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28/09/2018 | FRANCE | N°410898

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 28 septembre 2018, 410898


Vu la procédure suivante :

La société Mefro Wheels France a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties et de la cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012 dans les rôles de la commune de la Chapelle-Saint-Luc (Aube). Par un jugement n° 1402196 du 16 décembre 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête.

Par un arrêt n° 16NC00042 du 23 mars 2017, la cour administrative d'appel de

Nancy a prononcé un non-lieu à statuer partiel sur les conclusions de l'appel fo...

Vu la procédure suivante :

La société Mefro Wheels France a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties et de la cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012 dans les rôles de la commune de la Chapelle-Saint-Luc (Aube). Par un jugement n° 1402196 du 16 décembre 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête.

Par un arrêt n° 16NC00042 du 23 mars 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a prononcé un non-lieu à statuer partiel sur les conclusions de l'appel formé par la société contre ce jugement et a rejeté le surplus de ces conclusions.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mai et 25 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Mefro Wheels France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 3 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Janicot, auditeur,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de Mefro Wheels France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Mefro Wheels France a été assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2012, à raison d'un immeuble dont elle est propriétaire, dans les rôles de la commune de la Chapelle-Saint-Luc (Aube). Par un jugement du 16 décembre 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à prononcer la décharge des cotisations correspondantes. La société Mefro Wheels France a relevé appel de ce jugement. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 mars 2017, en tant qu'après avoir prononcé un non-lieu à statuer partiel, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté, à l'article 3, le surplus de ses conclusions d'appel.

Sur la cotisation foncière des entreprises de l'année 2012 :

3. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période (...) ". Aux termes de l'article 1382 du même code : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 (...) ". Aux termes de l'article 1381 du même code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation (...) ". Les bâtiments mentionnés au 1° de l'article 1381 comprennent également les aménagements faisant corps avec eux.

4. En premier lieu, pour juger que les éléments de chaufferie de l'immeuble litigieux ne pouvaient pas être exclus des bases imposables à la cotisation foncière des entreprises mises à la charge de la société Mefro Wheels France, la cour administrative d'appel de Nancy a estimé qu'ils constituaient des aménagements faisant corps avec les bâtiments. La cour a ainsi repris la condition posée par le 1° de l'article 1381 du code général des impôts, nonobstant la circonstance qu'elle s'est également référée, par ailleurs, au 11° de l'article 1382. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour a omis de statuer et dénaturé les écritures de la requérante, qui se prévalait du 1° de l'article 1381, doit être écarté.

5. En second lieu, dans ses écritures d'appel, la société requérante mentionnait, au titre des installations électriques, d'une part trois " cellules disjoncteurs ", d'une valeur de 93 372 euros et, d'autre part, une installation " grande boucle " composée d'un répartiteur d'une valeur de 55 774 euros ainsi que d'un " adaptateur circuit 15 000 volts " d'une valeur de 271 851 euros. Il ressort des termes de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Nancy a estimé, s'agissant des " cellules disjoncteurs " et du répartiteur, qu'il n'y avait plus lieu, en conséquence d'un avis de dégrèvement du 9 janvier 2017, de statuer sur les conclusions de la requête relatives à ces installations. Elle ne s'est, en revanche, pas prononcée sur l'" adaptateur circuit 15 000 volts " qui n'était pas exclu des bases imposables par l'avis précité. La société Mefro Wheels France est, dès lors, fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il est entaché de cette omission de statuer en ce qui concerne la cotisation foncière des entreprises de l'année 2012.

Sur la taxe foncière sur les propriétés bâties de l'année 2012 :

7. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " ( ...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ; / (...) Par dérogation aux dispositions qui précèdent, en cas de connexité avec un litige susceptible d'appel, les décisions portant sur les actions mentionnées au 8° peuvent elles-mêmes faire l'objet d'un appel. Il en va de même pour les décisions statuant sur les recours en matière de taxe foncière lorsqu'elles statuent également sur des conclusions relatives à cotisation foncière des entreprises, à la demande du même contribuable, et que les deux impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges concernant la taxe foncière, les jugements relatifs à cette taxe peuvent toutefois faire l'objet d'un appel devant la cour administrative d'appel lorsque le premier juge a statué par un seul jugement, d'une part, sur des conclusions relatives à la taxe foncière, d'autre part, sur des conclusions relatives à la cotisation foncière des entreprises à la demande du même contribuable, et que ces impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année.

8. Aux termes de l'article 1467 A du code général des impôts : " Sous réserve des II, III IV et VI de l'article 1478, la période de référence retenue pour déterminer les bases de cotisation foncière des entreprises est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile ".

9. La cour administrative d'appel de Nancy a, par son arrêt du 23 mars 2017, statué en appel sur les conclusions de la société Mefro Wheels France relatives, d'une part, à la taxe foncière sur les propriétés bâties et, d'autre part, à la cotisation foncière des entreprises, pour la même année 2012 et pour la même commune de la Chapelle-Saint-Luc, alors que la valeur locative des biens sur lesquels reposent ces impositions n'était pas appréciée la même année. Il résulte de ce qui précède que la cour administrative d'appel de Nancy n'était pas compétente pour statuer sur les conclusions relatives à la taxe foncière sur les propriétés bâties. Par suite, l'article 3 de son arrêt doit être annulé dans cette mesure.

10. Il y a lieu de regarder les conclusions relatives aux cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties restant en litige présentées devant la cour comme des conclusions de cassation dirigées contre le jugement du 16 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de la société Mefro Wheels France à ce titre.

11. D'une part, après avoir estimé que les sols techniques servent seulement de support à une ligne de production de roues, sans être des outillages et matériels techniques directement intégrés aux installations de production, le tribunal administratif a exactement qualifié les faits et n'a entaché son jugement, ni d'erreur de droit, ni de contradiction de motifs, en jugeant que, malgré les adaptations dont ils ont fait l'objet, ces sols présentaient le caractère d'ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation au sens du 1° de l'article 1381 du code général des impôts.

12. D'autre part, les moyens tirés de ce que les éléments de chaufferie et l'" adaptateur circuit 15 000 volts " ne relèveraient pas des dispositions du 1° de l'article 1381 du code général des impôts, n'ont pas été invoqués en première instance et, n'étant pas d'ordre public, sont inopérants en cassation.

13. Il résulte de ce qui précède que la société Mefro Wheels France n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qu'elle attaque.

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Mefro Wheels France d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 3 de l'arrêt n° 16NC00042 du 23 mars 2017 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé en tant qu'il porte, d'une part, sur la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année 2012 et, d'autre part, sur l'exclusion de l'adaptateur circuit 15 000 volts de la valeur locative servant de base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises au titre de la même année.

Article 2 : Le pourvoi de la société Mefro Wheels France contre le jugement n° 1401296 du 16 décembre 2015 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en tant qu'il statue sur les conclusions relatives à la taxe foncière sur les propriétés bâtis de l'année 2012, est rejeté.

Article 3 : L'affaire est renvoyée, en tant qu'elle porte sur la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année 2012, à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 4 : L'Etat versera à la société Mefro Wheels France une somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société Mefro Wheels France est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Mefro Wheels France et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 410898
Date de la décision : 28/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 sep. 2018, n° 410898
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thomas Janicot
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:410898.20180928
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