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12/11/2018 | FRANCE | N°423892

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 12 novembre 2018, 423892


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 5 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations Médecins du Monde, la fédération parapluie rouge, le Strass (syndicat du travail sexuel), les Amis du bus des femmes, Cabiria, Griselidis, Paloma, AIDES, Acceptess-t d'une part et d'autre part ThierryJ..., GiovannaD..., MarieB..., Christine C...et Marianne F...demandent au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de

la décision implicite du Premier ministre rejetant la demande d'a...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 5 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations Médecins du Monde, la fédération parapluie rouge, le Strass (syndicat du travail sexuel), les Amis du bus des femmes, Cabiria, Griselidis, Paloma, AIDES, Acceptess-t d'une part et d'autre part ThierryJ..., GiovannaD..., MarieB..., Christine C...et Marianne F...demandent au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite du Premier ministre rejetant la demande d'abrogation des dispositions du décret du 12 décembre 2016 relatif au stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple ou sexistes et au stade de sensibilisation à la lutte contre l'achats d'actes sexuels, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles 611-1, 225-12-1, 131-16 9° bis et 225-20 9° du code pénal issues de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code pénal, et notamment ses articles 611-1, 225-12-1, 131-16 9° bis et 225-20 9° du code pénal issues de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Ramain, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de Médecins du Monde, du Strass (syndicat du travail sexuel), de AIDES, de la fédération parapluie rouge, des Amis du bus des femmes, de Cabiria, de Griselidis, de Paloma, de Acceptess-t, de M. E...J..., de Mme G...D..., de Mme A...B..., de Mme I...C...et de Mme H...F...;

Considérant ce qui suit :

Sur l'intervention de l'association Le mouvement du nid :

1. Eu égard au caractère accessoire, par rapport au litige principal, d'une question prioritaire de constitutionnalité, une intervention, aussi bien en demande qu'en défense, n'est recevable à l'appui du mémoire par lequel il est demandé au Conseil d'Etat de renvoyer une telle question au Conseil constitutionnel qu'à la condition que son auteur soit également intervenu dans le cadre de l'action principale. L'association Le mouvement du nid se borne à intervenir en défense contre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association Médecins du monde et autres sans être intervenue en défense dans le recours engagé par l'association Médecins du monde et autres contre la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté leur demande d'abrogation du décret n° 2016-1709 du 12 décembre 2016 relatif au stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple ou sexistes et au stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels. Ainsi, son intervention est irrecevable.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Les dispositions des articles 611-1, 225-12-1, du 9° bis de l'article 131-16 et 9° de l'article 225-20 du code pénal issues de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées institue une infraction consistant à solliciter, à accepter, ou à obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage. Elles définissent la sanction en cas d'infraction et en cas de récidive et prévoient la possibilité de prononcer une peine complémentaire consistant en un stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels.

4. Ces dispositions sont applicables au présent litige. Ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au droit au respect à la vie privée garanti par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à la liberté d'entreprendre garanti par son article 4 et au principe de nécessité et de proportionnalité des peines garanti par son article 8, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de l'association Le mouvement du nid en défense contre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association Médecins du monde et autres n'est pas admise.

Article 2 : La question de la conformité à la Constitution des dispositions des articles 611-1, 225-12-1, du 9° bis de l'article 131-16 et 9° de l'article 225-20 du code pénal est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Article 3 : Il est sursis à statuer sur la requête de l'association Médecins du monde et autres jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée aux associations Médecins du Monde, la fédération parapluie rouge, le Strass (syndicat du travail sexuel), les Amis du bus des femmes, Cabiria, Griselidis, Paloma, AIDES, Acceptess-t, à M. E...J..., à Mme G...D..., à Mme A...B..., à Mme I...C..., à Mme H...F..., à la garde des sceaux, ministre de la justice et à l'association Le mouvement du nid.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 423892
Date de la décision : 12/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 nov. 2018, n° 423892
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Ramain
Rapporteur public ?: Mme Anne Iljic
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:423892.20181112
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