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07/12/2018 | FRANCE | N°411924

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 07 décembre 2018, 411924


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 avril 2016 par lequel le maire de Bouliac a délivré à la société Fradin un permis d'aménager pour la réalisation d'un ensemble de vingt-cinq lots, ainsi que la décision ayant rejeté son recours gracieux. Par un jugement n° 1603118 du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 28 septembre 2017 au secrétariat du content

ieux du Conseil d'Etat, la société Fradin demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 avril 2016 par lequel le maire de Bouliac a délivré à la société Fradin un permis d'aménager pour la réalisation d'un ensemble de vingt-cinq lots, ainsi que la décision ayant rejeté son recours gracieux. Par un jugement n° 1603118 du 27 avril 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juin et 28 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Fradin demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M.A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Fradin et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M.A.le long de la route Bleue, en face de l'accès principal au terrain d'assiette du projet

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 6 avril 2016, le maire de Bouliac a délivré à la société Fradin un permis d'aménager un ensemble de vingt-cinq lots à destination d'habitation, de bureaux et de services. La société se pourvoit en cassation contre le jugement du 27 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.

2. En premier lieu, si, devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, pour tenir compte d'une production postérieure à la clôture de celle-ci, ce n'est que dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire que le juge doit en tenir compte à peine d'irrégularité de sa décision. Il ressort en l'espèce des pièces de la procédure devant le tribunal administratif que M. A...s'est désisté de sa requête le 19 avril 2017, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, intervenue trois jours francs avant l'audience, et postérieurement à cette audience elle-même, tenue le 6 avril 2017. Contrairement à ce qui est soutenu, un désistement, quels qu'en soient les motifs, ne peut être regardé comme constitutif d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont le requérant ne serait pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction. Par suite, s'il était loisible au tribunal administratif de rouvrir l'instruction pour en donner acte, ce qu'il n'aurait pu régulièrement faire qu'après l'avoir communiqué, il n'en avait pas l'obligation. Il n'a ainsi commis aucune irrégularité en statuant en l'état du dossier à la date de la clôture de l'instruction sur les conclusions de la demande de M. A.le long de la route Bleue, en face de l'accès principal au terrain d'assiette du projet

3. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme que s'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien, le voisin immédiat, eu égard à sa situation particulière, justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...est domicilié.le long de la route Bleue, en face de l'accès principal au terrain d'assiette du projet Dans ces conditions, en jugeant qu'il justifiait d'un intérêt pour agir en faisant état de l'incidence de la création des vingt-cinq lots à bâtir sur l'encombrement de la voie de desserte de son bien, alors même que cette route connaîtrait déjà un trafic important, le tribunal a donné aux faits qui lui étaient soumis, qu'il n'a pas dénaturés, une exacte qualification juridique.

5. En dernier lieu, aux termes du préambule du règlement de la zone AU du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole : " La lettre suivant le sigle AU/U renvoie à la zone U de référence (ex. : AU/UP renvoie à la zone UP). Le règlement de la zone U de référence est applicable à la zone AU, sauf prescriptions particulières de la zone AU ". Aux termes de l'article 3 du règlement de la zone AU de ce plan : " Les prescriptions applicables sont celles de la zone U correspondante. / Les nouvelles bandes d'accès sont interdites (...) ". L'article 3 des règles applicables à toutes les zones du plan local d'urbanisme, d'une part, détermine les conditions de desserte des terrains par les voies publiques ou privées, qui peuvent préexister ou être créées à l'occasion de la réalisation d'un projet, et, d'autre part, dispose que : " B.1. (...) L'accès correspond : soit à la limite (telle que portail ou porte de garage), donnant directement sur la voie, soit à l'espace tel que porche ou portion de terrain (bande d'accès ou servitude de passage), par lesquels les véhicules pénètrent sur le terrain d'assiette du projet depuis la voie de desserte (...) / B.2.3. (...) Sauf indication contraire portée au plan de zonage, la création d'un accès à une nouvelle construction sous forme d'une bande d'accès ou d'une servitude de passage est interdite ". Enfin, selon le lexique du plan local d'urbanisme, une bande d'accès est une " portion de terrain permettant l'accès à une ou des constructions en second rang, qui ne sont pas desservies directement par une voie ou une emprise publique ".

6. Pour l'application de ces dispositions, constitue une bande d'accès une portion de terrain, distincte du terrain d'assiette du projet, permettant l'accès à ce terrain d'assiette depuis une voie publique ou une voie privée ouverte à la circulation publique, ou encore depuis une emprise publique. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le terrain d'assiette du projet en cause est relié à la route Bleue par une voie privée créée à cette fin sur des parcelles voisines, sans que les éléments fournis à l'appui de la demande de permis d'aménager, en dépit de l'indication selon laquelle cette voie serait " rétrocédable " à Bordeaux Métropole, permettent de considérer qu'elle sera ouverte à la circulation publique et constitutive par suite d'une voie de desserte, faute notamment de mention de cette ouverture à la circulation publique dans le règlement du lotissement ou de production au dossier de la convention de transfert mentionnée à l'article R. 442-8 du code de l'urbanisme. Par suite, en jugeant que cette voie devait être regardée comme une bande d'accès, ce dont il a déduit que le projet méconnaissait les dispositions précitées du règlement de la zone AU du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole qui interdisent les nouvelles bandes d'accès, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l'espèce, qu'il n'a pas dénaturés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Fradin n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Fradin la somme que M. A...demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font, en outre, obstacle à ce que la somme demandée par la société requérante soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Fradin est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Fradin et à M. B...A.le long de la route Bleue, en face de l'accès principal au terrain d'assiette du projet

Copie en sera adressée à la commune de Bouliac.


Synthèse
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 411924
Date de la décision : 07/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 déc. 2018, n° 411924
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Sirinelli
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP JEAN-PHILIPPE CASTON ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:411924.20181207
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