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28/11/2018 | FRANCE | N°410779

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 28 novembre 2018, 410779


Vu la procédure suivante :

La société en commandite simple (SCS) GE Medical Systems a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction des suppléments de cotisation minimale de taxe professionnelle mis à sa charge au titre des années 2004 et 2005 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1203950 du 30 juin 2014, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14VE02645 du 21 mars 2017, la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir donné acte d'un désistement partiel de la SCS GE Medical Systems et constaté

qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête à conc...

Vu la procédure suivante :

La société en commandite simple (SCS) GE Medical Systems a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction des suppléments de cotisation minimale de taxe professionnelle mis à sa charge au titre des années 2004 et 2005 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1203950 du 30 juin 2014, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14VE02645 du 21 mars 2017, la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir donné acte d'un désistement partiel de la SCS GE Medical Systems et constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête à concurrence de dégrèvements intervenus en cours d'instance au titre de l'année 2004, a prononcé la décharge des suppléments de cotisation minimale de taxe professionnelle résultant de la réintégration dans les bases de cette taxe de 82% des dépenses d'affacturage comptabilisées au titre des années 2004 et 2005 et rejeté le surplus de l'appel formé contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires enregistrés les 23 mai et 17 août 2017 et les 17 avril et 28 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCS GE Medical Systems demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 5 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Liza Bellulo, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société GE Médical Systems ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société en commandite simple (SCS) GE Medical Systems, qui exerce une activité de fabrication et de commercialisation d'appareils et de logiciels médicaux, l'administration fiscale a remis en cause la détermination de la valeur ajoutée produite par la société, servant de base au calcul de la cotisation minimale de taxe professionnelle prévue à l'article 1647 E du code général des impôts. Le service a notamment estimé que les prix auxquels étaient refacturés des biens et services fournis à des sociétés liées établies à l'étranger étaient inférieurs aux prix de pleine concurrence et a rehaussé la valeur ajoutée de la société contribuable à concurrence des renonciations à recettes correspondantes. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 mars 2017 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 30 juin 2014 du tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande de réduction des suppléments de cotisation minimale de taxe professionnelle mis à sa charge au titre des années 2004 et 2005. Par la voie du pourvoi incident, le ministre de l'action et des comptes publics demande l'annulation des articles 3 et 4 de cet arrêt.

Sur le pourvoi de la SCS GE Medical Systems :

2. Aux termes de l'article 57 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. /(...) En cas de défaut de réponse à la demande faite en application de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales, les bases d'imposition concernées par la demande sont évaluées par l'administration à partir des éléments dont elle dispose et en suivant la procédure contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 du même livre. /A défaut d'éléments précis pour opérer les rectifications prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle constate que les prix facturés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée, sont inférieurs à ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement, c'est-à-dire dépourvues de liens de dépendance, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise française, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes.

3. Aux termes de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque, au cours d'une vérification de comptabilité, l'administration a réuni des éléments faisant présumer qu'une entreprise a opéré un transfert indirect de bénéfices, au sens des dispositions de l'article 57 du code général des impôts, elle peut demander à cette entreprise des informations et documents précisant : / 1° La nature des relations entrant dans les prévisions de l'article 57 du code général des impôts, entre cette entreprise et une ou plusieurs entreprises exploitées hors de France ou sociétés ou groupements établis hors de France. / 2° La méthode de détermination des prix des opérations de nature industrielle, commerciale ou financière qu'elle effectue avec des entreprises, sociétés ou groupements visés au 1° et les éléments qui la justifient ainsi que, le cas échéant, les contreparties consenties ; (...). / Les demandes visées au premier alinéa doivent être précises et indiquer explicitement, par nature d'activité ou par produit, le pays ou le territoire concerné, l'entreprise, la société ou le groupement visé ainsi que, le cas échéant, les montants en cause. Elles doivent, en outre, préciser à l'entreprise vérifiée le délai de réponse qui lui est ouvert. Ce délai, qui ne peut être inférieur à deux mois, peut être prorogé sur demande motivée sans pouvoir excéder au total une durée de trois mois. / Lorsque l'entreprise a répondu de façon insuffisante, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite. Cette mise en demeure doit rappeler les sanctions applicables en cas de défaut de réponse ". Il résulte de ces dispositions que l'administration peut demander à une entreprise vérifiée, en cours de vérification de comptabilité, lorsqu'elle a réuni des éléments faisant présumer l'existence d'un transfert indirect de bénéfices au sens de l'article 57 du code général des impôts, toutes informations relatives tant à la nature de ses relations avec des entreprises, sociétés ou groupements qui lui sont liées, qu'au mode de détermination des prix des opérations de nature industrielle, commerciale ou financière qu'elle effectue avec ces entreprises. L'administration est notamment fondée à demander à ce titre à l'entreprise vérifiée de procéder à une ventilation des produits et coûts par activité ou par produit. Il revient ensuite à l'administration, qui supporte la charge de la preuve de l'existence d'un avantage consenti par l'entreprise vérifiée aux entreprises établies à l'étranger auxquelles elle est liée, d'établir, dans l'exercice de son pouvoir de contrôle, le cas échéant en retraitant les éléments produits par l'entreprise vérifiée dont elle peut remettre en cause l'exactitude, que les prix pratiqués entre celle-ci et les entreprises qui lui sont liées diffèrent des prix de pleine concurrence. L'insuffisance ou l'inexactitude éventuelle des éléments apportés par la contribuable demeure sans incidence sur le caractère contradictoire de la procédure d'établissement des bases d'imposition.

4. En premier lieu, ainsi que la cour administrative d'appel l'a relevé, sans entacher son arrêt d'insuffisance de motivation ni se méprendre sur la portée des écritures d'appel de la société, celle-ci n'avait pas contesté devant elle les conditions de mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales. La requérante ne peut, par suite, utilement soutenir en cassation que l'administration aurait irrégulièrement mis en oeuvre les dispositions de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales faute d'avoir préalablement réuni des indices permettant de présumer l'existence d'un transfert indirect de bénéfices.

5. En deuxième lieu, il découle de ce qui a été dit au point 3 que la cour administrative d'appel n'a méconnu ni les dispositions de l'article 57 du code général des impôts, ni celles de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales en jugeant, après avoir relevé par une appréciation souveraine des faits non arguée de dénaturation, d'une part, qu'il n'était pas sérieusement contesté que les éléments de compte de résultat fournis par la contribuable sur la demande de l'administration n'étaient pas suffisants pour appréhender les différents aspects de ses activités, connaître les composantes et déterminants de ses coûts et de ses produits et, par suite, vérifier ses prix de transfert et, d'autre part, que celle-ci n'était pas fondée à soutenir que le service ne pouvait, pour établir les impositions litigieuses, corriger, retraiter ou remettre en cause ces éléments. La société n'est pas davantage fondée à soutenir, au demeurant pour la première fois en cassation, que l'administration ne pouvait, en application de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales, lui demander de procéder à des retraitements de ses écritures comptables pour les besoins du contrôle de ses prix de transfert.

6. En troisième lieu, la cour, pour juger que l'administration devait être regardée comme ayant établi, à hauteur des rehaussements opérés, l'insuffisance des prix de transfert pratiqués par la société requérante envers d'autres sociétés du groupe General Electric, a d'une part, relevé, ainsi qu'il a été dit, que les éléments produits par la société en réponse à la demande qui lui avait été adressée sur le fondement de l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales et en réponse à une demande ultérieure de retraitement des données informatiques transmises étaient trop simplifiés et agrégés pour permettre au service de repérer les déterminants des coûts et des prix par branche d'activité ou type d'opérations en distinguant les transactions réalisées avec des sociétés liées de celles réalisées avec des sociétés tierces et, par suite, impropres à permettre un contrôle des prix de transfert, et d'autre part, exposé la méthode de reconstitution de ces prix retenue par l'administration et examiné le bien-fondé de chacune des critiques adressées à cette méthode par la contribuable. La société n'est pas fondée à soutenir que la cour administrative d'appel aurait, en procédant ainsi, méconnu les dispositions de l'article 57 du code général des impôts et les règles de dévolution de la charge de la preuve.

7. En quatrième lieu, s'agissant plus particulièrement du produit dit " modalité 920 ", il ressort des motifs de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a recherché si les prix pratiqués à l'égard des sociétés étrangères liées et les marges en résultant pouvaient être regardés comme anormalement bas au regard des transactions conclues avec des sociétés indépendantes. Le moyen tiré de ce que la cour se serait à tort fondée, pour confirmer les redressements sur ce point, sur le seul caractère nul ou faible, en niveau absolu, des marges pratiquées manque, par suite, en fait. En outre, la cour n'a méconnu ni les dispositions de l'article 57 du code général des impôts, ni les règles de dévolution de la charge de la preuve en jugeant, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que la seule circonstance que les transactions intragroupe ne nécessitaient pas, à la différence des opérations effectuées avec des entreprises non liées, d'exposer des dépenses de marketing et n'induisaient pas les mêmes risques de défaut ou de marché ne permettait pas de justifier, en l'espèce, la différence entre la marge de pleine concurrence dégagée par le service et les marges nulles ou très faibles pratiquées par la requérante avec les filiales du groupe.

8. En cinquième lieu, la cour n'a pas méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve en se fondant, pour écarter les allégations de la requérante selon lesquelles la méthode retenue par l'administration pour reconstituer les taux de marge de ses opérations intragroupe ne tenait pas compte, de manière générale, de différences de coûts de prix et de marge, sur ce qu'elle n'indiquait pas les correctifs qu'il convenait d'apporter à cette méthode pour obtenir un résultat plus satisfaisant. Elle n'a pas davantage méconnu ces mêmes règles, ni insuffisamment motivé son arrêt, ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant que la requérante n'était pas fondée à contester la pertinence du mode de répartition des charges indirectes, fixes et variables, au prorata du chiffre d'affaires de ses différentes activités, utilisé par l'administration dès lors que ce mode de répartition n'avait été retenu par l'administration qu'à défaut d'indication par l'entreprise des règles analytiques utilisées au niveau de ses centres de coûts pour l'affectation de ces charges.

9. En sixième lieu, en écartant le moyen soulevé devant elle, tiré de ce que la faiblesse des prix pratiqués pour certains produits ou activités pouvait être compensée par des prix plus élevés sur d'autres, au motif que cette explication générale n'était étayée par aucun élément précis et, qu'en outre, l'administration faisait valoir que les activités dégageant un résultat positif correspondaient à des volumes d'affaires beaucoup plus faibles que ceux des activités dégageant un résultat négatif, la cour administrative d'appel n'a entaché son arrêt ni d'insuffisance de motivation, ni de dénaturation des faits et pièces du dossier. La cour n'a pas davantage insuffisamment motivé son arrêt en écartant comme non établie l'allégation de la requérante selon laquelle, au sein d'un même type d'opérations ou d'activités, l'administration aurait limité les rectifications aux seules transactions faisant apparaître une marge inférieure à la marge de pleine concurrence.

10. En septième lieu, en se fondant, pour écarter l'argumentation de la société relative à la pertinence de l'échantillon d'entreprises utilisé pour établir le caractère insuffisant de ses marges par rapport à des marges de pleine concurrence, d'une part, sur ce que ses affirmations générales n'étaient pas assorties d'éléments précis, alors que l'administration avait déjà éliminé certaines entreprises pour tenir compte de ses observations au cours de la procédure de rectification, et d'autre part, s'agissant plus précisément de son activité de distribution de pièces détachées, sur ce que l'administration n'avait retenu, contrairement à ce qui était soutenu, que des activités limitées aux ventes de pièces détachées à l'exclusion d'activités de location ou de vente de matériels et de vente de médicaments, la cour, qui n'a pas dénaturé les caractéristiques de l'activité de la société, a suffisamment motivé son arrêt et n'a méconnu ni l'article 57 du code général des impôts, ni les règles de dévolution de la charge de la preuve.

11. En huitième lieu, en jugeant, après avoir relevé que les taux de marge pratiqués par la société envers les autres sociétés du groupe, tels que reconstitués par l'administration, étaient négatifs ou proches de zéro et s'établissaient systématiquement en dehors de l'intervalle de pleine concurrence que constituait l'intervalle interquartile des marges dégagées par les opérations de même nature réalisées dans des conditions comparables par des sociétés non liées, que l'administration avait pu, en justifiant son choix au regard des caractéristiques propres de la société requérante tenant à son positionnement sur le marché en cause et aux contraintes spécifiques qu'elle devait assumer, et alors que celle-ci ne faisait état d'aucune circonstance particulière justifiant qu'il convienne de faire un autre choix, retenir à bon droit, pour établir les rehaussements, la médiane de l'intervalle interquartile, qui était au demeurant systématiquement inférieure à la moyenne de ce même intervalle pour tous les échantillons de comparables analysés, la cour administrative d'appel, qui n'a pas entaché son arrêt d'insuffisance de motivation, n'a méconnu ni les dispositions de l'article 57 du code général des impôts, qui contrairement à ce qui est soutenu n'imposent pas de retenir la valeur la plus basse de l'intervalle de pleine concurrence, ni le principe de liberté des choix de gestion des entreprises.

12. En neuvième lieu, aux termes du I de l'article 1647 E du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige: " La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies (...) ". Aux termes de l'article 1647 B sexies du même code, dans sa rédaction alors applicable : " (...) II. 1. La valeur ajoutée (...) est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers (...) / 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : / d'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes, les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; / et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. / Les consommations de biens et services en provenance de tiers comprennent : les travaux, fournitures et services extérieurs, à l'exception des loyers afférents aux biens pris en crédit-bail, ou des loyers afférents à des biens, visés au a du 1° de l'article 1467, pris en location par un assujetti à la taxe professionnelle pour une durée de plus de six mois ou des redevances afférentes à ces biens résultant d'une convention de location-gérance, les frais de transports et déplacements, les frais divers de gestion. / Lorsqu'en application du deuxième alinéa sont exclus des consommations de biens et services en provenance de tiers les loyers ou redevances que verse le preneur, les amortissements visés au 2° du 1 de l'article 39, autres que ceux comptabilisés en amortissements dérogatoires et se rapportant aux biens loués, sont déduits de la valeur ajoutée du bailleur ". Si ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée et de la cotisation minimale de taxe professionnelle, et s'il y a lieu, pour leur application, de se reporter aux dispositions du plan comptable général dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, elles ne font pas obstacle à ce que l'administration puisse contrôler l'exactitude des montants déclarés au titre de la production de l'exercice ainsi qu'au titre des achats ou consommations de biens et de services en provenance de tiers, et ainsi remettre en cause, le cas échéant, le bien-fondé d'une écriture comptable et, par voie de conséquence, réintégrer dans le calcul de la valeur ajoutée de l'entreprise des sommes qui soit devraient être regardées comme des produits non comptabilisés à tort, soit ne pourraient être regardées, en tout ou partie, comme des achats ou consommations. Par suite, en jugeant que l'administration avait pu à bon droit tirer les conséquences, pour la détermination de la valeur ajoutée de la société contrôlée, de la rectification du prix auquel elle avait comptabilisé les fournitures de biens et services à destination de sociétés étrangères liées, la cour administrative d'appel n'a pas méconnu les dispositions précitées.

13. Enfin, la cour n'a ni méconnu la portée des énonciations du paragraphe 8 de l'instruction 6 E-10-85 du 18 décembre 1985, ni par suite les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales en jugeant que ces énonciations ne contenaient aucune interprétation de la loi fiscale opposable à l'administration.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SCS GE Medical Systems n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 5 de l'arrêt attaqué.

Sur le pourvoi incident du ministre :

15. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'administration a estimé que les dépenses d'affacturage exposées par la société requérante à hauteur de 15 778 885,54 euros au titre de l'exercice clos en 2004 et 13 838 936,20 euros au titre de l'exercice suivant, comptabilisées par la société pour leur totalité au compte de charges 622 " Rémunération d'intermédiaires et honoraires ", ne pouvaient être déduites pour le calcul de la valeur ajoutée qu'à concurrence d'une proportion de 18 %, correspondant à des commissions d'affacturage, le solde, soit 82 %, correspondant à des commissions de financement, et donc à des charges financières ne constituant pas des consommations de biens et services en provenance de tiers au sens du II de l'article 1647 B sexies du code général des impôts.

16. Ainsi qu'il a été dit au point 12, les dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée et de la cotisation minimale de taxe professionnelle, et il y a lieu, pour leur application, de se reporter aux dispositions du plan comptable général dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée.

17. Si le plan comptable général comporte un compte 6225 " Rémunérations d'affacturage ", qui est un sous-compte du compte 62 " Autres services extérieurs " et qui entre dans le champ des " consommations de biens et services en provenance de tiers " au sens du II de l'article 1647 B sexies, il résulte de ce même plan comptable que seule doit être portée à ce compte la commission d'affacturage qui correspond au paiement des services de gestion comptable, de recouvrement et de garantie de bonne fin, tandis que la commission de financement, qui représente le coût du financement anticipé, doit en principe être enregistrée au compte 66 " Charges financières".

18. Il s'en déduit qu'il y a lieu, pour le calcul de la valeur ajoutée, de ne prendre en compte au titre des consommations de biens et services en provenance de tiers venant en déduction de la production de l'exercice que la commission d'affacturage proprement dite, à l'exclusion de la commission de financement, qui a la nature d'une charge financière. Si la société se prévaut de ce que le plan comptable général autorise " exceptionnellement " l'enregistrement de la commission de financement au compte 6225, lorsqu'elle n'a pas été enregistrée au compte 66, la seule circonstance que le contrat d'affacturage se borne à prévoir une rémunération globale sans préciser les parts correspondant respectivement à la commission d'affacturage et à la commission de financement ne saurait, en tout état de cause, suffire à justifier l'inscription de la totalité de cette rémunération au compte 6225, et, par suite, la prise en compte de l'intégralité de ce montant, pour le calcul de la valeur ajoutée, au titre des consommations de biens et services en provenance de tiers.

19. Le ministre est par suite fondé à soutenir que la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit en se fondant, pour prononcer la décharge des rehaussements procédant de la réintégration dans la valeur ajoutée de la société requérante de la fraction des dépenses d'affacturage correspondant selon l'administration à des commissions de financement, sur les seules circonstances que le contrat d'affacturage ne distinguerait pas les différentes composantes de la rémunération globale qu'il prévoyait et que ses stipulations ne corroboreraient pas les indications données par la société elle-même à l'administration, en réponse à une demande d'information qui lui avait été adressée sur un autre point en cours de contrôle, selon lesquelles les dépenses d'affacturage correspondaient pour 82% de leur montant à des frais financiers.

20. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi incident, que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation des articles 3 et 4 de l'arrêt attaqué.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que réclame la société à ce titre.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société GE Medical Systems est rejeté.

Article 2 : Les articles 3 et 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles sont annulés.

Article 3 : l'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société en commandite simple GE Medical Systems et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 410779
Date de la décision : 28/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 nov. 2018, n° 410779
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Liza Bellulo
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:410779.20181128
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