Vu la procédure suivante :
La commune de Courcouronnes (Essonne) a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté interministériel du 27 janvier 2011 en tant qu'il a refusé de reconnaître l'état de catastrophe naturelle sur son territoire pour des mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols survenus entre le 1er janvier et le 31 décembre 2009, la lettre du 2 février 2011 par laquelle le préfet de l'Essonne lui a notifié cet arrêté et la décision du 10 mai 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté son recours gracieux contre cet arrêté interministériel. Par un jugement n° 1103620 du 29 juillet 2013, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 13VE03092 du 25 juin 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la commune de Courcouronnes.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 août et 30 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Courcouronnes demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Mireille Le Corre, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune de Courcouronnes.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 125-1 du code des assurances : " Les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'Etat et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles (...) ; / Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. / L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'État dans le département, assortie d'une motivation. L'arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. De manière exceptionnelle, si la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l'État dans le département est supérieure à deux mois, l'arrêté est publié au plus tard deux mois après la réception du dossier par le ministre chargé de la sécurité civile ".
2. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'à la suite de la sécheresse de l'année 2009, la commune de Courcouronnes (Essonne) a adressé au préfet de l'Essonne, sur le fondement des dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances citées au point 1, une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Par un arrêté du 27 janvier 2011, les ministres chargés de l'intérieur, de l'économie et des finances et du budget ont fixé la liste des communes pour lesquelles a été constaté l'état de catastrophe naturelle au titre des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols durant l'année 2009, au nombre desquelles ne figure pas la commune de Courcouronnes. Le préfet de l'Essonne a, par lettre du 2 février 2011, notifié à cette commune la décision de ne pas la retenir. Par une décision du 10 mai 2011, le ministre de l'intérieur a rejeté le recours gracieux de la commune. Par une décision du 26 avril 2011, ce ministre a rejeté la demande du maire de Brunoy tendant au retrait de l'arrêté du 27 janvier 2011 pour toutes les communes de l'Essonne. Par un jugement du 29 juillet 2013, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de la commune de Courcouronnes tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 27 janvier 2011, en tant qu'il ne la mentionne pas, la lettre du préfet de l'Essonne du 2 février 2011, la décision du 10 mai 2011 du ministre de l'intérieur et, en tant que de besoin, la décision du 26 avril 2011 du même ministre. Par un arrêt du 25 juin 2015, contre lequel la commune de Courcouronnes se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre ce jugement.
3. En premier lieu, la commune de Courcouronnes a soutenu devant la cour que l'arrêté litigieux était illégal en raison de l'insuffisance de motivation de la lettre de notification de l'arrêté. La cour a jugé que ce moyen n'était pas fondé. Toutefois, si les dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances citées au point 1 exigent que la décision des ministres, assortie de sa motivation, soit, postérieurement à la publication de l'arrêté, notifiée par le représentant de l'État dans le département à chaque commune concernée, elles ne sauraient être interprétées comme imposant une motivation en la forme de l'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle qui serait une condition de légalité de ce dernier. Ainsi, le moyen mentionné ci-dessus doit être écarté comme inopérant. Ce motif, qui n'emporte l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué à celui retenu par l'arrêt attaqué. Les moyens de cassation tirés de ce que la cour aurait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en estimant que la lettre de notification était suffisamment motivée sont sans incidence sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué.
4. En deuxième lieu, la commission interministérielle prévue par la circulaire interministérielle du 27 mars 1984 n'a pour mission que d'éclairer les ministres compétents sur l'application à chaque commune des méthodologies et paramètres scientifiques permettant de caractériser les phénomènes naturels en cause, notamment ceux issus des travaux de Météo France, les avis qu'elle émet ne liant pas les autorités dont relève la décision.
5. La commune de Courcouronnes a soutenu devant la cour administrative d'appel que la commission interministérielle avait repris à son compte les éléments d'appréciation proposés par Météo France et qu'elle s'était prononcée sur la situation de plusieurs dizaines de communes au cours de la même séance alors qu'elle n'avait reçu communication des données climatologiques les concernant que huit jours avant sa réunion. En retenant que ces circonstances n'étaient pas de nature à établir que la commission ne se serait pas effectivement prononcée sur la situation particulière de la commune de Courcouronnes, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier.
6. En troisième lieu, la circulaire interministérielle précitée prévoit, d'une part, que la commission est composée d'un représentant du ministère de l'intérieur, appartenant à la direction de la sécurité civile, d'un représentant du ministère de l'économie et des finances, appartenant à la direction des assurances et d'un représentant du secrétariat d'État chargé du budget, appartenant à la direction du budget et, d'autre part, que le secrétariat de la commission est assuré par la Caisse centrale de réassurance.
7. La commune requérante a soutenu devant la cour que la présence de six autres personnes, dont un représentant du ministère du développement durable et un administrateur de la Caisse centrale de réassurance, lors de la réunion de la commission interministérielle au cours de laquelle a été examinée sa demande entachait d'irrégularité l'avis rendu par cette commission et l'arrêté interministériel litigieux. En jugeant qu'à supposer même que la détermination des seuils caractérisant l'intensité et l'anormalité du phénomène climatique proposés par la commission et Météo-France aurait pris en compte des observations de personnels, présents lors de la séance de la commission, de Météo-France ou du ministère du développement durable ou de la Caisse centrale de réassurance, société détenue à 100 % par l'État proposant avec la garantie de ce dernier la couverture assurantielle des catastrophes naturelles, il ne ressortait nullement des pièces du dossier qui lui était soumis que de telles considérations auraient, eu égard à la mission technique confiée à cette commission, affecté de partialité l'appréciation portée par les membres de la commission sur les demandes de reconnaissance de catastrophe naturelle ou privé les communes intéressées d'une garantie, la cour n'a entaché son arrêt ni d'erreur de droit, ni de dénaturation.
8. En quatrième lieu, en jugeant que la circonstance que le rapport de la station météorologique la plus proche, prévu par la circulaire du 27 mars 1984, n'avait pas été joint au dossier de demande, n'avait ni exercé une influence sur le sens de la décision prise, ni privé les communes concernées d'une garantie, dès lors que la nouvelle méthode de mesure de l'agent naturel en cause, plus précise au plan géographique, n'était plus fondée sur ce rapport, la cour n'a entaché son arrêt ni d'erreur de droit, ni de dénaturation.
9. En cinquième lieu, les ministres compétents peuvent légalement, même en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires le prévoyant, s'appuyer sur des méthodologies et paramètres scientifiques, sous réserve que ceux-ci apparaissent appropriés, en l'état des connaissances, pour caractériser l'intensité des phénomènes en cause et leur localisation, qu'ils ne constituent pas une condition nouvelle à laquelle la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle serait subordonnée ni ne dispensent les ministres d'un examen particulier des circonstances propres à chaque commune.
10. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir rappelé de manière détaillée la méthodologie dénommée " SIM " utilisée par les ministres et prenant en compte deux paramètres scientifiques cumulatifs, météorologique et géotechnique, concernant respectivement l'humidité des sols et la présence de sols argileux, la cour a estimé que les éléments produits par la commune, notamment le rapport d'un consultant en météorologie se bornant à critiquer la complexité de cette méthodologie, n'étaient pas de nature à démontrer que ces paramètres seraient inappropriés pour caractériser l'intensité du phénomène en cause dans la commune. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en écartant, pour ce motif, les critiques de cette méthodologie formulées par la commune dans ses écritures, la cour n'a commis ni erreur de droit, ni dénaturation.
11. En sixième et dernier lieu, la commune requérante a soutenu devant la cour que le tribunal administratif n'avait pas respecté les règles gouvernant l'administration de la preuve en exigeant de sa part des éléments, que seul l'État était en mesure de détenir, permettant d'établir l'influence sur le sens de la décision litigieuse de la présence de membres de la Caisse centrale de réassurance et de Météo France à la réunion de la commission interministérielle, la possibilité d'obtenir une reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle par le rattachement de la commune à une autre " maille " ainsi que le caractère arbitraire et inadapté des critères météorologiques permettant de caractériser l'intensité anormale d'un phénomène de sécheresse et de réhydratation des sols. En jugeant que le tribunal administratif n'avait pas méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il avait présenté les arguments des deux parties, en les confrontant, pour rendre son jugement au vu des éléments apportés par chacune d'elles, sans incidence étant, en l'espèce, l'absence de production par l'État des documents dont la commune avait demandé la communication, la cour n'a, en tout état de cause, pas commis d'erreur de droit.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Courcouronnes n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la commune de Courcouronnes est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Courcouronnes et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes publics.