Vu la procédure suivante :
La société Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Ma Résidence a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté conjoint du directeur général de l'agence régionale de santé d'Aquitaine et du président du conseil général de la Gironde du 10 juillet 2013 constatant la caducité partielle de l'autorisation du 23 juillet 2007 relative à l'extension de l'EHPAD. Par un jugement n° 1303254 du 20 octobre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à cette demande.
Par un arrêt n°s 15BX04061, 15BX04063 du 2 mai 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur l'appel du département de la Gironde, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par la société EHPAD Ma Résidence devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaires, enregistrés les 3 juillet et 3 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société EHPAD Ma Résidence demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge du département de la Gironde la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la Société Ehpad Ma Résidence et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la département de la Gironde.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société EHPAD Ma Résidence, qui exploitait alors à Yvrac un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de cinquante-quatre lits et places, a sollicité du préfet et du président du conseil général de la Gironde, en application de l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles, une autorisation d'extension de sa capacité d'accueil pour vingt-neuf lits et places supplémentaires, dont six par création et vingt-trois par transfert de l'autorisation d'exploitation dont la société Home du Château Cadouin, qui gère une maison de retraite à Pompignac, était titulaire. Par arrêté conjoint du 23 juillet 2007 notifié le 28 juillet suivant, le préfet et le président du conseil général de la Gironde ont accordé cette autorisation d'extension. Toutefois, par un jugement du 30 mars 2012, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 19 février 2013, passé en force de chose jugée, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la caducité du contrat de vente du fonds de commerce de la société Home du Château Cadouin à la société EHPAD Ma Résidence, conclu le 29 avril 2005, et de son avenant du 8 février 2007. Par un arrêté du 10 juillet 2013, le président du conseil général de la Gironde et le directeur général de l'agence régionale de santé d'Aquitaine ont constaté la caducité partielle de l'arrêté du 23 juillet 2007, en tant que cet arrêté avait autorisé l'extension de l'EHPAD Ma Résidence par regroupement et transformation en EHPAD des vingt-trois lits de la maison de retraite Home du Château Cadouin. La cour administrative d'appel de Bordeaux, par un arrêt du 2 mai 2017 contre lequel la société EHPAD Ma Résidence se pourvoit en cassation, a annulé le jugement du 20 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux avait annulé l'arrêté du 10 juillet 2013.
2. Aux termes de l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige, reprise pour partie à l'article D. 313-7-2 du même code : " La création, la transformation ou l'extension des établissements et services mentionnés à l'article L. 312-1 sont soumises à autorisation, sous réserve des dispositions de l'article L. 313-1-1. / (...) / Toute autorisation est caduque si elle n'a pas reçu un commencement d'exécution dans un délai de trois ans à compter de sa date de notification. / Lorsque l'autorisation est accordée à une personne physique ou morale de droit privé, elle ne peut être cédée qu'avec l'accord de l'autorité compétente concernée. / (...) ". L'article L. 312-1 du même code dispose que : " I. - Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : / (...) 6° Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'accord donné par l'autorité compétente au transfert, par " cession ", d'une autorisation de création, de transformation ou d'extension d'établissements et services sociaux et médico-sociaux, au nombre desquels figurent les établissements et services qui accueillent des personnes âgées, cesse de produire ses effets, tout comme l'autorisation initiale elle-même, s'il n'a pas reçu un commencement d'exécution dans un délai de trois ans. En outre, une telle décision peut perdre son objet, lorsqu'en raison d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, tel qu'une cessation d'activité, elle ne peut plus produire d'effets, ce que l'administration est en droit de constater. En revanche, ni l'attribution ni le maintien de l'autorisation de " cession " ne sont, en eux-mêmes, subordonnés à la seule existence ou poursuite d'un contrat entre le précédent titulaire de l'autorisation et le nouveau, stipulant les conditions effectives de la cession, lequel peut être conclu à tout moment.
4. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant qu'en cas de cession d'une autorisation d'exploitation d'un établissement mentionné à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, l'entrée en vigueur de l'accord qui doit être donné à cette cession par l'autorité compétente est subordonnée à l'existence d'un contrat entre le précédent titulaire de l'autorisation et le nouveau, de telle sorte que la caducité de ce contrat entraîne nécessairement la caducité de l'accord donné à la cession de l'autorisation d'exploitation, sans rechercher, au vu de l'ensemble des éléments dont elle était saisie, si le projet de cession ayant fait l'objet de l'autorisation en cause gardait son objet.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Gironde une somme de 3 000 euros à verser à la société EHPAD Ma Résidence au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise au même titre à la charge de la société EHPAD Ma Résidence, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 2 mai 2017 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Le département de la Gironde versera à la société EHPAD Ma Résidence une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le département de la Gironde au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Ma Résidence et au département de la Gironde.
Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé et à l'agence régionale de santé de Nouvelle Aquitaine.