au point 1 ; qu'il appartient alors au conseil national d'examiner si, compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il se prononce, les faits portés à la connaissance des instances ordinales sont, au titre de l'obligation d'assurer la tenue à jour du tableau de l'ordre, de nature à justifier une mesure de radiation de ce tableau ;

4. Considérant qu'en décidant, après avoir annulé la décision de radiation du tableau de l'ordre prononcée le 14 septembre 2016 par le conseil départemental de Loire-Atlantique, que M. A..." est inscrit au tableau de l'ordre de la Loire Atlantique ", le Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes doit être regardé comme s'étant, conformément à ce qui a été dit ci-dessus, prononcé lui-même sur l'inscription de M. A...au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;

5. Mais considérant qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que, pour prononcer l'inscription de M. A...au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes en Loire-Atlantique, le conseil national de l'ordre s'est borné à censurer les motifs par lesquels le conseil départemental de l'ordre avait justifié sa décision de radiation du 14 septembre 2016, en raison de ce qu'ils reposaient sur les seules condamnations pénales infligées à M.A... ; qu'en omettant ainsi de se prononcer lui-même sur le dossier dont il était saisi, notamment en examinant si les faits à l'origine des condamnations pénales prononcées à l'encontre de M. A...étaient de nature à justifier une radiation du tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes, le conseil national de l'ordre a méconnu les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique ;

Sur la substitution de motif demandée par M.A... :

6. Considérant que M. A...demande qu'aux motifs erronés de la décision attaquée soit substitué un motif tiré de ce que la radiation du tableau de l'ordre ne pouvait intervenir, en l'absence de fraude de sa part, plus de quatre mois après l'inscription au tableau ; qu'une telle substitution de motifs ne peut toutefois être demandée au juge de l'excès de pouvoir que par l'auteur de la décision attaquée, lequel n'a pas formulé cette demande et s'est borné à s'en remettre, quant à l'issue du litige, à la sagesse du Conseil d'Etat ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande, à ce titre, M. A...; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes, au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 1er février 2017 du Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes est annulée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A...et par le conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes, à M. B...A...et au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes.


Synthèse
Formation : 4ème et 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 409815
Date de la décision : 19/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-01-02-015-01 PROFESSIONS, CHARGES ET OFFICES. ORDRES PROFESSIONNELS - ORGANISATION ET ATTRIBUTIONS NON DISCIPLINAIRES. QUESTIONS PROPRES À CHAQUE ORDRE PROFESSIONNEL. ORDRE DES CHIRURGIENS-DENTISTES. CONSEIL NATIONAL. - 1) DÉCISION RELATIVE À L'INSCRIPTION AU TABLEAU DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L'ORDRE - RAPO DEVANT LE CONSEIL NATIONAL CONTRE LA DÉCISION DU CONSEIL RÉGIONAL DE L'ORDRE STATUANT SUR UN RECOURS DIRIGÉ CONTRE CETTE DÉCISION (ART. L. 4112-4 DU CSP) - OBLIGATION POUR LE CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DE SE PRONONCER AU VU DES CIRCONSTANCES DE DROIT ET DE FAIT À LA DATE DE SA DÉCISION - EXISTENCE - 2) DÉCISION DE RADIATION DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L'ORDRE (ART. L. 4112-1 DU CSP) - RAPO DEVANT LE CONSEIL NATIONAL - OBLIGATION POUR CE DERNIER DE SE PRONONCER AU VU DES CIRCONSTANCES DE DROIT ET DE FAIT À LA DATE DE SA DÉCISION - EXISTENCE.

55-01-02-015-01 1) Saisi du recours administratif préalable obligatoire (RAPO) prévu par l'article L. 4112-4 du code de la santé publique (CSP) contre une décision d'un conseil régional de l'ordre des chirurgiens dentistes ayant lui-même statué sur un recours dirigé contre une décision prise par un conseil départemental relative à l'inscription au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes, il appartient au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes de se prononcer à nouveau lui-même, au vu des circonstances de droit et de fait à la date de sa propre décision, sur le bien-fondé de l'inscription du praticien au tableau de l'ordre tenu par le conseil départemental compétent.... ...2) Il en va également ainsi lorsque le recours dont est saisi le Conseil national est relatif à une décision de radiation prise par le conseil départemental, en application de l'article L. 4112-1 du CSP. Il appartient alors au Conseil national d'examiner si, compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il se prononce, les faits portés à la connaissance des instances ordinales sont, au titre de l'obligation d'assurer la tenue à jour du tableau de l'ordre, de nature à justifier une mesure de radiation de ce tableau.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2018, n° 409815
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Françoise Tomé
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL ; HAAS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:409815.20181219
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