La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/09/2018 | FRANCE | N°413499

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 19 septembre 2018, 413499


Vu la procédure suivante :

La société de propreté et d'environnement de Normandie (SPEN) a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge ou, subsidiairement, la réduction des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 à raison de son établissement d'Eroudeville (Manche). Par un jugement n° 1502460 du 28 juin 2017, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 août et 20 novembre 2017

au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SPEN demande au Conseil d'Etat...

Vu la procédure suivante :

La société de propreté et d'environnement de Normandie (SPEN) a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge ou, subsidiairement, la réduction des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 à raison de son établissement d'Eroudeville (Manche). Par un jugement n° 1502460 du 28 juin 2017, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 août et 20 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SPEN demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emmanuelle Petitdemange, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société de propreté et d'environnement de Normandie.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société de propreté et d'environnement de Normandie (SPEN) exploite un centre de tri et de valorisation des déchets et un centre de stockage de déchets ultimes non dangereux sur le territoire des communes d'Eroudeville, Le Ham et Ecausseville (Manche). Elle s'est vue notifier des rehaussements en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2013 et 2014 à raison de son établissement d'Eroudeville. Ses réclamations contentieuses du 11 octobre 2013 et 24 décembre 2014 ont été rejetées par une décision du 15 octobre 2015. La SPEN se pourvoit en cassation contre le jugement du 28 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

2. Aux termes de l'article 1400 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I. Sous réserve des dispositions des articles 1403 et 1404, toute propriété, bâtie ou non bâtie, doit être imposée au nom du propriétaire actuel. / II. Lorsqu'un immeuble est grevé d'usufruit ou loué soit par bail emphytéotique, soit par bail à construction, soit par bail à réhabilitation ou fait l'objet d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public constitutive d'un droit réel, la taxe foncière est établie au nom de l'usufruitier, de l'emphytéote, du preneur à bail à construction ou à réhabilitation ou du titulaire de l'autorisation ". Aux termes de l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime : " Le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. / Ce bail doit être consenti pour plus de dix-huit années et ne peut dépasser quatre-vingt-dix-neuf ans; il ne peut se prolonger par tacite reconduction ".

3. Pour juger que la convention du 27 avril 2002, par laquelle la SCI Les Landes mettait à disposition de la SPEN la parcelle ZD n° 11 située à Eroudeville en vue de l'exploitation d'un centre d'enfouissement technique (CET) de déchets ménagers, disposait des caractéristiques essentielles du bail emphytéotique, le tribunal a relevé que cette convention prévoyait le versement d'une redevance annuelle en contrepartie de cette mise à disposition, l'engagement de la SPEN de restituer le site remis en état à l'expiration de la convention et une durée d'effet de la convention prévue jusqu'à la fin de la période post-exploitation du site, soit 58 ans. En statuant ainsi alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que cette convention, qui avait pour objet l'exploitation de la parcelle " à titre de CET, conformément notamment aux prescriptions des arrêtés préfectoraux applicables ", était conclue sous condition suspensive que la SPEN " se soit vu délivrer l'ensemble des autorisations nécessaires à la réalisation sur le site d'une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés ", prévoyait une redevance annuelle dont le montant était fixé par tonne de déchet enfouie au cours de la période considérée et des conditions de résiliation de plein droit liées à " l'annulation des autorisations préfectorales " et à la " fermeture du CET ordonnée de façon définitive par un décret prononcé en Conseil d'Etat " et, enfin, stipulait prendre " effet dès sa signature " et se poursuivre " irrévocablement jusqu'à l'expiration de la période de suivi et de contrôle du CET ", devait être regardée comme limitant à l'enfouissement de déchets l'usage auquel la SPEN était autorisée à affecter la parcelle litigieuse et alors qu'il résulte des dispositions précitées du code rural et de la pêche maritime qu'un bail emphytéotique ne peut comporter de clause limitant l'usage auquel le bénéficiaire peut affecter les lieux loués, le tribunal a inexactement qualifié les faits. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, son jugement doit être annulé.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la SPEN au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement n° 1502460 du tribunal administratif de Caen du 28 juin 2017 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Caen.

Article 3 : L'Etat versera à la SPEN une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société de propreté et d'environnement de Normandie et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 413499
Date de la décision : 19/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 sep. 2018, n° 413499
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle Petitdemange
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:413499.20180919
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award