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26/07/2018 | FRANCE | N°417224

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 26 juillet 2018, 417224


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Métro Cash et Carry a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de lui accorder la restitution des cotisations de taxe sur les surfaces commerciales qu'elle a acquittées au titre des années 2014 et 2015 à raison de son établissement situé à Bordeaux. Par un jugement n° 1604619 du 16 novembre 2017, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 janvier et 10 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Mét

ro Cash et Carry demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) r...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Métro Cash et Carry a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de lui accorder la restitution des cotisations de taxe sur les surfaces commerciales qu'elle a acquittées au titre des années 2014 et 2015 à raison de son établissement situé à Bordeaux. Par un jugement n° 1604619 du 16 novembre 2017, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 janvier et 10 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Métro Cash et Carry demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct, enregistré le 20 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Métro Cash et Carry demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi en cassation, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du premier alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ;

- le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Koutchouk, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la société Metro Cash et Carry.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Le premier alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, dans sa rédaction issue du V de l'article 37 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, dispose que : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse 400 mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. Ne sont pas considérés comme magasins de commerce de détail les établissements de commerce de gros dont la clientèle est composée de professionnels pour les besoins de leur activité ou de collectivités. Lorsque ces établissements réalisent à titre accessoire des ventes à des consommateurs pour un usage domestique, ces ventes constituent des ventes au détail qui sont soumises à la taxe dans les conditions de droit commun ".

4. La société requérante soutient que ces dispositions méconnaissent les droits et libertés garantis par la Constitution en tant qu'elles prévoient que les établissements de commerce de gros qui réalisent à titre accessoire des ventes à des consommateurs pour un usage domestique sont regardés comme exerçant, dans cette mesure, une activité de commerce de détail donnant lieu à un assujettissement à la taxe dans les conditions de droit commun.

5. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Aux termes de l'article 13 de cette Déclaration : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

6. En premier lieu, en instituant une taxe sur les surfaces commerciales, le législateur a notamment entendu favoriser un développement équilibré du commerce et a choisi, pour ce faire, d'imposer les établissements commerciaux de détail ayant une surface significative. Les dispositions contestées, qui visent à définir les magasins de commerce de détail, au sens de ce texte, comme ceux dont l'activité consiste, à titre principal, à réaliser des ventes à des consommateurs non professionnels pour leurs besoins domestiques, excluent du champ d'application de la taxe les établissements de commerce de gros dont la clientèle est composée de professionnels pour les besoins de leur activité ou de collectivités. En précisant que la circonstance que ces établissements se livrent, à titre accessoire, à une activité de vente à des consommateurs pour un usage domestique ne leur fait pas perdre le bénéfice de l'absence d'assujettissement à raison de leur activité principale de vente en gros, mais entraîne leur assujettissement à la taxe, dans les conditions de droit commun, au titre des surfaces consacrées à cette activité accessoire, selon un taux déterminé en fonction du chiffre d'affaires de cette activité, le législateur a, contrairement à ce qui est soutenu, fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de la loi.

7. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 que, lorsqu'ils exercent à titre accessoire une activité de vente au détail, les établissements de commerce de gros ne sont assujettis à la taxe sur les surfaces commerciales, à raison des surfaces dédiées à cette activité, que si le chiffre d'affaires annuel afférent à ces ventes excède le seuil de 460 000 euros et selon un taux qui varie, en fonction croissante du chiffre d'affaires par mètre carré de surface commerciale, de 5,74 euros à 34,12 euros par mètre carré. Il s'en déduit que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le législateur a établi la taxe dans le respect des capacités contributives des établissements concernés sans entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

8. En troisième lieu, en prévoyant que les établissements de commerce de gros dont la clientèle est composée de professionnels pour les besoins de leur activité ou de collectivités sont, lorsqu'ils exercent une activité accessoire de vente au détail, définie comme une activité de vente à des consommateurs pour un usage domestique, assujettis à la taxe au titre de cette activité, le législateur, n'a en tout état de cause, méconnu ni l'étendue de sa compétence, ni l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.

9. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

10. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que la troisième phrase du premier alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 porterait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme non sérieux.

Sur les autres moyens :

11. Pour demander l'annulation du jugement qu'elle attaque, la société Métro Cash et Carry soutient que le tribunal administratif a :

- méconnu les dispositions de la loi du 13 juillet 1972 en jugeant que ses salariés sont des consommateurs pour un usage domestique, au sens de ces dispositions ;

- insuffisamment motivé son jugement faute d'avoir expliqué en quoi ses salariés, qui ne peuvent accéder aux ventes à prix réduit réalisées par la société qu'en cette qualité, constitueraient un public ou une clientèle au sens des dispositions de la loi du 13 juillet 1972.

12. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Métro Cash et Carry.

Article 2 : Le pourvoi de la société Métro Cash et Carry n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Métro Cash et Carry et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 417224
Date de la décision : 26/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2018, n° 417224
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Koutchouk
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:417224.20180726
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