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07/12/2018 | FRANCE | N°407307

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 07 décembre 2018, 407307


Vu la procédure suivante :

La société d'investissement et de participation du pays d'Aix (SIPPA) a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les oppositions à tiers détenteur n° 12/2014 et n° 11/2014, émises les 10 septembre et 5 septembre 2014 par le département des Bouches-du-Rhône en vue du recouvrement des sommes de 65 697 euros et 65 697 euros, ainsi que les titres de recettes correspondants, et d'enjoindre au département de renoncer à tout encaissement sous astreinte par jour de retard à compter des jugements à intervenir. La SIPPA et la société Mal

Invest ont également demandé au tribunal administratif de Marseille d...

Vu la procédure suivante :

La société d'investissement et de participation du pays d'Aix (SIPPA) a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les oppositions à tiers détenteur n° 12/2014 et n° 11/2014, émises les 10 septembre et 5 septembre 2014 par le département des Bouches-du-Rhône en vue du recouvrement des sommes de 65 697 euros et 65 697 euros, ainsi que les titres de recettes correspondants, et d'enjoindre au département de renoncer à tout encaissement sous astreinte par jour de retard à compter des jugements à intervenir. La SIPPA et la société Mal Invest ont également demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les oppositions à tiers détenteur n° 14/2014, n° 13/2014 et n° 38/2015, émises les 10 septembre 2014, 5 septembre 2014 et 25 juin 2015 par le département des Bouches-du-Rhône en vue du recouvrement des sommes de 430 706,80 euros, 430 706,80 euros et 430 707 euros, ainsi que les titres de recettes correspondants, et d'enjoindre au département de renoncer, sous astreinte, à tout encaissement.

Par un jugement n° 1407779, 1407781, 1407782, 1407783, 1506000 du 31 mai 2016, le tribunal administratif de Marseille a prononcé un non-lieu à statuer sur les trois premières demandes et rejeté les demandes d'annulation des deux dernières demandes.

Par un arrêt n° 16MA03070, 16MA03063, 16MA03068 du 28 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Marseille, par son article 1er, a prononcé un non-lieu à statuer sur les demandes de sursis à exécution introduites par la société SIPPA et par la société Mal Invest, par son article 2, a annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société Mal Invest dirigées contre l'opposition à tiers détenteur n° 38/2015, par son article 3, a annulé cette opposition à tiers détenteur en tant qu'elle était émise à l'encontre de la société Mal Invest et, par son article 4, a rejeté le surplus des conclusions de la société SIPPA et de la société Mal Invest.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 janvier, 2 mai et 24 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département des Bouches-du-Rhône demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 de cet arrêt ;

2°) de rejeter la requête d'appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Mal Invest la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du département des Bouches-du-Rhône et à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société d'investissement et de participation du pays d'Aix (SIPPA) et de la société Mal Invest ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société d'investissement et de participation du pays d'Aix (SIPPA) a géré une maison de retraite, jusqu'en 2013, et devait, dans ce cadre, au département des Bouches-du-Rhône, une somme de 430 707 euros correspondant essentiellement à des pensions perçues par les résidents, qu'elle devait reverser à ce département en contrepartie des dépenses d'hébergement qu'il prenait en charge. Après diverses tentatives de recouvrement de cette somme, le payeur départemental a émis, le 25 juin 2015, une double opposition à tiers détenteur n° 38/2015 à l'encontre de la société " Le château de la Malle ", qui avait entre temps racheté le fonds de commerce exploité par la SIPPA, pour les sommes que cette société devait à cette dernière, et à la société Mal Invest, propriétaire des murs de la maison de retraite et du terrain l'entourant. Le département des Bouches-du-Rhône se pourvoit en cassation contre les articles 2 et 3 de l'arrêt du 28 novembre 2016 par lesquels la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement de première instance en tant qu'il avait rejeté les conclusions tendant à l'annulation de cette opposition à tiers détenteur en tant qu'elle concernait la société Mal Invest puis a fait droit à ces conclusions.

2. Aux termes du premier alinéa du 7° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Le recouvrement par les comptables publics compétents des titres rendus exécutoires dans les conditions prévues au présent article peut être assuré par voie d'opposition à tiers détenteur adressée aux personnes physiques ou morales qui détiennent des fonds pour le compte de redevables, qui ont une dette envers lui ou qui lui versent une rémunération ". Une opposition à tiers détenteur peut être émise, en application de ces dispositions, à l'encontre des personnes physiques ou morales qui détiennent des fonds pour le compte du redevable à l'encontre duquel un titre exécutoire a été émis, qui ont une dette envers lui ou qui lui versent une rémunération. Elle peut également être émise à l'encontre des tiers détenteurs qui sont dans la même situation à l'égard des personnes qui se sont obligées, pour le compte du redevable, à rembourser le créancier public, à travers une délégation de paiement, au sens de l'article 1275 du code civil, alors applicable et désormais repris aux articles 1336 et suivants du même code, à la condition toutefois qu'un titre exécutoire ait été préalablement émis à l'encontre de ces personnes.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que par un courrier du 14 octobre 2013 adressé au payeur départemental à la suite d'une réunion avec celui-ci et avec la SIPPA, la société Mal invest s'est engagée à verser pour le compte de cette dernière au département des Bouches du Rhône le montant, chiffré à 445 706,80 euros, des pensions à reverser qui lui étaient encore dues, en précisant que ce versement serait permis par la vente prévue " fin 2013/début 2014 " à la société " Le château de la Malle " d'un terrain situé à côté de la maison de retraite et sur lequel cette société devait construire un nouvel établissement pour exploiter le fonds de commerce qu'elle avait acquis et, d'autre part, que cette vente n'est finalement pas intervenue, la société " Le château de la Malle " ayant préféré prendre en location le terrain. Dès lors qu'elle a relevé, par une appréciation souveraine dont il n'est pas allégué qu'elle serait entachée de dénaturation, qu'aucun titre exécutoire n'avait été émis à l'encontre de la société Mal Invest, la cour pouvait en déduire que cette société était fondée à demander l'annulation de l'opposition à tiers détenteur litigieuse émise à l'encontre de la société " Le château de la Malle " à raison des loyers qu'elle lui devait, sans commettre d'erreur de droit et sans que le département requérant puisse utilement invoquer la dénaturation que la cour aurait commise en estimant que la société Mal invest n'avait admis aucune obligation de payer susceptible de donner une base légale à cet acte.

4. Il résulte de ce qui précède que le département des Bouches-du Rhône n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Sa demande présentée en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peut, par suite, qu'être rejetée. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône une somme de 3000 euros à verser à la société Mal Invest au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du département des Bouches-du-Rhône est rejeté.

Article 2 : Le département des Bouches-du-Rhône versera une somme de 3 000 euros à la société Mal Invest au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au département des Bouches-du-Rhône et à la société Mal Invest.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-03-02-01-01 COMPTABILITÉ PUBLIQUE ET BUDGET. CRÉANCES DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES. RECOUVREMENT. PROCÉDURE. ÉTAT EXÉCUTOIRE. - PERSONNE (DÉLÉGUÉ) S'ÉTANT OBLIGÉE, POUR LE COMPTE DU REDEVABLE (DÉLÉGANT), À REMBOURSER LE CRÉANCIER PUBLIC (DÉLÉGATAIRE) À TRAVERS UNE DÉLÉGATION DE PAIEMENT (ART. 1275 DU CODE CIVIL, REPRIS AUX ART. 1336 ET SUIVANTS) - POSSIBILITÉ D'ÉMETTRE UNE OPPOSITION À TIERS DÉTENTEUR À L'ENCONTRE DE TIERS POUR ASSURER LE RECOUVREMENT DES SOMMES DUES PAR LE DÉLÉGUÉ (1ER AL. DU 7° DE L'ART. L. 1617-5 DU CGCT) - EXISTENCE, SOUS RÉSERVE QU'UN TITRE EXÉCUTOIRE AIT PRÉALABLEMENT ÉTÉ ÉMIS À L'ENCONTRE DE CE DÉLÉGUÉ.

18-03-02-01-01 Une opposition à tiers détenteur peut être émise, en application du premier alinéa du 7° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT) alors applicable, à l'encontre des personnes physiques ou morales qui détiennent des fonds pour le compte du redevable à l'encontre duquel un titre exécutoire a été émis, qui ont une dette envers lui ou qui lui versent une rémunération. Elle peut également être émise à l'encontre des tiers détenteurs qui sont dans la même situation à l'égard des personnes qui se sont obligées, pour le compte du redevable, à rembourser le créancier public, à travers une délégation de paiement, au sens de l'article 1275 du code civil, alors applicable et désormais repris aux articles 1336 et suivants du même code, à la condition toutefois qu'un titre exécutoire ait été préalablement émis à l'encontre de ces personnes.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 07 déc. 2018, n° 407307
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Géraud Sajust de Bergues
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Date de la décision : 07/12/2018
Date de l'import : 25/12/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 407307
Numéro NOR : CETATEXT000037783315 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2018-12-07;407307 ?
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