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09/11/2018 | FRANCE | N°410697

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 09 novembre 2018, 410697


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par un jugement n° 1005952 du 22 mars 2012, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 27 août 2003 par lequel le maire de Marseille a préempté un ensemble industriel situé à La Cabucelle, section M n° 48 au 287 chemin de la Madrague et enjoint à la commune de Marseille de proposer à la SCI J.T., dans le délai de deux mois suivant la notification de ce jugement, la rétrocession des parcelles préemptées au prix de la déclaration d'intention d'aliéner reçue par la commune en avril 20

03, modifié afin de prendre en compte la démolition partielle de bâtiments exista...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par un jugement n° 1005952 du 22 mars 2012, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 27 août 2003 par lequel le maire de Marseille a préempté un ensemble industriel situé à La Cabucelle, section M n° 48 au 287 chemin de la Madrague et enjoint à la commune de Marseille de proposer à la SCI J.T., dans le délai de deux mois suivant la notification de ce jugement, la rétrocession des parcelles préemptées au prix de la déclaration d'intention d'aliéner reçue par la commune en avril 2003, modifié afin de prendre en compte la démolition partielle de bâtiments existants sur la parcelle.

Par un arrêt n° 12MA02061 du 5 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de Marseille contre ce jugement.

Par une décision n° 375265 du 27 août 2014, le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas admis le pourvoi formé par la commune de Marseille contre cet arrêt.

Par un arrêt n° 15MA00676 du 6 avril 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a prononcé à l'encontre de la commune de Marseille une astreinte si elle ne justifiait pas avoir, dans un délai d'un mois suivant la notification de cette décision, exécuté l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 mars 2012, lui enjoignant de proposer à la SCI J.T. la rétrocession des parcelles préemptées, et a fixé le taux de cette astreinte à 500 euros par jour.

La SCI J.T. a demandé la liquidation de cette astreinte à hauteur de 28 000 euros et la fixation d'une nouvelle astreinte de 50 000 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir.

Par un arrêt n° 15MA00676 du 23 mars 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a jugé qu'il n'y avait pas lieu de liquider l'astreinte prononcée à l'encontre de la commune de Marseille et rejeté les nouvelles conclusions à fin d'injonction présentées par la SCI J.T.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mai et 17 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI J.T. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 23 mars 2017 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, avocat de la SCI J.T et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de la ville de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ".

2. Par un jugement du 22 mars 2012, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 27 août 2003 par lequel le maire de Marseille avait préempté un ensemble industriel situé à La Cabucelle, au 287 chemin de la Madrague et enjoint à la commune de Marseille de proposer à la SCI J.T., acquéreur évincé, dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement, la rétrocession des parcelles préemptées à un prix modifié, par rapport à la déclaration d'intention d'aliéner reçue par la commune en avril 2003, pour prendre en compte la démolition partielle de bâtiments existants sur la parcelle. Par un arrêt du 5 décembre 2013, qui a fait l'objet d'un pourvoi en cassation que le Conseil d'Etat n'a pas admis, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune contre ce jugement.

3. Par un nouvel arrêt, du 6 avril 2016, la cour a prononcé une astreinte, de 500 euros par jour de retard, à l'encontre de la commune de Marseille si elle ne justifiait pas avoir, dans un délai d'un mois, exécuté l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 mars 2012, enjoignant à la commune de rétrocéder les parcelles préemptées à la SCI J.T. Par un mémoire du 8 juillet 2016, la société a, sur le fondement de l'article L. 911-7 du code de justice administrative précité, demandé la liquidation de cette astreinte à hauteur de 28 000 euros et la fixation d'une nouvelle astreinte de 50 000 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir. Par un arrêt du 23 mars 2017, la cour a jugé qu'il n'y avait pas lieu de liquider l'astreinte prononcée à l'encontre de la commune de Marseille et a rejeté les nouvelles conclusions à fin d'injonction présentées par la SCI J.T., qui se pourvoit en cassation contre ce dernier arrêt.

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 213-11-1 inséré dans le code de l'urbanisme par la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové : " Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel l'acquisition du bien en priorité. / Le prix proposé vise à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. A défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation, conformément aux règles mentionnées à l'article L. 213-4. / A défaut d'acceptation dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle devenue définitive, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel sont réputés avoir renoncé à l'acquisition. / Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel ont renoncé expressément ou tacitement à l'acquisition dans les conditions mentionnées aux trois premiers alinéas du présent article, le titulaire du droit de préemption propose également l'acquisition à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration mentionnée à l'article L. 213-2 ". Il résulte de ces dispositions que, s'il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens par l'ancien propriétaire ou l'acquéreur évincé, d'exercer les pouvoirs qu'il tient des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative afin d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, les mesures qu'implique l'annulation, par le juge de l'excès de pouvoir, de la décision de préemption, il appartient au juge judiciaire, en cas de désaccord sur le prix auquel l'acquisition du bien doit être proposée, de fixer ce prix. Ces dispositions se sont appliquées immédiatement, s'agissant de la compétence du juge de l'expropriation, aux litiges en cours devant le juge de l'exécution lorsque le prix d'acquisition du bien n'avait pas encore été fixé par une décision juridictionnelle, quelle que soit la date du jugement dont l'exécution était poursuivie.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, ainsi que l'a relevé la cour administrative d'appel de Marseille, par courriers des 23 juin et 28 juillet 2016, le conseil de la commune, puis l'adjoint délégué à l'urbanisme, ont adressé, respectivement au conseil de la SCI J.T. et au gérant de cette dernière, une proposition de rétrocession du bien préempté pour un montant de 2 215 000 euros, au prix de 6 400 000 euros, tenant notamment compte, selon la commune, de la valeur ajoutée procurée par les travaux de sécurisation et de démolition qu'elle avait entre-temps exécutés. Par courrier du 7 septembre 2016, la SCI J.T. a décliné cette offre, en considérant que la commune devait lui rétrocéder ce bien au prix de la déclaration d'intention d'aliéner et lui verser la somme de 37 000 000 euros, tenant compte du coût des travaux de remise en état du bien et des travaux de reconstruction des locaux démolis qu'elle estimait nécessaires. La commune a alors saisi, le 14 novembre 2016, le juge de l'expropriation afin qu'il fixe ce prix, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme.

6. Il résulte des dispositions citées au point 4 qu'alors même que le jugement du tribunal administratif de Marseille dont l'exécution était poursuivie enjoignait à la commune de Marseille de proposer à la SCI J.T. la rétrocession des parcelles préemptées à un prix tenant compte de la démolition partielle de bâtiments existants, il incombait seulement à la cour, en sa qualité de juge de l'exécution, de vérifier que la commune avait procédé à cette proposition de restitution et, en cas de désaccord sur le prix proposé, avait saisi le juge judiciaire, sans qu'il y ait lieu pour elle de contrôler le niveau du prix auquel la rétrocession était proposée dès lors que, dans un tel cas, la détermination du prix d'acquisition du bien illégalement préempté relève de la compétence du juge judiciaire. Dans ces conditions, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant qu'en proposant la rétrocession du bien préempté à un prix tenant compte, à ses yeux, des démolitions intervenues, puis en saisissant, en application de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, le juge de l'expropriation en raison du désaccord sur ce prix, la commune avait pris les mesures nécessaires à l'exécution du jugement du 22 mars 2012. La détermination du prix d'acquisition du bien illégalement préempté relevant de la compétence du juge judiciaire, la SCI J.T. ne peut utilement soutenir que la cour administrative d'appel aurait insuffisamment motivé son arrêt, inexactement qualifié les faits de l'espèce ou dénaturé les pièces du dossier dans l'appréciation de l'incidence des démolitions intervenues sur le prix auquel l'acquisition devait être proposée.

7. En second lieu, la question de savoir si le conseil de la commune ou l'adjoint au maire chargé de l'urbanisme avaient pu valablement proposer l'acquisition du bien à la SCI requérante, ou si une délibération du conseil municipal était nécessaire, soulevait un litige distinct de celui tranché par le jugement du 22 mars 2012. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le moyen tiré de ce que les auteurs des propositions d'acquisition n'auraient pas été régulièrement habilités ou mandatés ne relevait pas du litige lié à l'exécution de ce jugement.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société J.T n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

9. Dans ces conditions, les conclusions de la société requérante présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Marseille au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SCI J.T. est rejeté.

Article 2 : La SCI J.T. versera à la commune de Marseille une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SCI J.T. et à la commune de Marseille.

Copie en sera adressée au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 410697
Date de la décision : 09/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 nov. 2018, n° 410697
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Sirinelli
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT ; SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN, LE GUERER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:410697.20181109
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