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26/07/2018 | FRANCE | N°418123

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 26 juillet 2018, 418123


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1505588 du 19 septembre 2017, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par une ordonnance n° 17LY03762 du 13 décembre 2017, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. et Mme B...contre ce jugement.

Par un pourvoi so

mmaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février et 14 mai 2018 au se...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1505588 du 19 septembre 2017, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par une ordonnance n° 17LY03762 du 13 décembre 2017, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. et Mme B...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février et 14 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct, enregistré le 14 mai 2018, M. et Mme B...ont demandé au Conseil d'Etat, au soutien de leur pourvoi, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du vingtième alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Koutchouk, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. et MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ". Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de cet article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2010 en litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...), dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. ". Le vingtième alinéa du même article prévoit que la réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. L'article 16 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer a ajouté à cet alinéa les phrases suivantes : " Toutefois, en cas d'acquisition d'un immeuble à construire ou de construction d'immeuble, la réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle les fondations sont achevées. Si l'immeuble n'est pas achevé dans les deux ans suivant la date à laquelle les fondations sont achevées, la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année au cours de laquelle intervient le terme de ce délai ".

4. Par une décision n° 398405 du 24 avril 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a jugé qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions avec celles de l'article 95 Q de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2010, que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Il a jugé que, dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Il en a déduit que, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en nom collectif en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date.

Sur le grief tiré de la méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et les charges publiques :

5. Les requérants soutiennent que les dispositions précitées du vingtième alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques en ce que le fait générateur de la réduction d'impôt diffère selon que le contribuable réalise un investissement concernant un immeuble ou un autre investissement productif.

6. Il résulte des travaux préparatoires à l'article 16 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer que la fixation du fait générateur de la réduction d'impôt, pour ce qui concerne l'acquisition d'un immeuble à construire ou de construction d'immeuble, à la date d'achèvement des fondations et non à la date d'achèvement des travaux, a eu pour objet, d'une part, d'unifier les régimes de réduction d'impôt applicables aux investissements immobiliers dans les départements d'outre-mer, qui prévoyaient un fait générateur différent selon que ces investissements étaient réalisés directement par les contribuables ou par l'intermédiaire d'une société civile de placement immobilier et, d'autre part, de faciliter le financement de tels projets, notamment dans le secteur hôtelier. Afin de prévenir d'éventuels abus, il a par ailleurs été prévu que la réduction d'impôt serait reprise en cas d'inachèvement des travaux dans les deux ans suivant l'achèvement des fondations. La différence de traitement ainsi introduite entre les contribuables, selon que leur acquisition concerne un immeuble ou un autre investissement productif dans les départements d'outre-mer, qui découle des contraintes spécifiques de financement de la construction d'immeubles, est justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques ne présente pas un caractère sérieux.

Sur le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen :

7. En posant une question prioritaire de constitutionnalité sur une disposition législative, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition.

8. Les requérants soutiennent qu'en jugeant que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts correspond à la date à laquelle l'entreprise peut commencer l'exploitation effective de l'investissement et, partant, celle du raccordement au réseau public d'électricité s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques, le Conseil d'Etat aurait, d'une part, adopté de façon rétroactive une interprétation de ces dispositions contraire à celle qui pouvait légitimement en être attendue et, d'autre part, instauré une formalité que le contribuable ne peut satisfaire par lui-même.

9. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ". Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations.

10. D'une part, par sa décision précitée n° 398405 du 24 avril 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a interprété pour la première fois les dispositions de la première phrase du vingtième alinéa de l'article 199 undecies du code général des impôts fixant le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à son premier alinéa. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette interprétation aurait porté atteinte à des situations légalement acquises résultant d'une interprétation antérieure différente.

11. D'autre part, les gestionnaires des réseaux publics d'électricité son tenus, dans le cadre de leur mission de service public, de procéder au raccordement d'une installation au réseau à la demande de tout utilisateur qui remplit les conditions exigées par les dispositions législatives et réglementaires. Par suite et en tout état de cause, les dispositions contestées n'imposent pas une formalité impossible à satisfaire.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la question de constitutionnalité invoquée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Dès lors, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

13. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, M. et Mme B... se bornent à soutenir que les dispositions précitées du vingtième alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts méconnaissent les droits et libertés garantis par la Constitution. Il résulte de ce qui précède que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et MmeB....

Article 2 : Le pourvoi de M. et Mme B... n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et MmeA... B....

Copie en sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics, au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 418123
Date de la décision : 26/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2018, n° 418123
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Koutchouk
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:418123.20180726
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