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12/10/2018 | FRANCE | N°422475

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 12 octobre 2018, 422475


Vu la procédure suivante :

La société Pierre et Vacances a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'imposition, d'un montant de 37 654 734 euros, à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2003 en application de l'article 1758 bis du code général des impôts. Par un jugement n° 1107985 du 18 juillet 2013, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n°13VE03080 du 17 mars 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par le ministre des finances e

t des comptes publics contre ce jugement.

Par une décision nos 399868, 3998...

Vu la procédure suivante :

La société Pierre et Vacances a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'imposition, d'un montant de 37 654 734 euros, à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2003 en application de l'article 1758 bis du code général des impôts. Par un jugement n° 1107985 du 18 juillet 2013, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n°13VE03080 du 17 mars 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par le ministre des finances et des comptes publics contre ce jugement.

Par une décision nos 399868, 399869 du 19 mars 2018, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 17 mars 2016 de la cour administrative d'appel de Versailles et lui a renvoyé le jugement de l'affaire.

La société Pierre et Vacances a produit un mémoire, enregistré le 19 juin 2018 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n°18VE01024 du 19 juillet 2018, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles, avant qu'il soit statué sur la requête du ministre de l'action et des comptes publics, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 1758 bis du code général des impôts.

Dans la question prioritaire de constitutionnalité ainsi transmise et dans un mémoire puis un mémoire en réplique, enregistrés les 9 août et 28 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Pierre et Vacances soutient que les dispositions de l'article 1758 bis du code général des impôts alors en vigueur sont entachées d'incompétence négative en ce qu'elles ne précisent pas, en méconnaissance de l'article 34 de la Constitution, les modalités de recouvrement de l'imposition innommée qu'elles instituent et portent ainsi atteinte au droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par un mémoire, enregistré le 16 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et, en particulier, que la question ne présente pas un caractère sérieux.

La question prioritaire de constitutionnalité a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Pierre et Vacances.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes du 1 de l'article 145 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini aux articles 146 et 216, est applicable aux sociétés (...) qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : (...) / c. Les titres de participations doivent avoir été souscrits à l'émission. A défaut, la personne morale participante doit avoir pris l'engagement de les conserver pendant un délai de deux ans. (...) ". Selon l'article 1758 bis du même code, alors en vigueur : " En cas de non-respect de l'engagement prévu au premier alinéa du c du 1 de l'article 145 la société participante est tenue de verser au Trésor une somme égale au montant de l'impôt dont elle a été exonérée indûment, majoré des intérêts de retard décomptés au taux de 0,75 % par mois. Ce versement est exigible dans les trois mois suivant la cession. "

3. La société Pierre et Vacances soutient que dans l'hypothèse où la somme prévue à l'article 1758 bis du code général des impôts cité au point 2 ci-dessus serait, comme le soutient le ministre, qualifiée d'imposition innommée, le législateur, en édictant les dispositions de cet article, serait resté, en méconnaissance des dispositions de l'article 34 de la Constitution, en deçà de sa compétence en créant cette imposition sans en déterminer les modalités de recouvrement, portant ainsi atteinte au droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

4. Toutefois, il résulte des dispositions combinées des articles 145 et 1758 bis du code général des impôts citées au point 2 ci-dessus que ce dernier article n'institue pas une imposition mais prévoit le versement au Trésor de l'impôt sur les sociétés dont la société participante a été indûment exonérée au titre du régime des sociétés mères, majoré des intérêts de retard au taux de 0,75 % par mois, lorsque cette dernière ne respecte pas l'engagement de conserver pendant deux ans les titres de sa filiale non souscrits à l'émission. Le recouvrement de la somme en cause s'effectue donc selon les règles applicables à l'impôt sur les sociétés et aux intérêts de retard correspondants.

5. Par suite, la question transmise par la cour administrative d'appel de Versailles, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Pierre et Vacances et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, ainsi qu'à la cour administrative d'appel de Versailles.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 422475
Date de la décision : 12/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 12 oct. 2018, n° 422475
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Agnoux
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:422475.20181012
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