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17/12/2018 | FRANCE | N°422333

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 17 décembre 2018, 422333


Vu les procédures suivantes :

Les sociétés Smartphone ID et Informatique et organisation des données administratives (IODA) ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de suspendre l'exécution de la décision de l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) du 11 avril 2018 portant retrait de l'agrément délivré le 7 septembre 2016 à la société IODA. Par une ordonnance n° 1801326 du 4 juillet 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à cette demande.

1° Sous le n° 422333

, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregi...

Vu les procédures suivantes :

Les sociétés Smartphone ID et Informatique et organisation des données administratives (IODA) ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de suspendre l'exécution de la décision de l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) du 11 avril 2018 portant retrait de l'agrément délivré le 7 septembre 2016 à la société IODA. Par une ordonnance n° 1801326 du 4 juillet 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à cette demande.

1° Sous le n° 422333, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 18 juillet 2018, le 2 août 2018 et le 21 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'agence nationale des titres sécurisés demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande des sociétés Smartphone ID et Informatique et organisation des données administratives (IODA) ;

3°) de mettre à la charge de la société Smartphone ID et de la société Informatique et organisation des données administratives la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 422348, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 18 juillet 2018, le 2 août 2018 et le 21 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'agence nationale des titres sécurisés demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution, en application de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1801326 du 4 juillet 2018 visée ci-dessus ;

2°) de mettre à la charge de la société Smartphone ID et la société Informatique et organisation des données administratives (IODA) la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de l'agence nationale des titres sécurisés et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Smartphone ID et autre.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société informatique et organisation des données administratives (IODA) a été agréée le 7 septembre 2016 par l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS), afin de collecter auprès de professionnels de la photographie, dans le cadre de la délivrance des permis de conduire, par une voie dématérialisée, les images numérisées du visage et de la signature des demandeurs. La société IODA réalise cette collecte auprès de sa filiale, la société Smartphone ID, qui a développé un procédé de capture d'images reposant sur une application utilisable sur " smartphone ". Par une décision du 11 avril 2018, l'ANTS a retiré l'agrément délivré le 7 septembre 2016 à la société IODA. Par une ordonnance du 4 juillet 2018, contre laquelle l'ANTS se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a suspendu l'exécution de cette dernière décision.

Sur le pourvoi n° 422333 :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ".

3. Aux termes de l'article 16 de la loi du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure : " (...) les photographies destinées à la réalisation des passeports, cartes nationales d'identité et autres titres sécurisés sont, à compter de la promulgation de la loi n° du d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, réalisées par un professionnel de la photographie dans des conditions fixées par voie réglementaire. ". En vertu de l'article 1er de l'arrêté du 10 avril 2007 relatif à l'apposition de photographies d'identité sur les documents d'identité et de voyage, les permis de conduire et les titres de séjour : " Les photographies d'identité sont acceptées sur tous les documents d'identité et de voyage français délivrés par les autorités administratives françaises, notamment les cartes nationales d'identité et les passeports, ainsi que sur les permis de conduire et les titres de séjour pour étrangers, à condition qu'elles soient produites à l'aide d'un système photographique agréé par le ministère de l'intérieur. / Pour bénéficier de cet agrément, les systèmes photographiques doivent permettre la production de photographies assurant un niveau de qualité et de fiabilité conformément à l'annexe I au présent arrêté. ". L'article 2 du même arrêté définit les modalités de l'agrément, reposant sur une attestation établie par un laboratoire d'essais français ou de l'un des Etats membres de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'Espace économique européen répondant aux critères généraux d'indépendance et de compétence des laboratoires d'essais, fixés par les normes de la série EN 45 000. L'article 3 de cet arrêté dispose " qu'il appartient aux photographes et exploitants de cabines photographiques : / - de s'assurer que le système photographique qu'ils utilisent pour les photographies d'identité visées à l'article 1er a fait l'objet d'un agrément par le ministère de l'intérieur ; / - de vérifier que le papier qu'ils détiennent et sur lequel sont reproduites les photographies d'identité présente des garanties de sécurisation certifiées ;/ - et de mettre en place sur les lieux de prise de photographies une signalisation en vue d'informer le public sur l'agrément du système photographique et des produits proposés. ". Il résulte de ces dispositions que seules peuvent être utilisées et donc collectées pour la réalisation des titres officiels délivrés par l'agence nationale des titres sécurisés les photographies réalisées par des photographes professionnels au moyen de systèmes photographiques agréés.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la décision litigieuse est fondée sur le motif tiré de ce que, malgré les demandes de l'agence nationale des titres sécurisés, la société IODA a continué à collecter les photographies numérisées réalisées par la société Smartphone ID, alors que le procédé technique mis en oeuvre par cette dernière ne bénéficiait pas de l'agrément ministériel prévu par l'article 1er de l'arrêté du 10 avril 2007 visé ci-dessus. En jugeant qu'était, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, le moyen tiré du caractère infondé de ce motif, alors qu'il n'était pas contesté devant lui que le procédé mis en oeuvre par la société Smartphone ID ne bénéficiait pas de l'agrément requis, le juge des référés a commis une erreur de droit. Dès lors, son ordonnance doit être annulée.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande en référé en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le moyen tiré du caractère erroné des motifs du retrait de l'agrément délivré le 7 septembre 2016 à la société IODA ne paraît pas, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée. Il en va de même des moyens tirés de ce que la société IODA n'aurait pas méconnu les termes de son agrément, de ce que la décision litigieuse procèderait à une interdiction générale de l'utilisation des téléphones portables pour réaliser les photographies d'identité des permis de conduire et de ce qu'elle porterait atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie. L'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande présentée par les sociétés Smarphone ID et Informatique et organisation des données administratives (IODA) devant le juge des référés tendant à ce que soit ordonnée la suspension de la décision du 11 avril 2018 du directeur de l'agence nationale des titres sécurisés doit être rejetée.

Sur la requête n° 422348 :

7. Il résulte de ce qui précède que le Conseil d'Etat s'est prononcé par la présente décision sur le pourvoi formé par l'ANTS contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 4 juillet 2018. Par suite, les conclusions à fin de sursis de cette ordonnance sont devenues sans objet.

Sur les frais exposés dans l'instance :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Smartphone ID et de la société Informatique et organisation des données administratives (IODA) une somme à verser à l'ANTS, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'ANTS, qui n'est pas la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés de Châlons-en-Champagne du 4 juillet 2018 est annulée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 422348.

Article 3 : La demande de la société Smartphone ID et de la société Informatique et organisation des données administratives (IODA) devant le juge des référés de Châlons-en-Champagne, ainsi que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions du pourvoi de l'agence nationale des titres sécurisés sont rejetées pour le surplus.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'agence nationale des titres sécurisés, à la société Smartphone ID et à la société informatique et organisation des données administratives (IODA).

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 422333
Date de la décision : 17/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 déc. 2018, n° 422333
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Coralie Albumazard
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:422333.20181217
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