Vu la procédure suivante :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le directeur général de la Citadelle de Besançon a refusé d'abroger les dispositions du règlement intérieur de l'établissement portant interdiction d'y marcher pieds nus. Par un jugement no 1401447 du 14 avril 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16NC01123 du 20 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel contre ce jugement.
Par un pourvoi et un mémoire complémentaire enregistrés les 10 octobre 2017 et 9 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M.B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Besançon la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Hoynck, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. A...B...et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune de Besançon ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 8 mai 2014, M. B...a demandé l'abrogation de l'article 4 du règlement définissant les conditions d'accès à la Citadelle de Besançon en tant qu'il interdit d'y marcher pieds nus. Il a saisi le tribunal administratif de Besançon en lui demandant d'annuler pour excès de pouvoir le refus implicite qui a été opposé à cette demande. Par un jugement du 14 avril 2016, le tribunal administratif a rejeté sa requête. M. B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 juillet 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel contre ce jugement.
2. M. B...soutenait en appel, d'une part, que le règlement litigieux ne pouvait légalement édicter une interdiction générale s'appliquant aux différentes composantes de la Citadelle de Besançon et, d'autre part, que, en prévoyant une telle interdiction générale, il portait une atteinte disproportionnée à la liberté de se vêtir. En omettant de répondre à ces moyens, qui n'étaient pas inopérants, la cour administrative d'appel de Nancy a entaché son arrêt d'insuffisance de motivation. Il s'ensuit que M. B...est fondé, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
4. Le règlement définissant les conditions de visite d'un ouvrage public ouvert au public a notamment pour objet d'y assurer la sécurité et le bon ordre en conformité avec sa destination. Les obligations pesant à ce titre sur les visiteurs ne doivent pas entrainer de sujétions excédant ce qui est nécessaire aux buts qu'elles poursuivent.
5. Aucune règle ni aucun principe ne font obstacle à ce que le règlement d'un ouvrage public ouvert au public édicte une interdiction générale, alors même que cet ouvrage public serait constitué de plusieurs composantes distinctes. Il appartient toutefois au juge de l'excès de pouvoir de contrôler si une telle interdiction est justifiée pour chacune des parties distinctes du site auxquelles elle s'applique.
6. En vertu de son article 1er, le champ d'application du règlement contesté s'étend à l'ensemble de la Citadelle. Il s'ensuit que l'interdiction de marcher pieds nus, posée à son article 4, s'applique tant au parc, en accès libre, situé entre le Front Saint-Etienne et le Front royal, qu'aux parties du site dont l'accès est subordonné à l'acquittement d'un droit d'entrée, à savoir le fort et ses parties intérieures, qui abritent différents musées et le jardin zoologique.
7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'interdiction ainsi posée ne peut être regardée comme excessive au seul motif qu'elle s'applique à l'ensemble de la Citadelle.
8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour la partie du site, accessible depuis le Front royal, constituée de la cour intérieure de la forteresse, qui est délimitée par les remparts et dans laquelle se trouvent divers bâtiments abritant des musées, dont le musée de la Résistance et de la déportation et le musée comtois, l'interdiction de marcher pieds nus, fondée sur la nécessité de garantir le bon ordre et d'assurer la jouissance paisible du site en exigeant une tenue vestimentaire correcte au regard des usages, porte une atteinte excessive à la liberté d'aller et venir, à la liberté personnelle et aux droits protégés par les articles 8, 9 et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En troisième lieu, compte tenu de la configuration des lieux et en particulier de la nécessité de traverser la cour intérieure de la forteresse pour y accéder, il en va, en tout état de cause, de même pour le jardin zoologique.
10. En quatrième lieu, en revanche, pour la partie du site de la Citadelle dénommée " le Glacis ", en accès libre, qui est constituée d'un vaste parc abritant de larges pelouses, agrémentées d'espaces de pique-nique, destinées notamment à la promenade et aux loisirs des visiteurs, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard aux motifs retenus par les auteurs du règlement tirés, d'une part, de la nécessité de garantir le bon ordre et la jouissance paisible du site, et, d'autre part, de la nécessité d'assurer la sécurité des visiteurs en prévenant les accidents et blessures susceptibles de se produire à raison des installations de chantier et des engins circulant pour les besoins des travaux effectués sur ce site, laquelle ne pourrait, le cas échéant, justifier qu'une interdiction partielle ou temporaire, l'interdiction générale et permanente de marcher pieds nus impose aux visiteurs des sujétions excessives au regard des buts poursuivis.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B...est seulement fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon du 14 avril 2016 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation du refus d'abroger les dispositions de l'article 4 du règlement intérieur interdisant aux visiteurs de marcher pieds nus dans la partie du site comprise entre le Front Saint-Etienne et le Front royal et à ce qu'il soit enjoint de procéder à l'abrogation, dans cette mesure, du règlement de la citadelle de Besançon. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B...et par la commune de Besançon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 20 juillet 2017 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 14 avril 2016 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation du refus d'abroger les dispositions de l'article 4 du règlement de la citadelle de Besançon interdisant aux visiteurs de marcher pieds nus dans la partie du site comprise entre le Front Saint-Etienne et le Front royal et à ce qu'il soit enjoint de procéder à l'abrogation, dans cette mesure, de ce règlement.
Article 3 : Le refus d'abroger les dispositions de l'article 4 du règlement de la Citadelle de Besançon interdisant aux visiteurs de marcher pieds nus dans la partie du site comprise entre le Front Saint-Etienne et le Front royal est annulé.
Article 4 : Il est enjoint à la commune de Besançon d'abroger, dans cette mesure, l'article 4 du règlement de la Citadelle de Besançon, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. B...devant la cour administrative d'appel de Nancy est rejeté.
Article 6 : Les conclusions de M. B...et de la commune de Besançon présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la commune de Besançon.