Vu la procédure suivante :
M. B...D...et M. et Mme C...et Martine A...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 janvier 2015 par lequel le maire de Marseille a délivré à la société civile de construction vente Chemin de la chaîne le permis de construire un ensemble immobilier sur un terrain cadastré section N, n° 251, situé 51, avenue de la Soude. Par un jugement n° 1501432 du 30 mars 2017, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 mai et 31 août 2017 et le 30 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCCV Chemin de la chaîne demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. D... et de M. et MmeA... ;
3°) de mettre à la charge solidaire de M. D...et de M. et Mme A...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la SCCV Chemin de la chaîne et à la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de M. D...et de M. et MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 7 janvier 2015, le maire de Marseille a délivré à la SCCV Chemin de la chaîne le permis de construire un ensemble immobilier de soixante-et-onze logements, d'une surface de plancher de 4 177 mètres carrés, sur un terrain d'assiette cadastré section N, n° 251, situé au 51, avenue de la Soude. Par un jugement du 30 mars 2017, contre lequel la SCCV Chemin de la chaîne se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Marseille a annulé ce permis de construire à la demande de M. D...et de M. et MmeA....
Sur l'intérêt pour agir des requérants de première instance :
2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. D... et M. et Mme A...sont propriétaires et occupants de villas construites sur les parcelles cadastrées section N n°s 163 et 169, situées à proximité immédiate de la parcelle d'assiette du projet, et sont copropriétaires de la parcelle n° 165, mitoyenne de celui-ci. Ces riverains faisaient valoir que le projet de construction, en face de leur villa, d'un immeuble de soixante-et-onze logements comprenant douze balcons, six terrasses et plusieurs dizaines de fenêtres aurait des incidences sur leur vue et leur cadre de vie et serait la cause de nuisances sonores du fait d'une circulation accrue. En relevant, pour écarter la fin de non-recevoir tiré du défaut d'intérêt pour agir des demandeurs, que les requérants se prévalaient de leur qualité de propriétaires de biens immobiliers jouxtant le terrain d'assiette du projet et des troubles de jouissance de leurs biens qu'occasionnera celui-ci, le tribunal administratif de Marseille n'a ni dénaturé les pièces du dossier ni insuffisamment motivé son jugement.
Sur les modalités d'évacuation des eaux pluviales :
5. D'une part, le tribunal ne s'est pas mépris sur la portée de leurs écritures en estimant que M. D...et M. et MmeA..., qui avaient soutenu dans leurs différents mémoires que le dossier de demande de permis de construire ne comportait pas d'autorisation de raccordement au réseau privé d'évacuation des eaux pluviales du lotissement " La Pépinière " alors qu'il ressortait des plans communiqués par le pétitionnaire que celui-ci entendait manifestement raccorder la nouvelle construction à ce réseau, devaient être regardés comme contestant la conformité du projet aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme imposant que les eaux pluviales issues des parcelles faisant l'objet d'un projet soient convenablement recueillies et gérées sur ce terrain.
6. D'autre part, en retenant, pour juger que le projet ne prévoyait pas une évacuation convenable des eaux pluviales et annuler sur ce fondement le permis de construire délivré le 7 janvier 2015, qu'il ressortait des pièces du dossier et qu'il n'était pas contesté que le projet ne prévoyait pas d'autre raccordement à un réseau d'évacuation des eaux pluviales que le raccordement au réseau privé du lotissement voisin " La Pépinière ", auquel aucune demande de servitude n'avait été adressée, le tribunal ne s'est pas tenu aux seules affirmations des demandeurs mais a statué au vu de l'ensemble des écritures présentées devant lui et des pièces du dossier qui lui était soumis, qu'il n'a pas dénaturées, et n'a ainsi pas commis d'erreur de droit.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SCCV Chemin de la chaîne n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SCCV Chemin de la chaîne présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice. Il y a lieu, au titre des mêmes dispositions, de mettre à la charge de cette société une somme de 1 500 euros à verser à M.D..., d'une part, et à M. et MmeA..., d'autre part.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SCCV Chemin de la chaîne est rejeté.
Article 2 : La SCCV Chemin de la chaîne versera 1 500 euros à M. D...et 1 500 euros à M. et Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société civile de construction vente Chemin de la chaîne, à M. B... D...et à M. et Mme C...et MartineA....
Copie en sera adressée à la commune de Marseille.