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19/12/2018 | FRANCE | N°396945

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 19 décembre 2018, 396945


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 22 mai 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy n° 14NC01204 du 10 décembre 2015 en tant qu'il s'est prononcé sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux dépenses de la société Marle Participations se rapportant à des opérations d'acquisition de titres et a sursis à statuer sur les conclusions présentées en appel par cette société tendant à la décharge de ces rappels jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit p

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Vu la procédure suivante :

Par une décision du 22 mai 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy n° 14NC01204 du 10 décembre 2015 en tant qu'il s'est prononcé sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux dépenses de la société Marle Participations se rapportant à des opérations d'acquisition de titres et a sursis à statuer sur les conclusions présentées en appel par cette société tendant à la décharge de ces rappels jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question de savoir si et, le cas échéant, dans quelles conditions, la location d'un immeuble par une société holding à une filiale traduit une immixtion directe ou indirecte dans la gestion de cette filiale ayant pour effet de conférer à l'acquisition et à la détention de parts de cette filiale le caractère d'activités économiques au sens de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Par un arrêt n° C-320/17 du 5 juillet 2018, la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée sur cette question.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet des conclusions de la SARL Marle Participations présentées devant la cour administrative d'appel de Nancy. Il soutient qu'il n'est pas contesté que la société ne s'immisce que dans la gestion de la SA VMS Plot, à l'exclusion des autres filiales, et qu'il lui appartient de mettre en oeuvre la clé de répartition prévue par la jurisprudence européenne et nationale, dès lors qu'elle est la seule à disposer des informations utiles.

Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par les décisions du Conseil d'Etat du 17 octobre 2016 et du 22 mai 2017 ;

Vu :

- la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 5 juillet 2018 rendu dans l'affaire C-320/17 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cytermann, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la SARL Marle Participations ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que la SARL Marle Participations a pour objet la gestion de participations dans plusieurs filiales. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée dont la SARL Marle Participations s'est acquittée à l'occasion du paiement en 2009 et 2010 de diverses factures. Par une décision du 22 mai 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux et réglant l'affaire au fond après avoir annulé l'arrêt du 10 décembre 2015 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il s'est prononcé sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux dépenses de la société se rapportant à des opérations d'acquisition de titres, a saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. Par un arrêt du 5 juillet 2018, celle-ci s'est prononcée sur cette question.

2. Il résulte de l'article 168 de la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la TVA que, si la simple acquisition et la simple détention de parts sociales ne doivent pas être regardées comme des activités économiques, au sens de la directive, conférant à leur auteur la qualité d'assujetti, il en va différemment lorsque la participation est accompagnée d'une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés dans lesquelles des participations sont détenues, par la mise en oeuvre de transactions soumises à la taxe, telles que la fourniture de services administratifs, financiers, commerciaux et techniques à ces sociétés. Dans ce cas, la taxe sur la valeur ajoutée est déductible, d'une part, lorsque les opérations effectuées en amont présentent un lien direct et immédiat avec des opérations en aval ouvrant droit à déduction, d'autre part, même en l'absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts en cause font partie des frais généraux de l'assujetti et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu'il fournit.

3. Par un arrêt du 16 juillet 2015, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les frais liés à l'acquisition de participations dans ses filiales supportés par une société holding qui participe à leur gestion et qui, à ce titre, exerce une activité économique, doivent être considérés comme faisant partie de ses frais généraux et que la taxe acquittée sur ces frais doit, en principe, être déduite intégralement, à moins que certaines opérations économiques réalisées en aval ne soient exonérées de la taxe. Le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée n'est pas subordonné à ce que ces frais d'acquisition soient précédés par la mise en oeuvre de transactions soumises à la TVA entre la société holding et ses filiales.

4. Dans l'arrêt du 5 juillet 2018 par lequel elle s'est prononcée sur la question dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que la directive du Conseil, du 28 novembre 2006 doit être interprétée en ce sens que la location d'un immeuble par une société holding à sa filiale constitue une " immixtion dans la gestion " de cette dernière, qui doit être considérée comme une activité économique, au sens de l'article 9, paragraphe 1, de cette directive, ouvrant droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée sur les dépenses supportées par la société en vue de l'acquisition de participations dans cette filiale, dès lors que cette prestation de services présente un caractère permanent, qu'elle est effectuée à titre onéreux et qu'elle est taxée, ce qui implique que cette location ne soit pas exonérée, et qu'il existe un lien direct entre le service rendu par le prestataire et la contre-valeur reçue du bénéficiaire. Les frais liés à l'acquisition de participations dans ses filiales supportés par une société holding qui participe à leur gestion en leur louant un immeuble, et qui, à ce titre, exerce une activité économique, doivent être considérés comme faisant partie de ses frais généraux et la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur ces frais doit, en principe, pouvoir être déduite intégralement. Les frais liés à l'acquisition de participations dans ses filiales supportés par une société holding qui ne participe à la gestion que de certaines d'entre elles et qui, à l'égard des autres, n'exerce, en revanche, pas d'activité économique doivent être considérés comme faisant partie seulement partiellement des frais généraux de cette société, de telle sorte que la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur ces frais ne peut être déduite qu'en proportion de ceux qui sont inhérents à l'activité économique, selon des critères de ventilation définis par les États membres, lesquels, dans l'exercice de ce pouvoir, doivent tenir compte de la finalité et de l'économie de la directive et, à ce titre, prévoir un mode de calcul reflétant objectivement la part d'imputation réelle des dépenses en amont à l'activité économique et à l'activité non économique, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

5. Dans le dernier état de ses écritures, la SARL Marle Participations soutient qu'elle dispose d'un droit à déduction au titre seulement des dépenses exposées dans le cadre de l'acquisition effective des titres de participation de la SA VMS Plot et d'un projet qui visait à acquérir ceux de la société Visuol Technologies. Ses conclusions relatives à un droit à déduction au titre des dépenses exposées dans le cadre de projets d'investissement dans la société financière de Bagan et dans la société Everest doivent ainsi être regardées comme abandonnées.

6. S'agissant de la SA VMS Plot, il résulte de l'instruction que la SARL Marle Participations a conclu avec elle, le 21 janvier 2006 un bail pour la location d'un immeuble et d'un terrain situés à Nogent, pour une durée de neuf ans, stipulant le versement d'un loyer annuel de 9 000 euros assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. Cette prestation de services présente un caractère permanent, est effectuée à titre onéreux et est taxée. La SARL Marle Participations doit, dès lors, être regardée comme s'immisçant dans la gestion de cette filiale et comme exerçant à cet égard une activité économique assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. Dès lors que la totalité des revenus qu'elle perçoit de cette filiale est issue d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et que l'acquisition des titres en cause est sans lien avec ses autres filiales dans la gestion desquelles elle ne s'immisce pas, la société requérante justifie d'un droit à la déduction intégrale de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux frais exposés pour l'acquisition de ces titres de participation, pour un montant de 576,63 euros.

7. S'agissant, en revanche, des frais exposés dans le cadre du projet d'acquisition de titres de participation de la société Visuol Technologies, la SARL Marle Participations se borne à soutenir que ce projet avait pour objet de favoriser la croissance du groupe Marle, compte tenu de la complémentarité entre les activités de cette société et celle du groupe. Toutefois, la seule activité économique qu'exerce la SARL Marle Participations elle-même porte sur la location de l'immeuble mentionnée au point précédent et elle n'invoque aucun lien entre le projet en cause et cette activité. La société requérante ne justifie, dès lors, d'aucun droit à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux frais en cause.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Marle Participations est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 576,63 euros.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, le versement de la somme demandée par SARL Marle Participations.

D E C I D E :

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Article 1er : La SARL Marle Participations est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 à hauteur de 576,63 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 avril 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SARL Marle Participations est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SARL Marle Participations et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 396945
Date de la décision : 19/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2018, n° 396945
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Cytermann
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:396945.20181219
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