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25/10/2018 | FRANCE | N°417574

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 25 octobre 2018, 417574


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 23 janvier, 10 août et 15 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Racing Kart Caudecoste demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les règles techniques et de sécurité des circuits karting édictées le 27 novembre 2017 par la Fédération française du sport automobile ;

2°) de mettre à la charge de la Fédération une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1

du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 23 janvier, 10 août et 15 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Racing Kart Caudecoste demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les règles techniques et de sécurité des circuits karting édictées le 27 novembre 2017 par la Fédération française du sport automobile ;

2°) de mettre à la charge de la Fédération une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du sport ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la Fédération française du sport automobile ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 octobre 2018, présentée par la société Racing Kart Caudecoste ;

1. Considérant que la société Racing Kart Caudecoste, qui exploite une base de loisirs dotée de deux circuits de karting homologués par le préfet du Lot-et-Garonne, demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 27 novembre 2017 par laquelle le comité directeur de la Fédération française du sport automobile a modifié les règles techniques et de sécurité des circuits de karting ;

Sur la légalité externe :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 131-1 du code du sport : " Dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération reçoit délégation du ministre chargé des sports (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 131-16 du même code : " Les fédérations délégataires édictent : 1° les règles techniques propres à leur discipline (....) " ; que, pour les manifestations et concentrations comportant la participation de véhicules terrestres à moteur, l'article R. 331-19 du code du sport prévoit que : " Dans les disciplines pour lesquelles elles ont obtenu délégation, les fédérations sportives mentionnées à l'article L. 131-16 édictent les règles techniques et de sécurité applicables aux événements et aux sites de pratique (...) " ; que, par un arrêté du 31 décembre 2016, le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports a accordé jusqu'au 31 décembre 2020 à la Fédération française de sport automobile la délégation prévue à l'article L. 131-1 précité, pour le sport automobile, le karting et le modélisme automobile radioguidé ; que, par suite, la Fédération française de sport automobile était compétente pour édicter les règles litigieuses ; que la circonstance, à la supposer établie, que la Fédération internationale de l'automobile aurait, sur certains points, édicté des règles différentes est sans incidence sur la compétence de la Fédération française du sport automobile pour l'édiction de règles de sécurité pour le karting ;

3. Considérant qu'aucune disposition du règlement intérieur de la Fédération française du sport automobile n'imposait que l'édiction de règles techniques et de sécurité des circuits soit précédée de la consultation des comités régionaux de karting ; que, contrairement à ce qui est soutenu par la requérante, alors même que leur méconnaissance est susceptible de donner lieu à des sanctions, ces règles techniques ne constituent pas des règles disciplinaires et n'avaient pas, à ce titre, à être soumises au vote de l'assemblée générale de la Fédération ;

4. Considérant que les dispositions de l'article R. 131-3 du code du sport qui imposent aux fédérations sportives qui sollicitent l'agrément prévu à l'article L. 131-8 du code du sport d'avoir adopté des statuts comportant des dispositions garantissant notamment la transparence de leur gestion sont sans incidence sur le présent litige ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les règles litigieuses auraient été adoptées irrégulièrement ;

Sur la légalité interne :

6. Considérant, en premier lieu, que, selon les dispositions de l'article R. 331-18 du code du sport, doit notamment être regardé comme une " manifestation " pour l'application de la réglementation des manifestations comportant la participation de véhicules à moteur, " tout événement motorisé qui comporte au moins un classement, un temps imposé ou un chronométrage, même sur une distance réduite " ; que l'article R. 331-20 du même code dispose : " (...) / les manifestations comportant la participation de véhicules terrestres à moteur qui se déroulent sur des circuits permanents homologués sont soumises à déclaration... " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 331-22-1 du même code : " L'organisateur d'une manifestation sportive sur un circuit permanent homologué doit recueillir l'avis de la fédération délégataire concernée, préalablement au dépôt de son dossier de déclaration auprès de l'autorité administrative. / La fédération rend son avis, qui doit être motivé au regard des règles techniques et de sécurité de la discipline, dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande d'avis. (...) Faute d'avoir été émis dans le délai d'un mois, cet avis est réputé favorable... " ; qu'ainsi les dispositions de l'article I-A2.1.2 des règles techniques litigieuses qui imposent aux organisateurs de présenter une demande d'avis au service sécurité et homologation de la Fédération française de sport automobile pour toute manifestation qui se déroule sur un circuit permanent homologué et qui n'est pas inscrite au calendrier de la Fédération trouvent leur fondement dans les articles précités du code du sport ; que si la société requérante soutient, par la voie de l'exception, que les dispositions réglementaires citées ci-dessus sont illégales, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la Fédération n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article R. 331-18 du code du sport en regardant une " animation ", au cours de laquelle sont organisées des courses avec session chronométrée, comme une " manifestation " ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 212-1 du code du sport : " I.- Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du présent article et de l'article L. 212-2 du présent code, les titulaires d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification : / 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l'activité considérée (...) " ; qu'en énonçant au I-A3.2.1 des règles techniques litigieuses que, dans le cadre d'une animation ou d'une compétition avec des karts B1 ou B2, le rôle du directeur de course peut être assuré par une personne titulaire du brevet professionnel d'éducation de la jeunesse et des sports mention " karting " ou du brevet fédéral de karting, la Fédération française du sport automobile a fait une exacte application de ces dispositions ;

9. Considérant, en quatrième lieu que l'article I-A4-1 des règles contestées prévoit que, pour les démonstrations comme pour les compétitions, le circuit doit comporter des emplacements réservés au public, un parc de stationnement réservé aux spectateurs, des emplacements et une évacuation de secours réservés aux ambulances et aux véhicules de protection contre l'incendie, une liaison téléphonique avec l'extérieur et des moyens de liaison entre le directeur de course, les postes de commissaire technique et de commissaire de piste et le responsable médical ; que ces exigences ne sont pas disproportionnées au regard des risques inhérents aux démonstrations et compétitions de karting tant pour les spectateurs que pour les conducteurs ;

10. Considérant, en cinquième lieu, que les dispositions de l'article I-A5.1 prescrivent la présence sur le circuit, dès les essais, d'une ambulance équipée de matériel de réanimation pour les compétitions avec des karts de type A ou B1 de plus de quinze chevaux et les animations de plus de six heures avec des karts de type B1 ou B2, alors que les dispositions de l'article I-A5.2 imposent seulement la détention d'une trousse de secours et la mise en place de moyens de communication avec un centre de secours pour les animations avec des karts B1et B2 et les compétitions avec des karts B2 ; qu'en prévoyant ces obligations, la Fédération n'a pas, au regard des objectifs de sécurité publique et de protection des personnes et des biens, porté à la liberté du commerce et de l'industrie une atteinte disproportionnée ; qu'au demeurant, ces dispositions sont similaires aux dispositions antérieures figurant à l'article I-B6 des règles édictées en 2007, qui n'ont pas été contestées ;

11. Considérant, en sixième lieu, qu'en ce qui concerne les karts de catégorie B1 et B2, les dispositions de l'article I-A9 " Équipements et vêtements de protection des participants " reprennent pour l'essentiel les dispositions de l'article I-B8 des règles édictées en 2007 ; que le port d'une combinaison homologuée pour les utilisateurs de karts B1 et B2 qu'elles prévoient constitue une précaution nécessaire à la sécurité de ces derniers ;

12. Considérant, en septième lieu, que l'article I-B3.1 des règles contestées impose, d'une part, l'obligation d'un " briefing ", qui peut être collectif, pour informer les participants sur les règles de sécurité générales et spécifiques du circuit ainsi que, avant toute location, d'un entretien personnel avec chaque participant, afin d'évaluer son niveau et de vérifier son équipement et sa tenue, cet entretien individuel pouvant se dérouler à l'occasion du " briefing " ; que cet article impose, d'autre part, l'enseignement des rudiments du pilotage en karting pour les participants qui ne seraient pas titulaires du permis de conduire et précise que cet enseignement doit être dispensé par des personnes titulaires, avec la mention " karting ", du brevet professionnel, du diplôme d'Etat ou du diplôme fédéral ; que ces obligations sont justifiées par la nécessité d'apporter aux participants, lesquels peuvent être de jeunes enfants, des garanties nécessaires à leur sécurité ; qu'en outre, l'obligation de recourir à des personnels diplômés découle des dispositions de l'article L. 212-1 du code du sport rappelées au point 8 ; que le moyen tiré de ce qu'elles porteraient une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie ne peut qu'être écarté ;

13. Considérant, en huitième lieu, que l'article I-4 " Aptitudes médicales " impose que tout participant à une manifestation présente soit un certificat médical d'absence de contre indication à la pratique du sport automobile soit une licence délivrée par une fédération et portant la mention de la délivrance d'un tel certificat ; qu'aux termes de l'article L. 231-2-3 du code du sport : " Pour les disciplines, énumérées par décret, qui présentent des contraintes particulières, la délivrance ou le renouvellement de la licence ainsi que la participation à des compétitions sont soumis à la production d'un certificat médical datant de moins d'un an établissant l'absence de contre-indication à la pratique de la discipline concernée. La délivrance de ce certificat est subordonnée à la réalisation d'un examen médical spécifique dont les caractéristiques sont fixées par arrêté des ministres chargés de la santé et des sports " ; qu'aux termes de l'article D. 231-1-5 du même code : " Les disciplines sportives qui présentent des contraintes particulières au sens de l'article L. 231-2-3 sont énumérées ci-après : / 4° Les disciplines sportives, pratiquées en compétition, comportant l'utilisation de véhicules terrestres à moteur à l'exception du modélisme automobile radioguidé (...) " ; que l'exigence de production d'un certificat médical d'absence de contre indication prévue par ces dispositions ne s'impose que pour les participants à une compétition ; qu'en étendant le champ de cette exigence aux manifestations qui ne sont pas des compétitions, la Fédération a méconnu les dispositions précitées ; que, par suite, le moyen tiré de l'illégalité de l'article I-4 " Aptitudes médicales " des règles attaquées, doit être accueilli en tant que cet article s'applique aux manifestations qui ne sont pas des compétitions ;

14. Considérant, en neuvième lieu, que les moyens tirés de ce qu'en édictant les règles critiquées, la Fédération française du sport automobile aurait méconnu les articles L. 100-2, L. 131-7 et L. 131-9 du code du sport, qui chargent notamment les fédérations sportives de favoriser le développement des activités sportives et l'égal accès au sport, ne peuvent qu'être écartés ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Racing Kart Caudecoste n'est fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque qu'en tant que son article I-4 exige un certificat médical pour les participants à des manifestations qui ne sont pas des compétitions ;

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Fédération française du sport automobile qui n'est pas, pour l'essentiel, la partie perdante dans la présente instance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Racing Kart Caudecoste une somme au même titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'article I-4 des règles techniques et de sécurité des circuits karting publiées par la Fédération française du sport automobile le 27 novembre 2017 est annulé en tant qu'il s'applique aux participants aux manifestations qui ne sont pas des compétitions au sens de l'article L. 231-2-3 du code du sport.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la Fédération française du sport automobile au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Racing Kart Caudecoste et à la Fédération française du sport automobile.

Copie en sera adressée à la ministre des sports.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 417574
Date de la décision : 25/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 oct. 2018, n° 417574
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul Bernard
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:417574.20181025
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