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28/09/2018 | FRANCE | N°409311

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 28 septembre 2018, 409311


Vu les procédures suivantes :

1° La société par actions simplifiée Valnor a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation de taxe sur les déchets réceptionnés en 2011 dans son installation d'incinération de déchets ménagers mise à sa charge par la commune d'Halluin (Nord). Par un jugement n° 1506933 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Lille a fait droit à cette demande.

Par une ordonnance n° 16DA02199 du 20 mars 2017, enregistrée le 27 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président

de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat, en app...

Vu les procédures suivantes :

1° La société par actions simplifiée Valnor a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation de taxe sur les déchets réceptionnés en 2011 dans son installation d'incinération de déchets ménagers mise à sa charge par la commune d'Halluin (Nord). Par un jugement n° 1506933 du 20 septembre 2016, le tribunal administratif de Lille a fait droit à cette demande.

Par une ordonnance n° 16DA02199 du 20 mars 2017, enregistrée le 27 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi formé par la commune d'Halluin contre ce jugement, enregistré au greffe de cette cour le 22 novembre 2016.

Sous le n° 409311, par ce pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 9 mai 2017, la commune d'Halluin demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par la société Valnor devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de la société Valnor la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° La société Valnor a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation de taxe sur les déchets réceptionnés en 2011 dans son installation d'incinération de déchets ménagers mise à sa charge par la commune d'Halluin (Nord). Par une ordonnance n° 1300665 du 27 juin 2016, le président du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande comme irrecevable.

Par une ordonnance n° 16DA01564 du 20 mars 2017, enregistrée le 27 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré au greffe de cette cour le 1er septembre 2016, présenté par la société Valnor.

Sous le n° 409312, par ce pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 juin 2017, la société Valnor demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande présentée devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Halluin la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la Commune d'Halluin et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Valnor.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Valnor exploite sur le territoire de la commune d'Halluin (Nord), dans le cadre de l'exécution de la délégation de service public conclue à cette fin avec la communauté urbaine de Lille Métropole, une usine d'incinération de déchets ménagers. Par une délibération du 21 avril 2011, le conseil municipal de la commune d'Halluin a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2333-92 du code général des collectivités territoriales, instauré une taxe sur les déchets réceptionnés par cette usine d'incinération, et a fixé le taux de cette dernière à 1,5 euro par tonne de déchets. Sur le fondement de cette délibération, un titre de recettes a été émis à l'encontre de la société Valnor le 25 juin 2012 pour un montant de 544 516,50 euros, correspondant à la taxe due à raison des déchets réceptionnés au cours de l'année 2011. Par courrier du 26 septembre 2012, le centre des finances publiques d'Halluin a mis en demeure la société de régler cette somme et, par un courrier du 29 novembre 2012, le comptable public a délivré une opposition à tiers détenteur afin d'assurer le recouvrement de la somme due par la société. Par une ordonnance du 27 juin 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté comme irrecevable une première demande de décharge présentée par la société Valnor, en raison de l'absence de réclamation préalable. La société Valnor demande, sous le n° 409312, l'annulation de cette ordonnance. La nouvelle demande en décharge que cette société a, après avoir formé une telle réclamation, présentée à ce tribunal a, en revanche, été accueillie par ce dernier, par un jugement du 20 septembre 2016. Sous le n° 409311, la commune d'Halluin demande l'annulation de ce jugement. Ces pourvois présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur la compétence du Conseil d'Etat :

2. En vertu du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort " sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ". Pour l'application de ces dispositions, doit être regardé comme un impôt local tout impôt dont le produit, pour l'année d'imposition en cause, est majoritairement affecté aux collectivités territoriales, à leurs groupements ou aux établissements publics qui en dépendent.

3. La taxe sur les déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés constitue, du fait de l'affectation de son produit aux communes, un impôt local au sens du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, sans qu'aient d'incidence à cet égard les dispositions du V de l'article L. 2333-95 du code général des collectivités territoriales qui prévoient que les réclamations relatives à cette taxe " sont présentées, instruites et jugées comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires ". Le tribunal administratif statue donc en premier et dernier ressort sur les litiges relatifs à cette taxe. Par suite, le Conseil d'Etat est compétent pour connaître des pourvois formés par la commune d'Halluin et par la société Valnor.

Sur le pourvoi n° 409311 :

4. Aux termes de l'article L. 2333-92 du code général des collectivités territoriales : " Toute commune peut, par délibération du conseil municipal, établir une taxe sur les déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés, soumise à la taxe générale sur les activités polluantes visée à l'article 266 sexies du code des douanes, ou d'incinération de déchets ménagers, installée sur son territoire et non exclusivement utilisée pour les déchets produits par l'exploitant. La taxe est due par l'exploitant de l'installation au 1er janvier de l'année d'imposition (...) ". L'article L. 2333-93 du même code dispose que " La taxe est assise sur le tonnage de déchets réceptionnés dans l'installation ", tandis que l'article L. 2333-94 de ce code prévoit que : " Une délibération du conseil municipal, prise avant le 15 octobre de l'année précédant celle de l'imposition, fixe le tarif de la taxe, plafonné à 1,5 euro la tonne entrant dans l'installation ". Enfin, aux termes de l'article L. 2333-95 du même code : " (...) II. - Les redevables mentionnés liquident et acquittent la taxe due au titre d'une année civile sur une déclaration annuelle. Cette déclaration est transmise à la commune qui l'a instaurée au plus tard le 10 avril de l'année qui suit celle au cours de laquelle le fait générateur est intervenu. Elle est accompagnée du paiement de la taxe due (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une commune adopte, avant le 15 octobre d'une année civile, une délibération instituant la taxe sur les déchets réceptionnés dans une installation de stockage ou d'incinération de déchets ménagers, cette taxe n'est instaurée dans la commune qu'à compter du 1er janvier de l'année suivante, qui constitue la première année d'imposition. Les sociétés exploitant à cette date de telles installations sur le territoire de la commune ne sont, dès lors, redevables de cette taxe qu'à compter de cette année, sur la base d'une assiette constituée du tonnage des déchets réceptionnés dans l'installation au cours de celle-ci. La taxe est ensuite déclarée et réglée, conformément aux dispositions de l'article L. 2333-95 du code général des collectivités territoriales citées ci-dessus, au plus tard le 10 avril de l'année suivant celle de l'imposition.

5. Pour juger que la société Valnor était fondée à solliciter la décharge de la taxe à laquelle elle a été assujettie par la commune d'Halluin, le tribunal administratif de Lille a estimé, après avoir relevé que le conseil municipal d'Halluin avait adopté, le 21 avril 2011, une délibération instaurant la taxe sur les déchets ménagers, que cette société n'était redevable de cette taxe qu'à compter du 1er janvier 2013, sur les déchets réceptionnés en 2012. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que la taxe est assise sur le tonnage des déchets réceptionnés par le redevable au cours de l'année au titre de laquelle cette taxe est due, qui est l'année d'imposition, et non de ceux réceptionnés au cours de l'année précédente. Il s'ensuit que le tribunal administratif de Lille a entaché son jugement d'une erreur de droit et que la commune d'Halluin est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à en demander l'annulation pour ce motif.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. En premier lieu, la commune d'Halluin fait valoir que la société Valnor est dépourvue d'intérêt à agir dès lors que la somme dont elle sollicite la décharge a été recouvrée par voie d'avis à tiers détenteur. Toutefois, la circonstance que la créance fiscale en cause ait fait l'objet d'un recouvrement forcé n'est pas de nature à priver d'intérêt à agir le redevable qui en conteste le bien-fondé.

8. En second lieu, la commune d'Halluin soutient que la société Valnor serait dépourvue d'intérêt à agir dès lors que, par un avenant n° 27 à la convention de délégation de service public conclue entre cette société et la communauté urbaine de Lille Métropole, l'autorité délégante a accepté de rembourser à la société la somme de 509 487,36 euros correspondant au montant de la taxe due par la société Valnor sur les déchets réceptionnés en 2012. Toutefois, la circonstance que l'autorité délégante, en vertu des stipulations du contrat de délégation de service public, rembourse au délégataire le montant de la taxe due par ce dernier, n'est, en tout état de cause, pas non plus de nature à priver ce délégataire d'intérêt à contester devant le juge de l'impôt la taxe dont il est légalement redevable.

9. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Valnor ne peut qu'être écartée.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 ci-dessus que la taxe sur les déchets réceptionnés n'a été instituée dans la commune qu'à compter du 1er janvier 2012. Si la société Valnor, qui exploitait à cette date une installation d'incinération de déchets ménagers, était, dès lors, redevable, au titre de l'année 2012, de cette taxe, cette dernière ne pouvait être assise que sur le tonnage des déchets réceptionnés par son installation au cours de l'année 2012. La taxe due au titre de cette année devait être déclarée puis payée, par application de l'article L. 2333-95 du code général des collectivités territoriales, avant le 10 avril 2013. Il résulte de l'instruction que la commune d'Halluin a, toutefois, par le titre de recettes du 25 juin 2012, mis à la charge de la société Valnor une cotisation, d'un montant de 544 516,50 euros, correspondant à la taxe due sur les déchets réceptionnés en 2011, année au titre de laquelle la société n'était pas redevable de cette taxe. Il s'ensuit que la société Valnor est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, à demander la décharge de la cotisation de taxe en litige.

Sur le pourvoi n° 409312 :

11. Il résulte de la décharge prononcée au point 10 ci-dessus que la demande de la société Valnor que le tribunal administratif a rejetée par l'ordonnance du 27 juin 2016 a perdu son objet. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur le pourvoi formé par cette société sous le n° 409312.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la société Valnor, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune d'Halluin, pour l'ensemble de la procédure, la somme globale de 4 000 euros à verser à la société Valnor au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 20 septembre 2016 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La société Valnor est déchargée de la taxe sur les déchets ménagers réceptionnés dans son installation d'incinération au cours de l'année 2011, mise à sa charge par la commune d'Halluin.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi présenté par la société Valnor sous le n° 409312.

Article 4 : La commune d'Halluin versera à la société Valnor la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune d'Halluin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tant devant le tribunal administratif de Lille que devant le Conseil d'Etat, sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Halluin et à la société Valnor.

Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 409311
Date de la décision : 28/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-06 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES. TAXES OU REDEVANCES LOCALES DIVERSES. - TAXE SUR LES DÉCHETS RÉCEPTIONNÉS DANS UNE INSTALLATION DE STOCKAGE OU D'INCINÉRATION DE DÉCHETS MÉNAGERS (ART. L. 2333-92 DU CGCT) - PREMIÈRE ANNÉE D'IMPOSITION - ANNÉE SUIVANT CELLE DE L'ADOPTION DE LA DÉLIBÉRATION INSTITUANT LA TAXE - DÉCLARATION ET RÈGLEMENT DE LA TAXE - AU PLUS TARD LE 10 AVRIL DE L'ANNÉE SUIVANT CELLE DE L'IMPOSITION.

19-03-06 Il résulte des articles L. 2333-92 à L. 2333-95 du code général des collectivités territoriales (CGCT) que, lorsqu'une commune adopte, avant le 15 octobre d'une année civile, une délibération instituant la taxe sur les déchets réceptionnés dans une installation de stockage ou d'incinération de déchets ménagers, cette taxe n'est instaurée dans la commune qu'à compter du 1er janvier de l'année suivante, qui constitue la première année d'imposition. Les sociétés exploitant à cette date de telles installations sur le territoire de la commune ne sont, dès lors, redevables de cette taxe qu'à compter de cette année, sur la base d'une assiette constituée du tonnage des déchets réceptionnés dans l'installation au cours de celle ci. La taxe est ensuite déclarée et réglée, conformément à l'article L. 2333-95 du CGCT, au plus tard le 10 avril de l'année suivant celle de l'imposition.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 sep. 2018, n° 409311
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Agnoux
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:409311.20180928
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