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10/10/2018 | FRANCE | N°401221

France | France, Conseil d'État, 4ème et 1ère chambres réunies, 10 octobre 2018, 401221


Vu les procédures suivantes :

Mme D...C...a porté plainte, à deux reprises, contre M. A... B...devant la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Le conseil départemental de Vaucluse de l'ordre des chirurgiens-dentistes s'est associé à la seconde de ces plaintes. Par une décision n° 1361, 1387 du 2 juin 2014, la chambre disciplinaire de première instance a infligé à M. B...la sanction d'interdiction d'exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant quatre mois.

Par une décision n°

2282 du 4 mai 2016, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chir...

Vu les procédures suivantes :

Mme D...C...a porté plainte, à deux reprises, contre M. A... B...devant la chambre disciplinaire de première instance de Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Le conseil départemental de Vaucluse de l'ordre des chirurgiens-dentistes s'est associé à la seconde de ces plaintes. Par une décision n° 1361, 1387 du 2 juin 2014, la chambre disciplinaire de première instance a infligé à M. B...la sanction d'interdiction d'exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant quatre mois.

Par une décision n° 2282 du 4 mai 2016, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes a rejeté l'appel formé par M. B...contre cette décision et décidé que la sanction serait exécutée à compter du jour où il serait réinscrit au tableau de l'ordre.

1° Sous le n° 401221, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juillet et 5 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) de mettre à la charge de Mme C...et du conseil départemental de Vaucluse de l'ordre des chirurgiens-dentistes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 404085, par une requête, enregistrée le 5 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat d'ordonner, en application de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de la décision, analysée sous le n° 401221 ci-dessus, de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes et qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme C...et du conseil départemental de Vaucluse de l'ordre des chirurgiens-dentistes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Baron, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. B...;

1. Considérant que le pourvoi par lequel M. B...demande l'annulation de la décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes du 4 mai 2016 qui lui a infligé la sanction d'interdiction d'exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant quatre mois et sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette décision présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;

Sur le pourvoi :

En ce qui concerne la sanction infligée à M.B... :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 4127-225 du code de la santé publique, qui énonce l'un des devoirs généraux qui s'imposent aux chirurgiens-dentistes : " Sont (...) interdites toute publicité, toute réclame personnelle ou intéressant un tiers ou une firme quelconque " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour l'inauguration, en 2012, de son nouveau cabinet d'orthodontie à Pernes-les-Fontaines, M. B... a invité ses confrères et consoeurs du Vaucluse à une " soirée beaujolaise " ; qu'en jugeant qu'une telle initiative revêtait le caractère d'un procédé publicitaire prohibé par les dispositions citées au point 2, alors même qu'elle retenait que l'invitation, si elle comportait des informations précisant les conditions dans lesquelles les patients pouvaient prendre rendez-vous par téléphone, n'avait été adressée qu'à des chirurgiens-dentistes et non à des patients, la chambre disciplinaire nationale a commis une erreur de droit et, par suite, inexactement qualifié de faute disciplinaire les faits qui lui étaient soumis ;

4. Considérant, en second lieu, qu'en jugeant que M. B...avait également recouru à des procédés publicitaires prohibés en raison de la parution, en 2012, d'un article du " Dauphiné Libéré " qui avait fait l'éloge de sa personnalité et de sa " vie de voyage ", alors que cet article ne mentionnait pas sa profession et se bornait à indiquer que M. B...était " installé " à Pernes-les-Fontaines, la chambre disciplinaire nationale a, sur ce point également, inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ;

Au surplus, en ce qui concerne la fixation de la période d'exécution de la sanction :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 4126-30 du code de la santé publique, rendu applicable à la chambre disciplinaire nationale, en vertu de l'article R. 4126-43 : " Les décisions de la chambre disciplinaire prononçant une peine d'interdiction temporaire d'exercer la profession ou de radiation ou les ordonnances de son président fixent la période d'exécution ou la date d'effet de cette sanction en tenant compte du délai d'appel et, s'agissant de la chambre nationale, le cas échéant, du délai d'opposition. / Si la décision ne précise pas de période d'exécution, la peine est exécutoire le lendemain du jour où elle devient définitive (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte des termes de la décision attaquée que la chambre disciplinaire nationale a fixé " à compter du jour où le docteur Marc B...serait inscrit à nouveau au tableau de l'ordre des chirurgiens-dentistes " le point de départ de la sanction qu'elle prononçait ;

7. Considérant que, contrairement à ce que soutient M. B..., la chambre disciplinaire nationale était tenue, compte tenu de l'effet suspensif de l'appel, de modifier la date d'effet de la sanction déterminée par la chambre disciplinaire de première instance qu'elle venait de confirmer, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que M. B...avait pris l'initiative d'interrompre l'exercice de sa profession pendant une période de quatre mois ;

8. Considérant, en revanche, que M. B...est fondé à soutenir que la chambre disciplinaire nationale a méconnu son office en fixant le début de la période d'exécution de la sanction à une échéance qui, bien que définie dans des termes précis, revêtait un caractère hypothétique ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, M. B...est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C...et du conseil départemental de Vaucluse de l'ordre des chirurgiens-dentistes une somme de 1 500 euros chacun à verser à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur la requête aux fins de sursis à exécution :

10. Considérant que, par la présente décision, le Conseil d'Etat statue sur le pourvoi formé par M. B...contre la décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes du 4 mai 2016 ; que, par suite, ses conclusions aux fins de sursis à exécution de cette décision sont devenues sans objet ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées, dans la même requête, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 4 mai 2016 de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution de la requête n° 404085 de M.B....

Article 4 : Mme C...et le conseil départemental de Vaucluse de l'ordre des chirurgiens-dentistes verseront chacun 1 500 euros à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 404085 de M.B..., présenté au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., à Mme D...C...et au conseil départemental de Vaucluse de l'ordre des chirurgiens-dentistes.


Synthèse
Formation : 4ème et 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 401221
Date de la décision : 10/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - PROCÉDURE DEVANT LES JURIDICTIONS ORDINALES - POUVOIRS DU JUGE DISCIPLINAIRE - DATE D'EFFET D'UNE SANCTION CONFIRMÉE EN APPEL - 1) OBLIGATION DE LA MODIFIER COMPTE TENU DE L'EFFET SUSPENSIF DE L'APPEL - EXISTENCE - SANS QU'Y FASSE OBSTACLE LE FAIT QUE L'INTÉRESSÉ A INTERROMPU L'EXERCICE DE SA PROFESSION PENDANT PLUSIEURS MOIS - 2) POSSIBILITÉ DE FIXER LA DATE D'EXÉCUTION DE LA SANCTION À UNE ÉCHÉANCE HYPOTHÉTIQUE TENANT À LA RÉINSCRIPTION DE L'INTÉRESSÉ AU TABLEAU DE L'ORDRE DE SA PROFESSION - ABSENCE [RJ1].

55-04-01-03 Chambre disciplinaire nationale ayant fixé à compter du jour où le professionnel serait inscrit à nouveau au tableau de l'ordre de sa profession, le point de départ de la sanction qu'elle prononçait.,,,1) Une chambre disciplinaire nationale est tenue, compte tenu de l'effet suspensif de l'appel, de modifier la date d'effet de la sanction déterminée par la chambre disciplinaire de première instance qu'elle vient de confirmer, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'intéressé a pris l'initiative d'interrompre l'exercice de sa profession pendant plusieurs mois.... ,,2) En revanche, une chambre disciplinaire nationale méconnaît son office en fixant le début de la période d'exécution de la sanction à une échéance qui, bien que définie dans des termes précis, revêt un caractère hypothétique.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - SANCTIONS - EFFETS DES SANCTIONS - DATE D'EFFET D'UNE SANCTION CONFIRMÉE EN APPEL - 1) OBLIGATION DE LA MODIFIER COMPTE TENU DE L'EFFET SUSPENSIF DE L'APPEL - EXISTENCE - SANS QU'Y FASSE OBSTACLE LE FAIT QUE L'INTÉRESSÉ A INTERROMPU L'EXERCICE DE SA PROFESSION PENDANT QUATRE MOIS - 2) POSSIBILITÉ DE LA FIXER À UNE ÉCHÉANCE HYPOTHÉTIQUE TENANT À LA RÉINSCRIPTION DE L'INTÉRESSÉ AU TABLEAU DE L'ORDRE DE SA PROFESSION - ABSENCE [RJ1].

55-04-02-03 Chambre disciplinaire nationale ayant fixé à compter du jour où le professionnel serait inscrit à nouveau au tableau de l'ordre de sa profession, le point de départ de la sanction qu'elle prononçait.,,,1) Une chambre disciplinaire nationale est tenue, compte tenu de l'effet suspensif de l'appel, de modifier la date d'effet de la sanction déterminée par la chambre disciplinaire de première instance qu'elle vient de confirmer, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'intéressé a pris l'initiative d'interrompre l'exercice de sa profession pendant plusieurs mois.... ,,2) En revanche, une chambre disciplinaire nationale méconnaît son office en fixant le début de la période d'exécution de la sanction à une échéance qui, bien que définie dans des termes précis, revêt un caractère hypothétique.


Références :

[RJ1]

Rappr., s'agissant de la compétence du juge disciplinaire pour fixer la période d'exécution de sa décision de sanction, CE, Section, 26 janvier 1996, Guedj, n° 167966, p. 24; CE, 19 avril 2000, Mselatti, n° 197193, T. pp. 785-1194-1215 ;

CE, 5 mars 2003, Delannoy, n° 223725, p. 117.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 oct. 2018, n° 401221
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Baron
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:401221.20181010
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