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26/09/2018 | FRANCE | N°406169

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 26 septembre 2018, 406169


Vu la procédure suivante :

La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Somme ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 décembre 2012 par lequel le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet coordonnateur du bassin Artois-Picardie, a délimité les zones vulnérables à la pollution par les nitrates d'origine agricole dans le bassin Artois-Picardie. Par un jugement n° 1301221 du 18 juin 2015, le tribunal admin

istratif a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 15DA01439 du 14 octobre 2...

Vu la procédure suivante :

La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Somme ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 décembre 2012 par lequel le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet coordonnateur du bassin Artois-Picardie, a délimité les zones vulnérables à la pollution par les nitrates d'origine agricole dans le bassin Artois-Picardie. Par un jugement n° 1301221 du 18 juin 2015, le tribunal administratif a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 15DA01439 du 14 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Douai, saisie par la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, a annulé ce jugement et rejeté la demande de la FDSEA de la Somme.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 décembre 2016 et 21 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la FDSEA de la Somme demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance et d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai qu'elle attaque est entaché d'une erreur de droit et d'une dénaturation des pièces du dossier en ce qu'il écarte le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la circulaire du 22 décembre 2011 relative au réexamen de la liste des zones vulnérables au titre de la directive n° 91/676/CEE du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, dite " directive nitrates ", alors qu'en imposant la méthode dite du percentile 90, règle nouvelle qui n'est prévue par aucun texte, cette circulaire présentait un caractère impératif et était entachée d'incompétence, et que le moyen tiré de l'exception d'illégalité était donc fondé.

Par un mémoire, enregistré le 4 décembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire s'en remet à la sagesse du Conseil d'Etat.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 91/676/ CEE, du Conseil, du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laure Durand-Viel, auditeur,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles de la Somme ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 211-75 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Il est dressé un inventaire des zones dites vulnérables qui contribuent à la pollution des eaux par le rejet direct ou indirect de nitrates et d'autres composés azotés susceptibles de se transformer en nitrates d'origine agricole. / Sont désignées comme vulnérables, compte tenu notamment des caractéristiques des terres et des eaux ainsi que de l'ensemble des données disponibles sur la teneur en nitrate des eaux, les zones qui alimentent les eaux définies à l'article R. 211-76 ". L'article R. 211-76 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, dispose que : " I. - Pour la désignation des zones vulnérables, sont définies comme atteintes par la pollution : / 1° Les eaux souterraines et les eaux douces superficielles, notamment celles servant au captage d'eau destinée à la consommation humaine, dont la teneur en nitrate est supérieure à 50 milligrammes par litre ; (...) / II. Pour la désignation des zones vulnérables, sont définies comme menacées par la pollution : / 1° Les eaux souterraines et les eaux douces superficielles, notamment celles servant au captage d'eau destinée à la consommation humaine, dont la teneur en nitrate est comprise entre 40 et 50 milligrammes par litre et montre une tendance à la hausse ; (...) ". Aux termes de l'article R. 211-77 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Le préfet coordonnateur de bassin élabore, avec le concours des préfets de département, à partir des résultats obtenus par le programme de surveillance de la teneur des eaux en nitrates d'origine agricole et de toute autre donnée disponible, un projet de délimitation des zones vulnérables en concertation avec les organisations professionnelles agricoles, des représentants des usagers de l'eau, des communes et de leurs groupements, des personnes publiques ou privées qui concourent à la distribution de l'eau, des associations agréées de protection de l'environnement intervenant en matière d'eau et des associations de consommateurs. / Le préfet coordonnateur de bassin transmet le projet de délimitation des zones vulnérables aux préfets intéressés qui consultent les conseils généraux et les conseils régionaux et, en Corse, la collectivité territoriale, ainsi que les conseils départementaux de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques et les chambres d'agriculture. / Le préfet coordonnateur de bassin arrête la délimitation des zones vulnérables après avis du comité de bassin. (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 28 décembre 2012, le préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, préfet coordonnateur du bassin Artois-Picardie, a délimité les zones vulnérables à la pollution par les nitrates d'origine agricole dans le bassin Artois-Picardie. Par un jugement du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté. Par un arrêt du 14 octobre 2016, contre lequel la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Somme se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement et rejeté la demande de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et de la FDSEA de la Somme.

3. D'une part, l'interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions, l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief. En revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger. Le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ou si, alors même qu'elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu'elles sont illégales pour d'autres motifs. Il en va de même s'il est soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter soit méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure.

4. D'autre part, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale.

5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, par une circulaire du 22 décembre 2011 relative au réexamen de la liste des zones vulnérables au titre de la directive n° 91/676/ CEE du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, dite " directive nitrates ", le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement a prescrit aux préfets concernés, au paragraphe 3 de son annexe technique intitulée " Instructions pour réviser les zones vulnérables ", d'utiliser la méthode du " percentile 90 " pour identifier les valeurs des concentrations en nitrates pertinentes. Ces dispositions de la circulaire, qui imposent aux services l'usage d'une méthode qui n'est prévue par aucun texte afin de déterminer les zones vulnérables à la pollution, présentent un caractère réglementaire. Le ministre ne tenant d'aucun texte le pouvoir d'édicter de telles règles, le paragraphe 3 de l'annexe est, dans cette mesure, entaché d'incompétence. Il suit de là qu'en jugeant que la circulaire n'avait pas été prise par une autorité incompétente et que, par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la circulaire dont l'arrêté litigieux faisait application devait être écarté, la cour a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que la FDSEA de la Somme est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la FDSEA de la Somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 14 octobre 2016 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.

Article 3 : L'Etat versera à la FDSEA de la Somme la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de la Somme et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 406169
Date de la décision : 26/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 sep. 2018, n° 406169
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laure Durand-Viel
Rapporteur public ?: Mme Julie Burguburu
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:406169.20180926
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