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03/12/2018 | FRANCE | N°405460

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 03 décembre 2018, 405460


Vu la procédure suivante :

Par deux requêtes, la région Bretagne, représentée par la société d'exploitation de l'aéroport de Quimper Cornouaille, a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2013 à raison de l'aéroport de Quimper Cornouaille. Par un jugement nos 1302902, 1503276 du 28 septembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a renvoyé la région Bretagne devant l'administration pour que celle-ci calcule, conform

ément aux motifs du jugement, le montant des cotisations de taxe foncière ...

Vu la procédure suivante :

Par deux requêtes, la région Bretagne, représentée par la société d'exploitation de l'aéroport de Quimper Cornouaille, a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2013 à raison de l'aéroport de Quimper Cornouaille. Par un jugement nos 1302902, 1503276 du 28 septembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a renvoyé la région Bretagne devant l'administration pour que celle-ci calcule, conformément aux motifs du jugement, le montant des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2011 et 2013 dues à raison de l'aéroport de Quimper Cornouaille et prononcé la décharge de la différence entre les montants de cotisations de la taxe à laquelle elle a été assujettie au titre de ces deux années et celles qui résultent de ce jugement.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistré les 28 novembre 2016 et 18 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie et des finances demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une convention de délégation de service public du 5 janvier 2009, la société d'exploitation de l'aéroport de Quimper Cornouaille a été chargée par la région Bretagne de l'exploitation de l'aéroport de Quimper Cornouaille pour une durée de six ans et dix mois. Pour la détermination des bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties, imposition dont le délégataire supporte la charge en application de l'article 68 de la convention, les installations foncières de cet aéroport ont été évaluées selon la méthode comptable définie à l'article 1499 du code général des impôts. Par deux réclamations des 19 décembre 2012 et 24 décembre 2014, la société a contesté, pour le compte de la région Bretagne, l'application de cette méthode d'évaluation, en soutenant que ces installations devaient être évaluées selon la méthode d'appréciation directe prévue par l'article 1498 du code général des impôts, et a sollicité en conséquence la réduction de la cotisation de taxe foncière mise à sa charge au titre des années 2011 et 2013. Après le rejet de ses réclamations, elle a saisi le tribunal administratif de Rennes qui, par le jugement attaqué du 28 septembre 2016, a fait partiellement droit à sa demande en la déchargeant de la différence entre le montant de la taxe foncière à laquelle elle avait été assujettie et le montant de cette taxe calculé selon la méthode d'appréciation directe prévue au 3° de l'article 1498 du code général des impôts, en appliquant, sur la valeur de reconstruction des biens au 1er janvier 1970, un abattement global de 75 % et un taux d'intérêt de 5 %.

2. Aux termes de l'article 1498 du code général des impôts : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison (...) 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe. (...) ". Aux termes de l'article 1499 du même code : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments (...) des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 1500 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : / 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; / 2° selon les règles fixées à l'article 1498 lorsque les conditions prévues au 1° ne sont pas satisfaites ".

3. Il résulte des dispositions de ce dernier article que, dès lors que le propriétaire ou l'exploitant de bâtiments et de terrains industriels passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est soumis aux obligations déclaratives définies à l'article 53 A du code général des impôts et que ces immobilisations industrielles figurent à l'actif de son bilan, la valeur locative de ces immobilisations est établie selon les règles fixées à l'article 1499 du code. En outre, dans l'hypothèse où l'absence d'inscription des immobilisations industrielles à l'actif du bilan du propriétaire ou de l'exploitant procède d'une méconnaissance, par celui-ci, de ses obligations comptables, l'administration fiscale est fondée, après avoir, conformément au principe général des droits de la défense, permis au redevable de la taxe foncière de présenter ses observations, à corriger de cette omission les éléments déclarés en application des dispositions de l'article 53 A du code général des impôts, puis à établir la taxe foncière selon les règles fixées à l'article 1499 du code.

4. Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ". L'article 393-1, devenu 621-8, du plan comptable général, relatif aux immobilisations faisant l'objet d'une concession de service public ou de travaux publics, prévoit que " Les biens mis dans la concession par le concédant ou par le concessionnaire sont inscrits à l'actif du bilan de l'entité concessionnaire ". Ces dispositions s'appliquent aux contrats de délégation de service public mettant à la charge du délégataire les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, notamment les investissements de premier établissement.

5. Pour faire droit à l'argumentation de la requérante, qui soutenait que l'évaluation des installations aéroportuaires de Quimper Cornouaille devait être effectuée selon la méthode d'appréciation directe prévue au 3° de l'article 1498 du code général des impôts, le tribunal administratif a d'abord relevé qu'elle soutenait, sans être valablement contredite, que les installations foncières de cet aéroport n'étaient pas inscrites à l'actif de son bilan et qu'il était constant que la région Bretagne, propriétaire des bâtiments et terrains industriels en cause, n'était pas astreinte aux dispositions de l'article 53 A du code général des impôts. Il a ensuite jugé que la convention de délégation de service public du 5 janvier 2009, en vertu de laquelle la société exploitait l'aéroport en cause, était un contrat d'affermage, dès lors que les ouvrages nécessaires à son exploitation étaient déjà établis à cette date et que les travaux prévus par le plan pluriannuel d'investissement du délégataire sur la durée du contrat présentaient un caractère accessoire. Le tribunal en a déduit que la société n'était pas tenue d'inscrire à l'actif de son bilan les installations passibles de taxe foncière de l'aéroport de Quimper Cornouaille et qu'elle était, dès lors, fondée à contester l'utilisation de la méthode comptable pour évaluer leur valeur locative.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment des termes de la convention conclue entre la région Bretagne et la société d'exploitation de l'aéroport de Quimper Cornouaille, d'une part, que les installations aéroportuaires ont été construites en 1932 et exploitées avant d'être mises à la disposition de la société, qui n'a donc pas supporté les frais de premier établissement, d'autre part, que si la société s'est vu confier, outre l'exploitation des installations aéroportuaires, " le développement, l'aménagement, l'entretien et la promotion des terrains, ouvrages, bâtiments, installations et matériels... nécessaires au fonctionnement de l'aéroport... " ainsi que la réalisation de travaux, notamment de mise aux normes, de gros entretien et de renouvellement, les investissements dont elle a la charge consistent uniquement en des travaux de renforcement, de mise en conformité et d'entretien d'installations déjà existantes et non de création, d'extension ou de renouvellement des ouvrages. Il en résulte que la convention en cause n'entre pas dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 393-1, devenu 621-8, du plan comptable général. Dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait commis une erreur de qualification juridique ni une erreur de droit en jugeant que la société d'exploitation de l'aéroport de Quimper Cornouaille n'avait pas l'obligation d'inscrire les immobilisations litigieuses à son actif.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros à verser à la région Bretagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie et des finances est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 3 500 euros à la région Bretagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la région Bretagne et à la société d'exploitation de l'aéroport de Quimper Cornouaille.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 405460
Date de la décision : 03/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 03 déc. 2018, n° 405460
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:405460.20181203
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