La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/10/2018 | FRANCE | N°401749

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 12 octobre 2018, 401749


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009. Par un jugement nos 1105578, 1105581, 1105582, 1200643 du 27 novembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 15NC00209 du 2 juin 2016, la cour administrative d'appel

de Nancy a rejeté l'appel formé par le ministre des finances et des comptes...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009. Par un jugement nos 1105578, 1105581, 1105582, 1200643 du 27 novembre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 15NC00209 du 2 juin 2016, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par le ministre des finances et des comptes publics contre ce jugement.

Par un pourvoi enregistré le 22 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt,

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de M.A....

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...a reçu, le 30 octobre 2010, un avis de vérification l'informant qu'il allait faire l'objet d'une vérification de comptabilité, dont la première intervention sur place était prévue le 15 novembre 2010. L'avis indiquait la possibilité pour le contribuable de se faire assister par un conseil de son choix lors des opérations de contrôle. M. A...a informé le service vérificateur de son absence à la date du 15 novembre 2010 et a sollicité un report du début des opérations. Le 16 novembre 2010, une nouvelle date d'intervention, fixée au 18 novembre 2010, lui a été proposée par l'administration lors d'un entretien téléphonique. Le même jour, M. A...a, sur la demande du service, confirmé cette nouvelle date par télécopie. Le 18 novembre 2010, M. A...et le vérificateur se sont rencontrés en présence du conseil du contribuable. Le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 juin 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 novembre 2014 qui avait fait droit à la demande de décharge formée par M.A..., au motif qu'en fixant au surlendemain la nouvelle date de début des opérations de contrôle, l'administration fiscale n'avait pas octroyé au contribuable vérifié un délai suffisant lui permettant de se faire assister d'un conseil.

2. Aux termes des dispositions de l'article L.47 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la procédure de contrôle en litige : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / (...) L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil." Il résulte de ces dispositions que la première intervention de l'administration sur place aux fins de vérification de la comptabilité du contribuable ne peut avoir lieu qu'après que ce dernier a été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de notification, dans un délai raisonnable qui ne peut être inférieur à deux jours ouvrés, de l'engagement du contrôle, cette garantie étant de nature à permettre au contribuable d'être présent ou représenté lors des interventions sur place du vérificateur

3. Toutefois, lorsqu'un contribuable a été régulièrement informé de l'engagement d'une procédure de vérification par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification, dans les conditions prévues à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales citées au point 2 ci-dessus, aucune disposition législative ou réglementaire ne prescrit à l'administration, lorsqu'elle décide de reporter, de sa propre initiative ou à la demande du contribuable, la date qui avait été initialement prévue pour la première intervention sur place du vérificateur, d'envoyer ou de remettre un avis de vérification rectificatif au contribuable. L'administration est en revanche tenue d'informer le contribuable en temps utile, par tous moyens, de la date à laquelle est reporté le début des opérations de vérification.

4. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que la cour a commis une erreur de droit en jugeant irrégulière la procédure d'imposition au motif que l'administration n'avait pas informé le contribuable de la date retenue pour le report du début des opérations de contrôle dans un délai suffisant, c'est-à-dire d'au moins deux jours ouvrés, pour lui permettre de se faire assister du conseil de son choix, et qu'elle l'avait, en se dispensant de cette formalité, privé d'une garantie tenant au caractère contradictoire de la procédure, alors qu'il suffisait qu'elle l'ait informé en temps utile de la date à laquelle était reporté le début des opérations de vérification. Par suite, le ministre est fondé à solliciter l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 2 juin 2016 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à M. B...A....


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 401749
Date de la décision : 12/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. CONTRÔLE FISCAL. VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ. GARANTIES ACCORDÉES AU CONTRIBUABLE. - REPORT DE LA DATE DE DÉBUT DES OPÉRATIONS DE VÉRIFICATION RÉGULIÈREMENT PORTÉE À LA CONNAISSANCE DU CONTRIBUABLE PAR L'ENVOI OU LA REMISE D'UN AVIS DE VÉRIFICATION - 1) NÉCESSITÉ D'INFORMER LE CONTRIBUABLE EN TEMPS UTILE PAR TOUS MOYENS DE LA NOUVELLE DATE - EXISTENCE, QUE LE REPORT SOIT À L'INITIATIVE DU CONTRIBUABLE OU DE L'ADMINISTRATION [RJ1] - 2) DÉLAI MINIMAL REQUIS POUR SATISFAIRE CETTE EXIGENCE - DÉLAI RAISONNABLE PRÉVU PAR L'ARTICLE L. 47 DU LPF, SOIT AU MOINS DEUX JOURS FRANCS [RJ2] - ABSENCE.

19-01-03-01-02-03 1) Lorsqu'un contribuable a été régulièrement informé de l'engagement d'une procédure de vérification par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification, dans les conditions prévues à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales (LPF), aucune disposition législative ou réglementaire ne prescrit à l'administration, lorsqu'elle décide de reporter, de sa propre initiative ou à la demande du contribuable, la date qui avait été initialement prévue pour la première intervention sur place du vérificateur, d'envoyer ou de remettre un avis de vérification rectificatif au contribuable. L'administration est en revanche tenue d'informer le contribuable en temps utile, par tous moyens, de la date à laquelle est reporté le début des opérations de vérification.,,,2) Commet une erreur de droit une cour qui juge irrégulière la procédure d'imposition au motif que l'administration n'avait pas informé le contribuable de la date retenue pour le report du début des opérations de contrôle dans un délai suffisant, c'est-à-dire d'au moins deux jours ouvrés, pour lui permettre de se faire assister du conseil de son choix, et qu'elle l'avait, en se dispensant de cette formalité, privé d'une garantie tenant au caractère contradictoire de la procédure, alors qu'il suffisait qu'elle l'ait informé en temps utile de la date à laquelle était reporté le début des opérations de vérification.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 28 juillet 2000, SARL Distel, n° 185401, T. p. 928.,,

[RJ2]

Cf. s'agissant de la durée de deux jours francs, CE, 2 octobre 2002,,, n° 228436, p. 325.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 oct. 2018, n° 401749
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ophélie Champeaux
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:401749.20181012
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award