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26/07/2018 | FRANCE | N°413983

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 26 juillet 2018, 413983


Vu les procédures suivantes :

1° M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des retenues à la source auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 à concurrence de la somme de 328 798,29 euros. Par un jugement n° 1503677 du 29 décembre 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 16VE01237 du 4 mai 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. et Mme C...contre ce jugement.

Sous le n° 413983, par un pourvoi enre

gistré le 4 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M.C......

Vu les procédures suivantes :

1° M. et Mme B...C...ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des retenues à la source auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 à concurrence de la somme de 328 798,29 euros. Par un jugement n° 1503677 du 29 décembre 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 16VE01237 du 4 mai 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. et Mme C...contre ce jugement.

Sous le n° 413983, par un pourvoi enregistré le 4 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M.C..., agissant pour lui-même et venant aux droits de Mme A...C..., demande au Conseil d'Etat :

1°) de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question de savoir si la France agit en conformité avec le droit de l'Union en retenant comme assiette de calcul de la retenue à la source 100 % du montant des dividendes sortants revenant aux non-résidents, alors qu'elle accorde un abattement d'assiette de 40 % aux résidents français sur les mêmes dividendes ;

2°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 4 mai 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution des retenues à la source auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2014 à concurrence de la somme de 150 578,79 euros. Par un jugement n° 1603129 du 20 septembre 2016 le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17VE00135 du 20 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. C... contre ce jugement.

Sous le n° 415841, par un pourvoi enregistré le 20 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question de savoir si la France agit en conformité avec le droit de l'Union en retenant comme assiette de calcul de la retenue à la source 100 % du montant des dividendes sortants revenant aux non-résidents, alors qu'elle accorde un abattement d'assiette de 40 % aux résidents français sur les mêmes dividendes ;

2°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 20 juillet 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Yohann Bénard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Briard, avocat de M.C....

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 10 juillet 2018, présentées par M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois formés par M. C...présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux. ".

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

4. Aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Ces dispositions ont pour objet d'assujettir, dans le respect du droit de l'Union européenne, les contribuables non résidents à une imposition sur les revenus de capitaux mobiliers, notamment les dividendes, de source française qu'ils perçoivent.

5. M. C...soutient que ces dispositions, telles qu'interprétées par le Conseil d'Etat afin d'assurer le respect du droit de l'Union européenne, méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et le principe d'égalité devant les charges publiques qui résultent des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dès lors que leur application est susceptible d'entraîner une différence de traitement entre contribuables non résidents.

6. Les principes constitutionnels d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques ne s'opposent ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Par ailleurs, cette appréciation ne doit pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

7. Afin d'assurer le respect du droit de l'Union européenne, la retenue à la source prévue par les dispositions précitées du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts n'est applicable à un contribuable établi dans un autre Etat membre que dans la mesure où la charge fiscale en résultant pour lui n'est pas supérieure à celle qu'il subirait, à raison du même montant de dividendes perçus, s'il était imposé à l'impôt sur le revenu en France. Ainsi, l'application de ces dispositions est susceptible de conduire à ce que deux contribuables résidents d'un ou plusieurs autres Etats membres de l'Union européenne et percevant un même montant de dividendes de source française supportent une retenue à la source différente. Toutefois, d'une part, cette différence de traitement, qui découle, le cas échéant, d'une différence de revenus ou de composition du foyer fiscal, est fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec l'objet de la loi ainsi interprétée. D'autre part, elle n'entraîne pas entre ces contribuables de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions litigieuses, telles qu'interprétées par le Conseil d'Etat, méconnaîtraient les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publics garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ne présente pas un caractère sérieux.

8. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que le 2 de l'article 119 bis du code général des impôts porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme n'étant pas de nature à permettre l'admission des pourvois.

Sur les autres moyens des pourvois :

9. Pour demander l'annulation des arrêts qu'il attaque, M. C... soutient, en outre, que la cour administrative d'appel de Versailles :

- a méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative faute d'avoir visé et analysé avec une précision suffisante les conclusions et moyens des parties ;

- a méconnu le principe de subsidiarité des conventions fiscales internationales et a commis une erreur de droit en jugeant que l'article 15 de la convention fiscale entre la France et la Belgique faisait obstacle à l'application des dispositions de l'article 164 A du code général des impôts et du 2° du 3 de l'article 158 du même code et en jugeant qu'il n'était pas fondé à soutenir que l'article 48 de l'annexe II au code général des impôts ne pouvait légalement créer ou modifier une règle d'assiette ;

- les a insuffisamment motivés et a méconnu les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts et les stipulations de l'article 15 de la convention fiscale entre la France et la Belgique et des articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en affirmant, pour juger que la France n'avait pas traité les contribuables de façon discriminatoire, que, pour un même montant de dividendes de source française, l'application du taux marginal supérieur du barème progressif de l'impôt sur le revenu avec un quotient familial de deux parts aboutirait, après déduction de l'abattement de 40 %, à un impôt largement supérieur à la retenue à la source prélevée.

10. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission des pourvois.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.C....

Article 2 : Les pourvois de M. C... ne sont pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C..., au Premier ministre et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 413983
Date de la décision : 26/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2018, n° 413983
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Séverine Larere
Rapporteur public ?: M. Yohann Bénard
Avocat(s) : SCP BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:413983.20180726
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