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05/10/2018 | FRANCE | N°416358

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 05 octobre 2018, 416358


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 décembre 2017 et 5 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 6 mars 2017 rapportant le décret du 5 février 2015 qui lui avait accordé la nationalité française.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller

d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public ;

1. Consi...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 décembre 2017 et 5 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 6 mars 2017 rapportant le décret du 5 février 2015 qui lui avait accordé la nationalité française.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., ressortissant tunisien, a déposé une demande de naturalisation le 5 septembre 2013 dans laquelle il a déclaré être marié avec une ressortissante française ; que cette demande a été initialement ajournée à deux ans par une décision du 18 juillet 2014 du ministre chargé des naturalisations, contre laquelle M. B...a exercé un recours gracieux le 11 septembre 2014 ; que, sur ce recours administratif, le ministre a rapporté la décision d'ajournement ; que l'intéressé a ultérieurement été naturalisé, au vu de ses déclarations, par un décret du 5 février 2015 ; que toutefois, par bordereau reçu le 9 mars 2015, le ministre chargé des naturalisations a été informé par le préfet de la Sarthe que M. B...avait divorcé de son épouse française le 10 juillet 2014 et avait épousé en Tunisie, le 20 novembre 2014, une ressortissante tunisienne résidant dans ce pays ; que, par le décret attaqué, le Premier ministre a rapporté le décret prononçant la naturalisation de M. B...au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé quant à sa situation familiale ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 21-16 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation " ; qu'il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts ; que, pour apprécier si cette condition se trouve remplie, l'autorité administrative peut notamment prendre en compte la situation familiale en France de l'intéressé ; que, par suite, ainsi que l'énonce le décret attaqué, la circonstance que l'intéressé ait été marié en Tunisie où résidait son épouse était de nature à modifier l'appréciation qui a été portée par l'autorité administrative sur la fixation du centre de ses intérêts ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., après avoir déposé sa demande de naturalisation, a divorcé de son épouse le 10 juillet 2014 et s'est remarié, le 20 novembre 2014, en Tunisie ; que ces événements ont constitué des changements de sa situation familiale qu'il aurait dû porter à la connaissance des services instruisant sa demande de naturalisation, ce qu'il n'a pas fait, notamment pas à l'occasion du recours gracieux qu'il a formé contre la décision d'ajournement de sa demande le 11 septembre 2014 ; que l'intéressé, qui maîtrise la langue française, ne pouvait se méprendre sur la portée de l'engagement sur l'honneur qu'il a signé en déposant sa demande de naturalisation ; qu'il doit ainsi être regardé comme ayant sciemment dissimulé la réalité de sa situation familiale ; que, par suite, en rapportant le décret ayant prononcé sa naturalisation, le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 27-2 du code civil ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 6 mars 2017 rapportant le décret du 5 février 2015 qui lui avait accordé la nationalité française ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 416358
Date de la décision : 05/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 oct. 2018, n° 416358
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bertrand Mathieu
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:416358.20181005
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