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23/11/2018 | FRANCE | N°418868

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 23 novembre 2018, 418868


Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 24 novembre 2016, enregistré le 8 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry a sursis à statuer et saisi le Conseil d'Etat de la question de la légalité de l'article 3 du décret n° 2006-111 du 2 février 2006 relatif aux indemnités des stagiaires de rééducation professionnelle accidentés du travail, à l'allègement de certaines procédures relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles et modifiant le code de la sécurité sociale et le co

de rural (deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat), en tant qu'il rés...

Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 24 novembre 2016, enregistré le 8 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry a sursis à statuer et saisi le Conseil d'Etat de la question de la légalité de l'article 3 du décret n° 2006-111 du 2 février 2006 relatif aux indemnités des stagiaires de rééducation professionnelle accidentés du travail, à l'allègement de certaines procédures relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles et modifiant le code de la sécurité sociale et le code rural (deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat), en tant qu'il réserve la possibilité de demander la conversion en capital d'une rente d'accident du travail " aux personnes victimes d'un accident survenu à compter de sa date d'entrée en vigueur " ainsi qu'à " celles victimes d'un accident survenu antérieurement à cette date si à ladite date la consolidation n'est pas intervenue ou si le délai prévu au premier alinéa de l'article R. 434-6 du code de la sécurité sociale antérieurement applicable n'est pas expiré ".

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 2004-329 du 15 avril 2004 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 4° de l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles bénéficient, lorsqu'elles sont atteintes d'une incapacité permanente de travail, d'une prestation à la charge des caisses d'assurance maladie, sous forme d'une indemnité en capital lorsque le taux de l'incapacité est inférieur à un taux que l'article R. 431-1 du même code a fixé à 10 %, sous forme d'une rente au-delà de ce taux et, en cas de décès, sous forme de rente due à leurs ayants droit. L'article L. 434-3 du même code régit les conditions dans lesquelles la rente peut être remplacée en partie par un capital ou le capital converti en rente viagère. Son premier alinéa dispose ainsi, pour la conversion de la rente en capital, qu'en dehors des cas prévus à l'article L. 434-9 du même code s'agissant des ayants droit de la victime décédée et à son article L. 434-20 s'agissant des droits ouverts aux travailleurs étrangers : " la pension allouée à la victime de l'accident peut être remplacée en partie par un capital mais seulement dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et suivant un tarif fixé par arrêté ministériel ". En revanche, la condition qu'il posait jusqu'alors, interdisant ce remplacement avant " l'expiration d'un délai déterminé ", fixé à cinq ans par l'article R. 434-5 de ce code, a été supprimée par le 4° de l'article 6 de l'ordonnance du 15 avril 2004 allégeant les formalités applicables à certaines prestations sociales. A la suite de cette suppression, le décret du 2 février 2006 a, non seulement abrogé le premier alinéa de l'article R. 434-5 du code de la sécurité sociale portant sur ce délai de cinq ans, qui prévoyait que : " Le rachat de rente prévu à l'article L. 434-3 peut intervenir après l'expiration d'un délai de cinq ans à compter du lendemain de la date de consolidation quelles que soient les modifications qu'ait pu subir le taux d'incapacité permanente par suite de révision au cours de cette période de cinq ans " , mais également supprimé le délai d'un an pour présenter la demande de conversion imparti par l'article R. 434-6 du même code, dont le premier alinéa prévoyait que : " La demande de conversion doit être faite à la caisse primaire d'assurance maladie chargée du paiement de la rente dans le délai d'un an qui suit le délai de cinq ans mentionné au premier alinéa de l'article R. 434-5 ". L'article 3 de ce décret dispose que : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux personnes victimes d'un accident survenu à compter de sa date d'entrée en vigueur. Toutefois elles s'appliquent à celles victimes d'un accident survenu antérieurement à cette date si à ladite date la consolidation n'est pas intervenue ou si le délai prévu au premier alinéa de l'article R. 434-6 du code de la sécurité sociale antérieurement applicable n'est pas expiré ".

2. Par un jugement du 24 novembre 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry, saisi d'un litige opposant M. A...à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, a sursis à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se soit prononcé à titre préjudiciel sur la question de la légalité des dispositions de l'article 3 du décret du 2 février 2006 en tant qu'elles réservent la possibilité de demander la conversion en capital d'une rente d'accident du travail " aux personnes victimes d'un accident survenu à compter de sa date d'entrée en vigueur " ainsi qu'à " celles victimes d'un accident survenu antérieurement à cette date si à ladite date la consolidation n'est pas intervenue ou si le délai prévu au premier alinéa de l'article R. 434-6 du code de la sécurité sociale antérieurement applicable n'est pas expiré ".

3. En abrogeant tant les dispositions relatives au délai de cinq ans à l'expiration duquel la conversion de la rente en capital pouvait intervenir que celles relatives au délai d'un an qui le suivait, pendant lequel pouvait être présentée la demande de conversion, le pouvoir réglementaire a tiré les conséquences de la suppression dans la loi, par l'ordonnance du 15 avril 2004, de toute condition de délai afférente à la présentation d'une telle demande. Ainsi, il ne pouvait légalement disposer, par les dispositions transitoires du décret du 2 février 2006, que l'expiration du délai d'un an antérieurement imparti pour présenter une demande de conversion restait opposable aux personnes victimes d'un accident lorsque la consolidation était intervenue antérieurement à l'entrée en vigueur de ce décret.

4. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de déclarer que les dispositions de l'article 3 du décret du 2 février 2006 sont entachées d'illégalité en tant qu'elles réservent la possibilité de demander la conversion en capital d'une rente d'accident du travail " aux personnes victimes d'un accident survenu à compter de sa date d'entrée en vigueur " ainsi qu'à " celles victimes d'un accident survenu antérieurement à cette date si à ladite date la consolidation n'est pas intervenue ou si le délai prévu au premier alinéa de l'article R. 434-6 du code de la sécurité sociale antérieurement applicable n'est pas expiré ".

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est déclaré que l'article 3 du décret n° 2006-111 du 2 février 2006 est entaché d'illégalité en tant qu'il réserve la possibilité de demander la conversion en capital d'une rente d'accident du travail " aux personnes victimes d'un accident survenu à compter de sa date d'entrée en vigueur " ainsi qu'à " celles victimes d'un accident survenu antérieurement à cette date si à ladite date la consolidation n'est pas intervenue ou si le délai prévu au premier alinéa de l'article R. 434-6 du code de la sécurité sociale antérieurement applicable n'est pas expiré ".

Article 2 : La présente décision sera notifiée au tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry, à M. B...A..., à la caisse d'allocations familiales de l'Essonne et à la ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.


Synthèse
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 418868
Date de la décision : 23/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - LOI - VIOLATION - PRESTATIONS AUX VICTIMES D'ACCIDENT DU TRAVAIL ATTEINTES D'UNE INCAPACITÉ PERMANENTE DE TRAVAIL (4° DE L'ART - L - 431-1 DU CSS) - RENTE POUVANT ÊTRE CONVERTIE EN CAPITAL (ART - L - 434-3 DU CSS) - DÉCRET DU 2 FÉVRIER 2006 - ILLÉGALITÉ DE SON ARTICLE 3 - EXISTENCE EN TANT QU'IL RÉSERVE LA POSSIBILITÉ DE DEMANDER LA CONVERSION EN CAPITAL D'UNE RENTE D'ACCIDENT DU TRAVAIL AUX PERSONNES VICTIMES D'UN ACCIDENT SURVENU À COMPTER DE SA DATE D'ENTRÉE EN VIGUEUR AINSI QU'À CELLES VICTIMES D'UN ACCIDENT SURVENU ANTÉRIEUREMENT À CETTE DATE SI À LADITE DATE LA CONSOLIDATION N'EST PAS INTERVENUE OU SI LE DÉLAI PRÉVU AU PREMIER ALINÉA DE L'ARTICLE R - 434-6 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ANTÉRIEUREMENT APPLICABLE N'EST PAS EXPIRÉ.

01-04-02-02 En abrogeant tant les dispositions relatives au délai de cinq ans à l'expiration duquel la conversion de la rente en capital pouvait intervenir que celles relatives au délai d'un an qui le suivait, pendant lequel pouvait être présentée la demande de conversion, le pouvoir réglementaire a tiré les conséquences de la suppression dans la loi, par l'ordonnance n° 2004-329 du 15 avril 2004, de toute condition de délai afférente à la présentation d'une telle demande. Ainsi, il ne pouvait légalement disposer, par les dispositions transitoires du décret n° 2006-111 du 2 février 2006, que l'expiration du délai d'un an antérieurement imparti pour présenter une demande de conversion restait opposable aux personnes victimes d'un accident lorsque la consolidation était intervenue antérieurement à l'entrée en vigueur de ce décret.

SÉCURITÉ SOCIALE - PRESTATIONS - PRESTATIONS D'ASSURANCES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES - PRESTATIONS AUX VICTIMES D'ACCIDENT DU TRAVAIL ATTEINTES D'UNE INCAPACITÉ PERMANENTE DE TRAVAIL (4° DE L'ART - L - 431-1 DU CSS) - RENTE POUVANT ÊTRE CONVERTIE EN CAPITAL (ART - L - 434-3 DU CSS) - DÉCRET DU 2 FÉVRIER 2006 - ILLÉGALITÉ DE SON ARTICLE 3 - EXISTENCE EN TANT QU'IL RÉSERVE LA POSSIBILITÉ DE DEMANDER LA CONVERSION EN CAPITAL D'UNE RENTE D'ACCIDENT DU TRAVAIL AUX PERSONNES VICTIMES D'UN ACCIDENT SURVENU À COMPTER DE SA DATE D'ENTRÉE EN VIGUEUR AINSI QU'À CELLES VICTIMES D'UN ACCIDENT SURVENU ANTÉRIEUREMENT À CETTE DATE SI À LADITE DATE LA CONSOLIDATION N'EST PAS INTERVENUE OU SI LE DÉLAI PRÉVU AU PREMIER ALINÉA DE L'ARTICLE R - 434-6 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ANTÉRIEUREMENT APPLICABLE N'EST PAS EXPIRÉ.

62-04-05 En abrogeant tant les dispositions relatives au délai de cinq ans à l'expiration duquel la conversion de la rente en capital pouvait intervenir que celles relatives au délai d'un an qui le suivait, pendant lequel pouvait être présentée la demande de conversion, le pouvoir réglementaire a tiré les conséquences de la suppression dans la loi, par l'ordonnance n° 2004-329 du 15 avril 2004, de toute condition de délai afférente à la présentation d'une telle demande. Ainsi, il ne pouvait légalement disposer, par les dispositions transitoires du décret n° 2006-111 du 2 février 2006, que l'expiration du délai d'un an antérieurement imparti pour présenter une demande de conversion restait opposable aux personnes victimes d'un accident lorsque la consolidation était intervenue antérieurement à l'entrée en vigueur de ce décret.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 nov. 2018, n° 418868
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Pacoud
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:418868.20181123
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