La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2018 | FRANCE | N°407629

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 21 novembre 2018, 407629


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 février et 9 mai 2017 et le 20 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs " et l'association " Société protectrice des animaux " demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-1661 du 5 décembre 2016 modifiant le code de l'environnement et la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;
r>2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 février et 9 mai 2017 et le 20 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs " et l'association " Société protectrice des animaux " demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-1661 du 5 décembre 2016 modifiant le code de l'environnement et la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Durand-Viel, auditeur,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de l'association " Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs " et autre.

1. Considérant que l'article L. 511-1 du code de l'environnement soumet à la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement les installations qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients, soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ; qu'en vertu de l'article L. 511-2 du même code, ces installations sont définies dans la nomenclature des installations classées établie par décret en Conseil d'Etat, et soumises à autorisation, à enregistrement ou à déclaration suivant la gravité des dangers ou des inconvénients que peut présenter leur exploitation ; que l'article L. 512-1 soumet à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 ; que le I de l'article L. 512-7 soumet à autorisation simplifiée, sous la dénomination d'enregistrement, " les installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées " ; que l'article L. 512-8 soumet à déclaration les installations qui, ne présentant pas de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1, doivent néanmoins respecter les prescriptions générales édictées par le préfet en vue d'assurer dans le département la protection de ces intérêts ; que l'article L. 512-11 prévoit que certaines catégories d'installations soumises au régime de déclaration, définies par décret en Conseil d'Etat en fonction des risques qu'elles présentent, peuvent être soumises à des contrôles périodiques réalisés par des organismes agréés dans le but de permettre à l'exploitant de s'assurer que ses installations fonctionnent dans les conditions requises par la réglementation ;

2. Considérant que l'article 1er du décret attaqué modifie certaines rubriques de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, notamment la rubrique n° 2101 relative à l' " activité d'élevage, transit, vente, etc. " de bovins ; que, d'une part, il porte de " plus de 400 " à " plus de 800 " animaux le seuil d'autorisation des " élevages de veaux de boucherie ou de bovins d'engraissement ; transit et ventes de bovins lorsque leur présence simultanée est supérieure à 24 heures, à l'exclusion des rassemblements occasionnels ", et de " plus de 200 " à " plus de 400 " animaux le seuil d'autorisation des " élevages de vaches laitières " et, d'autre part, il soumet les activités de ces sous-rubriques à enregistrement pour les élevages, respectivement, de 401 à 800 animaux et de 151 à 400 animaux et, enfin, tout en conservant le seuil existant de déclaration, à partir de 50 animaux pour les deux sous-rubriques, il supprime l'obligation de soumission à des contrôles périodiques pour les élevages, respectivement, de 201 à 400 animaux et de 101 à 400 animaux ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution " ; que les ministres chargés de l'exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l'exécution des actes en cause ; que si le ministre chargé de l'économie est compétent pour définir les modalités selon lesquelles les exploitants des installations soumises à autorisation attestent la constitution de garanties financières, les décisions qu'il prend à cette fin ne sont pas des mesures que comporte nécessairement l'exécution du décret attaqué au sens de l'article 22 de la Constitution; qu'il suit de là que le moyen tiré du défaut de contreseing du ministre chargé de l'économie doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que l'article L. 120-1 du code de l'environnement, dans sa version applicable, prévoit que : " II. - Sous réserve des dispositions de l'article L. 120-2, le projet d'une décision mentionnée au I, accompagné d'une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, est mis à disposition du public par voie électronique (...). / Pour les décisions des autorités de l'Etat, y compris les autorités administratives indépendantes, et des établissements publics de l'Etat, au terme de la période d'expérimentation prévue à l'article 3 de la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement, les observations déposées sur un projet de décision sont accessibles par voie électronique dans les mêmes conditions que le projet de décision. (...) Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l'autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations du public ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. La synthèse des observations indique les observations du public dont il a été tenu compte. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la consultation du public sur le projet de décret litigieux a été ouverte sur le site des consultations publiques du ministère de l'environnement du 17 juin au 8 juillet 2016 ; qu'en indiquant, dans la note de présentation du projet, que " Le Gouvernement a décidé de procéder à une nouvelle simplification de procédure, sans régression des mesures de protection de l'environnement, par le rehaussement des seuils d'autorisation pour les élevages bovins (de la filière laitière ou de la filière de veaux de boucherie et/ou bovins à l'engraissement) et par la création d'un régime d'enregistrement pour les élevages précédemment soumis au régime de l'autorisation. ", et que " Par ailleurs, afin de réduire le coût des contrôles extérieurs à la charge des éleveurs, le gouvernement a décidé de mettre fin à l'obligation de contrôles périodiques par des organismes extérieurs pour les élevages soumis à déclaration. Les contrôles seront exclusivement réalisés par l'administration ", les auteurs du décret attaqué ont suffisamment précisé les objectifs et le contexte du projet ; que, par ailleurs, dès lors que les observations du public mises en ligne sous forme de texte étaient accessibles par voie électronique dans les mêmes conditions que le projet de décision, ce qui n'est pas contesté, la circonstance que les participants à la consultation n'ont pas été autorisés, pour des raisons de sécurité, à présenter leurs observations sous forme de fichiers téléchargés sur le site ne constitue pas une méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 120-1 du code de l'environnement ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de consultation doit être écarté ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 13 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, " Lorsqu'ils formulent et mettent en oeuvre la politique de l'Union dans les domaines de l'agriculture, de la pêche, des transports, du marché intérieur, de la recherche et développement technologique et de l'espace, l'Union et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu'êtres sensibles, tout en respectant les dispositions législatives ou administratives et les usages des États membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux. " ;

6. Considérant, d'une part, que les articles R. 512-56 à R. 512-60 du code de l'environnement, pris pour l'application de l'article L. 512-11 du même code cité au point 1, qui permet de soumettre certaines activités déclarées à des contrôles périodiques, précisent que ces contrôles portent sur le respect des prescriptions prises au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement fixées par arrêté pour chaque catégorie d'installations ; que le premier contrôle d'une installation a lieu dans les six mois qui suivent sa mise en service et que les contrôles suivants sont réalisés, à la demande de l'exploitant, avec une périodicité de cinq ans maximum ; qu'à l'issue de chaque contrôle, l'organisme de contrôle agréé remet à l'exploitant un rapport de visite précisant les éventuels points de non-conformité ; qu'en cas de non-conformités majeures, l'exploitant doit lui envoyer un échéancier de mise en conformité dans un délai de trois mois et demander un contrôle complémentaire dans un délai d'un an ; que l'organisme agréé informe le préfet de l'existence de non-conformités majeures si l'exploitant ne s'est pas conformé à ces obligations ou si le contrôle complémentaire a fait apparaître que des non-conformités majeures persistent ;

7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime " Il est interdit d'exercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques ainsi qu'envers les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité. / Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les mesures propres à assurer la protection de ces animaux contre les mauvais traitements ou les utilisations abusives et à leur éviter des souffrances lors des manipulations inhérentes aux diverses techniques d'élevage, de parcage, de transport et d'abattage des animaux. (...) " ; que l'article L. 214-23 du même code précise les conditions d'exercice des inspections et contrôles, réalisés par les agents de l'administration habilités à cet effet, qu'implique l'exécution des mesures de protection des animaux prévues à l'article L. 214-3 qui vient d'être cité ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 que les contrôles périodiques prévus par l'article L. 512-11 du code de l'environnement portent sur le respect par l'exploitant de certaines des prescriptions qui s'imposent à son activité pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 ; qu'elles n'ont pas pour objet direct la prévention ou la détection des situations de maltraitance envers les animaux, qui relèvent notamment des dispositions citées au point 7 ; que, dès lors, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait l'article 13 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en ce qu'il prévoit, pour les activités déclarées en cause, la suppression des contrôles périodiques ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'en vertu de l'article 4 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 du Parlement européen et du Conseil concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, dans le cas de projets qui ne sont pas soumis de façon systématique à évaluation environnementale, tels les élevages bovins en cause, les Etats membres déterminent si une évaluation environnementale est nécessaire, soit sur la base d'un examen au cas par cas, soit sur la base de seuils ou critères, en tenant compte de paramètres tels que, notamment, la dimension du projet ; que si les installations soumises à enregistrement sont, en principe, dispensées d'une évaluation environnementale préalable à leur enregistrement, le préfet, saisi d'une demande d'enregistrement d'une installation, doit, en application de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement et de l'article R. 512-46-9 pris pour son application, se livrer à un examen particulier du dossier afin d'apprécier si une évaluation environnementale donnant lieu, en particulier, à une étude d'impact, est nécessaire ; qu'il résulte de ces dispositions que les installations soumises à enregistrement font l'objet d'un examen au cas par cas pour déterminer si une évaluation environnementale est nécessaire ; que, par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les dispositions attaquées, qui soumettent au régime de l'enregistrement des installations auparavant soumises à autorisation, ont pour effet de dispenser systématiquement d'évaluation environnementale la quasi-totalité des élevages intensifs de veaux de boucherie ou de vaches laitières ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 512-7 du code de l'environnement que le régime d'enregistrement est applicable aux installations qui, comme celles soumises à autorisation, présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code, mais peuvent bénéficier d'un régime d'autorisation simplifié lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales, qui peuvent le cas échéant être complétées par des prescriptions particulières édictées par le préfet sur le fondement de l'article L. 512-7-3 du même code ; que les dispositions attaquées, qui soumettent à enregistrement des activités relevant antérieurement du régime d'autorisation, ont pour objet de simplifier les procédures applicables à ces installations sans porter atteinte à la protection de l'environnement ; que le critère retenu pour déterminer si une installation est soumise à enregistrement ou à autorisation est la taille de l'élevage ; qu'il est en rapport direct avec l'objectif de protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 poursuivi par le décret ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la différence de traitement qui en résulte serait manifestement disproportionnée au regard des différences de situation entre ces élevages ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit, dès lors, être écarté ;

11. Considérant, en sixième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 susceptibles d'être causés par les installations que le décret fait passer du régime d'autorisation au régime d'enregistrement ne sauraient être, en principe, prévenus par le respect des prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées et des prescriptions particulières édictées, le cas échéant, par le préfet ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation pour avoir dispensé ces installations de l'obligation systématique d'une étude d'impact, au regard des dangers et inconvénients qu'elles peuvent présenter, ne peut être accueilli ;

12. Considérant, en septième lieu, que le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti de précisions suffisantes de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret qu'elles attaquent ; que, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, leur requête doit être rejetée, y compris les conclusions qu'elles présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'association " Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs " et autre est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association " Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs ", première dénommée, pour l'ensemble des requérants, au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 407629
Date de la décision : 21/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 nov. 2018, n° 407629
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laure Durand-Viel
Rapporteur public ?: Mme Julie Burguburu
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:407629.20181121
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award