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01/10/2018 | FRANCE | N°408594

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 01 octobre 2018, 408594


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Hermitage a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009 ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1428909 du 28 octobre 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15PA04121 du 30 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Hermitage contre ce

jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en répliqu...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Hermitage a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009 ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1428909 du 28 octobre 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15PA04121 du 30 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Hermitage contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 mars et 5 juin 2017 et le 9 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Hermitage demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Hermitage ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SNC Les Locataires, qui relève de l'article 8 du code général des impôts, a comptabilisé au titre de l'exercice clos en 2009 une provision pour dépréciation de ses stocks. A l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, l'administration a remis en cause la déduction de cette provision à hauteur de 3 838 455 euros et a assujetti la société Hermitage, en sa qualité d'associée de la SNC Les Locataires, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2009. La société Hermitage a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de cette imposition supplémentaire et des intérêts de retard correspondants. Le tribunal administratif a rejeté sa demande par un jugement du 28 octobre 2015. La cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement par un arrêt du 30 décembre 2016. La société se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) Les provisions pour pertes afférentes à des opérations en cours à la clôture d'un exercice ne sont déductibles des résultats de cet exercice qu'à concurrence de la perte qui est égale à l'excédent du coût de revient des travaux exécutés à la clôture du même exercice sur le prix de vente de ces travaux compte tenu des révisions contractuelles certaines à cette date. S'agissant des produits en stock à la clôture d'un exercice, les dépenses non engagées à cette date en vue de leur commercialisation ultérieure ne peuvent, à la date de cette clôture, être retenues pour l'évaluation de ces produits en application des dispositions du 3 de l'article 38, ni faire l'objet d'une provision pour perte ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 38 ter de l'annexe III au code général des impôts : " Le stock est constitué par l'ensemble des marchandises, des matières premières, des matières et fournitures consommables, des productions en cours, des produits récupérés, qui sont la propriété de l'entreprise à la date de l'inventaire et dont la vente en l'état ou au terme d'un processus de production à venir ou en cours permet la réalisation d'un bénéfice d'exploitation. Les productions en cours sont les biens ou les services en cours de formation au travers d'un processus de production ". Aux termes de l'article 38 nonies de cette annexe : " Les marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, emballages perdus, produits en stock et productions en cours au jour de l'inventaire sont évalués pour leur coût de revient (...) ". Enfin, aux termes de l'article 38 decies de la même annexe : " Si le cours à la date de l'inventaire des marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, produits intermédiaires, produits finis et emballages commerciaux perdus en stock au jour de l'inventaire est inférieur au coût de revient défini à l'article 38 nonies, l'entreprise doit constituer, à due concurrence, des provisions pour dépréciation ".

4. Il résulte de ces dispositions que, si les éléments du stock proprement dit peuvent, le cas échéant, être évalués d'après le cours du jour et leur éventuelle dépréciation être constatée par une provision égale à la différence entre le prix de revient et le cours du jour, les productions en cours doivent être évaluées à leur seul prix de revient et ne peuvent éventuellement donner lieu qu'à une provision pour perte conformément au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SNC Les Locataires, qui a été créée le 9 octobre 2007 avec pour objet social la promotion immobilière, a acquis dès l'année de sa création un terrain et des immeubles pour réaliser un projet immobilier dénommé Hermitage Plaza, consistant à édifier deux tours sur le site de Paris La Défense. Elle a inscrit ce terrain et ces immeubles ainsi que les frais financiers engagés pour leur acquisition dans un compte 33 intitulé " en-cours de production de produits et de travaux ". Devant le retard pris pour la réalisation de ce projet immobilier en raison de la multiplication des procédures contentieuses et des difficultés d'obtention des autorisations administratives nécessaires à sa réalisation, la SNC Les Locataires a estimé que le terrain et les immeubles qu'elle avait acquis avaient subi une dépréciation importante et a déduit au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2009 une provision pour dépréciation des stocks correspondant au montant cumulé des frais financiers engagés depuis sa création, représentés par les intérêts comptabilisés sur les avances en compte courant consenties par son actionnaire majoritaire et par les frais de portage dus à celui-ci.

6. Après avoir relevé que la SNC Les Locataires avait pour objet social la promotion immobilière, qu'elle n'avait pas renoncé à l'opération immobilière initialement projetée, pour laquelle elle avait été spécialement constituée, et qu'à la date de la clôture de l'exercice 2009, elle avait déposé les demandes de permis de démolir les bâtiments existants et les dossiers de demande de permis de construire, la cour a pu, sans erreur de qualification juridique, juger que les biens litigieux constituaient des productions en cours, alors même que les immeubles étaient encore occupés par leurs locataires et que la société n'avait pas encore obtenu les autorisations demandées. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que la cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant que ces biens devaient être évalués pour leur prix de revient, sans pouvoir faire l'objet de provision pour dépréciation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Hermitage ne peut qu'être rejeté. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Hermitage est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Hermitage et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 408594
Date de la décision : 01/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-04-02-01-04-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX. DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET. PROVISIONS. - PROVISIONS POUR DÉPRÉCIATION DE STOCKS - 1) PRINCIPE - DISTINCTION ENTRE LES ÉLÉMENTS DU STOCK PROPREMENT DIT, DONT LA DÉPRÉCIATION PEUT ÊTRE CONSTATÉE PAR UNE PROVISION ÉGALE À LA DIFFÉRENCE ENTRE LE PRIX DE REVIENT ET LE COURS DU JOUR, ET LES PRODUCTIONS EN COURS, QUI NE PEUVENT DONNER LIEU QU'À UNE PROVISION POUR PERTE - 2) ESPÈCE - SOCIÉTÉ AFFECTANT DES BIENS À LA RÉALISATION D'UNE OPÉRATION IMMOBILIÈRE, EN VUE DE LAQUELLE DES DÉMARCHES ADMINISTRATIVES ONT ÉTÉ ENGAGÉES - BIENS CONSTITUANT DES PRODUCTIONS EN COURS, NE POUVANT FAIRE L'OBJET D'UNE PROVISION POUR DÉPRÉCIATION.

19-04-02-01-04-04 1) Il résulte des articles 39 du code général des impôts et 38 ter et 38 nonies de l'annexe III à ce code que, si les éléments du stock proprement dit peuvent, le cas échéant, être évalués d'après le cours du jour et leur éventuelle dépréciation être constatée par une provision égale à la différence entre le prix de revient et le cours du jour, les productions en cours doivent être évaluées à leur seul prix de revient et ne peuvent donner lieu éventuellement qu'à une provision pour perte conformément au 5° du 1 de l'article 39 de ce code.,,2) Société ayant pour objet social la promotion immobilière, n'ayant pas renoncé à l'opération immobilière initialement projetée, pour laquelle elle avait été spécialement constituée, et ayant déposé, à la date de la clôture de l'exercice, les demandes de permis de démolir les bâtiments existants et les dossiers de demande de permis de construire. La cour a pu, sans erreur de qualification juridique, juger que les biens litigieux constituaient des productions en cours, alors même que les immeubles étaient encore occupés par leurs locataires et que la société n'avait pas encore obtenu les autorisations demandées. La cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant que ces biens devaient être évalués pour leur prix de revient, sans pouvoir faire l'objet de provision pour dépréciation.


Publications
Proposition de citation : CE, 01 oct. 2018, n° 408594
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Isidoro
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:408594.20181001
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