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03/10/2018 | FRANCE | N°411050

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 03 octobre 2018, 411050


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 30 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des casinos modernes de France (SCMF), le syndicat Casinos de France et l'Association des casinos indépendants français (ACIF) demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ainsi que la décision implicite de rejet de leur re

cours gracieux exercé contre cette ordonnance intervenue le 1er avril 2017 ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 30 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des casinos modernes de France (SCMF), le syndicat Casinos de France et l'Association des casinos indépendants français (ACIF) demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux exercé contre cette ordonnance intervenue le 1er avril 2017 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la directive (UE) 2015/849 du Parlement et du Conseil du 20 mai 2015 ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat du syndicat des casinos modernes de France, et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Sur le fondement de l'habilitation que lui conférait le I de l'article 118 de la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, le Gouvernement a, en vertu de l'article 38 de la Constitution, adopté l'ordonnance du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, notamment pour transposer la directive (UE) 2015/849 du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme. La requête du syndicat des casinos modernes de France (SCMF) et autres doit être interprétée comme tendant à l'annulation pour excès de pouvoir, dans la mesure où ils s'appliquent aux personnes mentionnées au 9° de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, des articles 2 et 3 de cette ordonnance, en tant qu'ils modifient ou créent les articles L. 561-2-1, L. 561-5, L. 561-5-1, L. 561-6 et L. 561-13 du même code, de son article 4, en tant qu'il modifie l'article L. 561-18 du même code, et de son article 7, en tant qu'il modifie les articles L. 561-36, L. 561-38, L. 561-40, L. 561-41 et L. 561-42 du même code, ainsi que de la décision implicite de rejet de leur demande de retrait de cette ordonnance, intervenue le 1er avril 2017, dans la même mesure.

Sur le moyen relatif aux articles 2 et 3 de l'ordonnance en tant qu'ils créent ou modifient les articles L. 561-2-1, L. 561-5, L. 561-5-1, L. 561-6 et L. 561-13 du code monétaire et financier :

2. En premier lieu, aux termes du f) du paragraphe 1 de l'article 2 de la directive 2015/849 du 20 mai 2015 : " les prestataires de services de jeux d'argent et de hasard " font partie des personnes assujetties à la directive. Par ailleurs, si le paragraphe 2 du même article prévoit que les Etats membres peuvent décider, à l'issue d'une évaluation appropriée des risques, d'exempter totalement ou partiellement les prestataires de certains services de jeux d'argent et de hasard des dispositions assurant la transposition de la directive, cette possibilité est exclue pour les casinos.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 11 de la même directive : " Les États membres veillent à ce que les entités assujetties appliquent des mesures de vigilance à l'égard de leur clientèle dans les cas suivants : / a) lorsqu'elles nouent une relation d'affaires ; / b) lorsqu'elles exécutent, à titre occasionnel, une transaction : / i) d'un montant égal ou supérieur à 15 000 EUR, que cette transaction soit exécutée en une seule ou en plusieurs opérations qui semblent être liées ; ou / ii) constituant un transfert de fonds au sens de l'article 3, point 9), du règlement (UE) 2015/847 du Parlement européen et du Conseil supérieur à 1 000 EUR ; / c) dans le cas de personnes négociant des biens, lorsqu'elles exécutent, à titre occasionnel, des transactions en espèces d'un montant égal ou supérieur à 10 000 EUR, que la transaction soit exécutée en une seule ou en plusieurs opérations qui semblent être liées ; / d) dans le cas de prestataires de services de jeux d'argent et de hasard, lors de la collecte de gains, lors de l'engagement d'une mise, ou dans les deux cas, lorsqu'ils concluent une transaction d'un montant égal ou supérieur à 2 000 EUR, que la transaction soit exécutée en une seule ou en plusieurs opérations qui semblent être liées ; / e) lorsqu'il y a suspicion de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, indépendamment de tous seuils, exemptions ou dérogations applicables ; / f) lorsqu'il existe des doutes concernant la véracité ou la pertinence des données précédemment obtenues aux fins de l'identification d'un client. ". Aux termes de son article 13 : " 1. Les mesures de vigilance à l'égard de la clientèle comprennent : / a) l'identification du client et la vérification de son identité, sur la base de documents, de données ou d'informations obtenus d'une source fiable et indépendante ; / b) l'identification du bénéficiaire effectif et la prise de mesures raisonnables pour vérifier l'identité de cette personne, de telle manière que l'entité assujettie ait l'assurance de savoir qui est le bénéficiaire effectif, y compris, pour les personnes morales, les fiducies/trusts, les sociétés, les fondations et les constructions juridiques similaires, la prise de mesures raisonnables pour comprendre la structure de propriété et de contrôle du client ; / c) l'évaluation et, le cas échéant, l'obtention d'informations sur l'objet et la nature envisagée de la relation d'affaires ; / d) l'exercice d'un contrôle continu de la relation d'affaires, notamment en examinant les transactions conclues pendant la durée de cette relation de manière à vérifier que ces transactions sont cohérentes par rapport à la connaissance qu'a l'entité assujettie de son client, de ses activités commerciales et de son profil de risque, y compris, si nécessaire, de l'origine des fonds, et en tenant à jour les documents, données ou informations détenus. Lorsqu'elles prennent les mesures visées au premier alinéa, points a) et b), les entités assujetties vérifient également que toute personne prétendant agir au nom du client est autorisée à le faire, et identifient et vérifient l'identité de cette personne. / 2. Les États membres veillent à ce que les entités assujetties appliquent chacune des obligations de vigilance à l'égard de la clientèle figurant au paragraphe 1. Cependant, les entités assujetties peuvent déterminer l'étendue de ces mesures en fonction de leur appréciation des risques. (...) ".

4. Aux termes de l'article 5 de la même directive : " Les Etats membres peuvent arrêter ou maintenir en vigueur, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes pour prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans les limites du droit de l'Union ".

5. Il résulte clairement de ces dispositions qu'au plus tard à compter de la date limite de transposition de la directive du 20 mai 2015, les opérateurs de casinos doivent être soumis aux mesures de vigilance mentionnées à son article 13, dans les différentes hypothèses prévues par son article 11, sans que les Etats membres ne puissent les en exempter totalement ou partiellement. Il est en revanche loisible aux Etats membres de maintenir ou d'imposer des dispositions plus strictes en la matière que celles qui sont prévues par la directive. Par suite, le moyen tiré de ce que les articles 2 et 3 de l'ordonnance attaquée, en tant qu'ils créent ou modifient les articles L. 561-2-1, L. 561-5, L. 561-5-1, L. 561-6 et L. 561-13 du code monétaire et financier, soumettraient les opérateurs de casinos aux mêmes obligations de vigilance que les autres entités assujetties au dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en application de l'article L. 561-2 du même code en méconnaissance des articles 11 et 13 de la directive du 20 mai 2015 doit, en tout état de cause, être écarté.

Sur le moyen relatif à l'article 4 de l'ordonnance en ce qu'il modifie l'article L. 561-18 du code monétaire et financier :

6. Aux termes du V de l'article 4 de l'ordonnance attaquée : " Le I de l'article L. 561-19 (du code monétaire et financier) devient l'article L. 561-18 ". Ces dispositions se bornent à renuméroter les dispositions qui figuraient antérieurement au I de l'article L. 561-19 du code monétaire et financier sans y apporter la moindre modification de forme comme de fond. Les dispositions de cet article étant de nature législative, les conclusions de la requête dirigées contre elles ne peuvent qu'être rejetées, le Conseil d'Etat n'étant pas compétent pour en connaitre.

Sur les moyens relatifs à l'article 7 de l'ordonnance en ce qu'il modifie les articles L. 561-36, L. 561-38, L. 561-40, L. 561-41 et L. 561-42 du code monétaire et financier :

7. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. ".

8. Ni le principe de la séparation des pouvoirs, ni aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle ne font obstacle à ce qu'une autorité administrative non soumise au pouvoir hiérarchique du ministre, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission, dès lors que l'exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis. En particulier, doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d'une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle. Doivent également être respectés les principes d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

En ce qui concerne les compétences confiées à la Commission nationale des sanctions :

9. Au termes de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Sont assujettis aux obligations prévues par les dispositions des sections 2 à 7 du présent chapitre : / 9° Les opérateurs de jeux ou de paris autorisés sur le fondement de l'article 5 de la loi du 2 juin 1891, ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, de l'article L. 321-1 et L. 321-3 du code de la sécurité intérieure, de l'article 47 de la loi du 30 juin 1923 portant fixation du budget général de l'exercice 1923, de l'article 9 de la loi du 28 décembre 1931, de l'article 136 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l'exercice 1933 et de l'article 42 de la loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 de finances pour 1985 et leurs représentants légaux et directeurs responsables ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que les opérateurs de casinos sont assujettis aux obligations prévues par les dispositions des sections 2 à 7 du chapitre Ier du titre VI du livre V de la partie législative du code monétaire et financier, c'est-à-dire les articles L. 561-2 à L. 561-44 de ce code.

10. Aux termes de l'article L. 561-37 de ce code, également dans sa rédaction applicable au litige : " Tout manquement aux dispositions des sections 3, 4, 5 et 6 du présent chapitre par les personnes mentionnées aux 8°, 9°, 9° bis, 10°, 11°, 15° et 16° de l'article L. 561-2 peut donner lieu aux sanctions prévues par l'article L. 561-40. ". Aux termes de l'article L. 561-38 du même code dans sa rédaction résultant de l'article 7 de l'ordonnance attaquée : " Il est institué auprès du ministre chargé de l'économie une Commission nationale des sanctions chargée de prononcer les sanctions prévues à l'article L. 561-40. Elle est saisie des manquements constatés lors des contrôles effectués en application de l'article L. 561-36-2 : / (...) 2° Par le ministre de l'intérieur, le ministre chargé de l'économie ou le ministre chargé du budget pour les personnes mentionnées au 9° de l'article L. 561-2 ; (...) ". Par ailleurs, l'article L. 561-40 du même code, également dans sa rédaction résultant de l'article 7 de l'ordonnance attaquée, précise notamment la teneur de ces sanctions administratives et les modalités selon lesquelles la Commission nationale des sanctions peut les prononcer à l'encontre des personnes mentionnées à l'article L. 561-37 du code.

11. Il résulte de ces dispositions que la Commission nationale des sanctions, autorité administrative non soumise au pouvoir hiérarchique du ministre, est chargée de prononcer des sanctions administratives en cas de non respect de leurs obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme par certaines des personnes assujetties à ces obligations en vertu de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, au nombre desquelles les opérateurs de casinos. Or, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la seule circonstance que, aucun autre pouvoir n'ayant été attribué à la Commission, ce pouvoir de sanction ne constitue pas l'accessoire d'une mission de régulation n'est pas de nature, par elle-même, à caractériser une méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs tel que garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le moyen dirigé contre les dispositions des articles L. 561-38 et L. 561-40 du code monétaire et financier dans cette mesure doit donc, en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne la séparation des fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement au sein de la Commission nationale des sanctions :

12. En vertu du IV de l'article L. 561-39 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable en l'espèce, le secrétaire général de la Commission nationale des sanctions " est nommé après avis du président, par arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre de l'intérieur. ". Aux termes de l'article L. 561-41 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 7 de l'ordonnance attaquée : " I. - La Commission nationale des sanctions reçoit les rapports ou les procédures établis à la suite des contrôles effectués par les autorités administratives mentionnées à l'article L. 561-36-2. / II. - Le secrétaire général de la commission notifie les griefs susceptibles d'être retenus par la commission à la personne mise en cause. (...) Dans l'exercice de ces attributions, le secrétaire général de la commission ne peut recevoir aucune instruction. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 561-42 du même code, également dans sa rédaction issue de l'article 7 de l'ordonnance attaquée : " Le président de la Commission nationale des sanctions désigne un rapporteur. Celui-ci ne peut recevoir aucune instruction. La Commission statue par décision motivée, hors la présence du rapporteur de l'affaire. Aucune sanction ne peut être prononcée sans que la personne concernée ou son représentant ait été entendu ou, à défaut, dûment convoqué. ".

13. Il résulte de ces dispositions, ainsi que de celles de l'article L. 561-38 du code monétaire et financier citées au point 10, que la Commission nationale des sanctions ne dispose pas du pouvoir de se saisir d'office, que le secrétaire général de la Commission, qui déclenche les poursuites et notifie les griefs aux personnes mises en cause, est nommé par les ministres compétents et ne peut recevoir aucune instruction à cet égard et que le rapporteur en charge de l'instruction de l'affaire ne participe pas au prononcé éventuel de la sanction. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces dispositions organisent, au sein de la Commission nationale des sanctions, entre les organes chargés des fonctions de poursuite et d'instruction des éventuels manquements, d'une part, et les fonctions de jugement de ces manquements, d'autre part, une séparation suffisante, propre à garantir leur indépendance et leur impartialité. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions des articles L. 561-41 et L. 561-42 méconnaitraient les principes d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen relatif au principe de légalité des délits et des peines :

14. Aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. ". Ces principes s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions pénales mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Toutefois, en dehors du droit pénal, l'exigence d'une définition des infractions sanctionnées se trouve satisfaite, en matière administrative, dès lors que les textes applicables font référence aux obligations auxquelles les intéressés sont soumis en raison de l'activité qu'ils exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent, de l'institution dont ils relèvent ou de leur qualité.

15. D'une part, aux termes de l'article L. 561-32 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. - Les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 mettent en place une organisation et des procédures internes pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, tenant compte de l'évaluation des risques prévue à l'article L. 561-4-1. En tenant compte du volume et de la nature de leur activité ainsi que des risques présentés par les relations d'affaires qu'elles établissent, elles déterminent un profil de la relation d'affaires permettant d'exercer la vigilance constante prévue à l'article L. 561-6. / (...) Elles désignent, en tenant compte de la taille et de la nature de leur activité, une personne occupant une position hiérarchique élevée et possédant une connaissance suffisante de leurs expositions au risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme comme responsable de la mise en oeuvre du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. (...) / II. - Pour veiller au respect des obligations prévues au chapitre I du présent titre, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 mettent également en place des mesures de contrôle interne. / Dans leur politique de recrutement de leur personnel, elles prennent en compte les risques que présentent les personnes au regard de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. / (...). ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 561-34 du même code : " En vue d'assurer le respect des obligations prévues aux chapitres Ier et II du présent titre, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 assurent l'information régulière de leurs personnels. / Dans le même but, elles mettent en place toute action de formation utile. / (...) ".

16. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe aux personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en application de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier de déterminer et de faire connaître à leurs personnels et préposés, en tenant notamment compte de leur niveau hiérarchique et de la nature de leurs fonctions, leurs obligations professionnelles aux fins de contribuer au respect des obligations prévues par le code monétaire et financier en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

17. D'autre part, aux termes de l'article L. 561-36 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'article 7 de l'ordonnance attaquée : " I. - Le contrôle du respect, par les personnes mentionnées à l'article L. 561-2, des obligations prévues aux chapitres Ier et II du présent titre et, le cas échéant, le pouvoir de sanction en cas de non-respect de celles-ci sont assurés : / (...) 14° Par l'autorité administrative compétente telle que désignée par décret en Conseil d'Etat en application de l'article L. 561-36-2, pour les personnes mentionnées aux 8°, 9°, 9 bis, 11° et 15° de l'article L. 561-2 ; (...) / II. - En cas de manquement par une personne mentionnée à l'article L. 561-2 à tout ou partie des obligations lui incombant en vertu du présent titre, l'autorité compétente peut engager à l'égard de cette personne une procédure de sanction. Une telle procédure est engagée dans tous les cas lorsqu'il existe des faits susceptibles de constituer des manquements graves, répétés ou systématiques à ces obligations. En cas de manquement par une personne mentionnée à l'article L. 561-2 à tout ou partie des obligations lui incombant en vertu du présent titre, l'autorité compétente peut également sanctionner les dirigeants de cette personne ainsi que les autres personnes physiques salariées, préposées, ou agissant pour le compte de cette personne, du fait de leur implication personnelle. / (...) ". Par ailleurs, l'article L. 561-40 du même code, également dans sa rédaction résultant de l'article 7 de l'ordonnance attaquée, précise notamment la teneur de ces sanctions administratives et les modalités selon lesquelles la Commission nationale des sanctions peut les prononcer à l'encontre d'une personne mentionnée à l'article L. 561-37 du même code ainsi qu'à l'encontre " des autres personnes physiques salariées, préposées, ou agissant pour le compte de cette personne, du fait de leur implication personnelle " dans les manquements relevés.

18. Il résulte de la combinaison des dispositions rappelées ci-dessus qu'en prévoyant la possibilité de sanctionner " les autres personnes physiques salariées, préposées ou agissant pour le compte " des personnes mentionnées à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier du fait de leur implication personnelle dans des manquements aux obligations en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, les dispositions litigieuses de l'ordonnance attaquée ont seulement pour objet de permettre la sanction des obligations professionnelles pesant sur ces personnes telles qu'elles ont été préalablement définies dans le cadre des procédures internes qui doivent être mises en place en application de l'article L. 561-32 du même code, conformément à ce qui a été dit au point 16. A cet égard, ces dispositions ne sauraient conduire à un constat de manquement et au prononcé d'une sanction que dans l'hypothèse où une obligation professionnelle suffisamment claire a été préalablement définie dans ce cadre de sorte qu'il apparaisse, de façon raisonnablement prévisible par les personnes concernées et en tenant compte de leur qualité et des responsabilités qu'elles exercent, que le comportement litigieux constitue un manquement à ces obligations. Par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions des articles L. 561-36 et L. 561-40 telles qu'issues du I et du VII de l'article 7 de l'ordonnance attaquée ne méconnaissent pas le principe de légalité des délits et des peines.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du syndicat des casinos modernes de France et autres est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat des casinos modernes de France, premier requérant, au Premier ministre et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 411050
Date de la décision : 03/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - CONSTITUTION ET PRINCIPES DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE - PRINCIPE DE LÉGALITÉ DES DÉLITS ET DES PEINES - POSSIBILITÉ DE SANCTIONNER - DU FAIT DE LEUR IMPLICATION DANS DES MANQUEMENTS AUX OBLIGATIONS EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME - LES AUTRES PERSONNES PHYSIQUES SALARIÉES - PRÉPOSÉES OU AGISSANT POUR LE COMPTE DES PERSONNES MENTIONNÉES À L'ARTICLE L - 561-2 DU CMF (ORDONNANCE N° 2016-1635 DU 1ER DÉCEMBRE 2016) - MÉCONNAISSANCE - ABSENCE - DÈS LORS QU'UNE SANCTION NE SAURAIT ÊTRE PRONONCÉE QU'EN PRÉSENCE D'UNE OBLIGATION PROFESSIONNELLE SUFFISAMMENT CLAIRE PRÉALABLEMENT DÉFINIE [RJ1].

01-04-005 En prévoyant la possibilité de sanctionner les autres personnes physiques salariées, préposées ou agissant pour le compte des personnes mentionnées à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier (CMF) du fait de leur implication personnelle dans des manquements aux obligations en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, les dispositions de l'ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 ont seulement pour objet de permettre la sanction des obligations professionnelles pesant sur ces personnes telles qu'elles ont été préalablement définies dans le cadre des procédures internes qui doivent être mises en place en application de l'article L. 561-32 du même code. A cet égard, ces dispositions ne sauraient conduire à un constat de manquement et au prononcé d'une sanction que dans l'hypothèse où une obligation professionnelle suffisamment claire a été préalablement définie dans ce cadre de sorte qu'il apparaisse, de façon raisonnablement prévisible par les personnes concernées et en tenant compte de leur qualité et des responsabilités qu'elles exercent, que le comportement litigieux constitue un manquement à ces obligations. Par suite, les dispositions des articles L. 561-36 et L. 561-40 du CMF, telles qu'issues de cette ordonnance, ne méconnaissent pas le principe de légalité des délits et des peines.

CAPITAUX - MONNAIE - BANQUES - SANCTION DES MANQUEMENTS AUX OBLIGATIONS PROFESSIONNELLES EN LA MATIÈRE - POSSIBILITÉ DE SANCTIONNER LES AUTRES PERSONNES PHYSIQUES SALARIÉES - PRÉPOSÉES OU AGISSANT POUR LE COMPTE DES PERSONNES MENTIONNÉES À L'ARTICLE L - 561-2 DU CMF (ORDONNANCE N° 2016-1635 DU 1ER DÉCEMBRE 2016) - MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE DE LÉGALITÉ DES DÉLITS ET DES PEINES - ABSENCE - DÈS LORS QU'UNE SANCTION NE SAURAIT ÊTRE PRONONCÉE QU'EN PRÉSENCE D'UNE OBLIGATION PROFESSIONNELLE SUFFISAMMENT CLAIRE PRÉALABLEMENT DÉFINIE [RJ1].

13-07 En prévoyant la possibilité de sanctionner les autres personnes physiques salariées, préposées ou agissant pour le compte des personnes mentionnées à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier (CMF) du fait de leur implication personnelle dans des manquements aux obligations en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, les dispositions de l'ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 ont seulement pour objet de permettre la sanction des obligations professionnelles pesant sur ces personnes telles qu'elles ont été préalablement définies dans le cadre des procédures internes qui doivent être mises en place en application de l'article L. 561-32 du même code. A cet égard, ces dispositions ne sauraient conduire à un constat de manquement et au prononcé d'une sanction que dans l'hypothèse où une obligation professionnelle suffisamment claire a été préalablement définie dans ce cadre de sorte qu'il apparaisse, de façon raisonnablement prévisible par les personnes concernées et en tenant compte de leur qualité et des responsabilités qu'elles exercent, que le comportement litigieux constitue un manquement à ces obligations. Par suite, les dispositions des articles L. 561-36 et L. 561-40 du CMF, telles qu'issues de cette ordonnance, ne méconnaissent pas le principe de légalité des délits et des peines.

RÉPRESSION - DOMAINE DE LA RÉPRESSION ADMINISTRATIVE RÉGIME DE LA SANCTION ADMINISTRATIVE - BIEN-FONDÉ - SANCTION DES MANQUEMENTS AUX OBLIGATIONS EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME - POSSIBILITÉ DE SANCTIONNER LES AUTRES PERSONNES PHYSIQUES SALARIÉES - PRÉPOSÉES OU AGISSANT POUR LE COMPTE DES PERSONNES MENTIONNÉES À L'ARTICLE L - 561-2 DU CMF (ORDONNANCE N° 2016-1635 DU 1ER DÉCEMBRE 2016) - MÉCONNAISSANCE DU PRINCIPE DE LÉGALITÉ DES DÉLITS ET DES PEINES - ABSENCE - DÈS LORS QU'UNE SANCTION NE SAURAIT ÊTRE PRONONCÉE QU'EN PRÉSENCE D'UNE OBLIGATION PROFESSIONNELLE SUFFISAMMENT CLAIRE PRÉALABLEMENT DÉFINIE [RJ1].

59-02-02-03 En prévoyant la possibilité de sanctionner les autres personnes physiques salariées, préposées ou agissant pour le compte des personnes mentionnées à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier (CMF) du fait de leur implication personnelle dans des manquements aux obligations en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, les dispositions de l'ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 ont seulement pour objet de permettre la sanction des obligations professionnelles pesant sur ces personnes telles qu'elles ont été préalablement définies dans le cadre des procédures internes qui doivent être mises en place en application de l'article L. 561-32 du même code. A cet égard, ces dispositions ne sauraient conduire à un constat de manquement et au prononcé d'une sanction que dans l'hypothèse où une obligation professionnelle suffisamment claire a été préalablement définie dans ce cadre de sorte qu'il apparaisse, de façon raisonnablement prévisible par les personnes concernées et en tenant compte de leur qualité et des responsabilités qu'elles exercent, que le comportement litigieux constitue un manquement à ces obligations. Par suite, les dispositions des articles L. 561-36 et L. 561-40 du CMF, telles qu'issues de cette ordonnance, ne méconnaissent pas le principe de légalité des délits et des peines.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, 8 février 2011, Banque d'Orsay et autres, n° 322786, T. p. 788.


Publications
Proposition de citation : CE, 03 oct. 2018, n° 411050
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Airelle Niepce
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:411050.20181003
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