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26/07/2018 | FRANCE | N°412782

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 26 juillet 2018, 412782


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 février 2016 par laquelle l'office public de l'habitat "Paris Habitat" a refusé de leur attribuer un logement social, d'enjoindre à cet organisme de réexaminer leur demande et de leur attribuer un logement social dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1608410/6-1 du 12 avril 2017, le président de la 6ème section du tribu

nal administratif a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire,...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 3 février 2016 par laquelle l'office public de l'habitat "Paris Habitat" a refusé de leur attribuer un logement social, d'enjoindre à cet organisme de réexaminer leur demande et de leur attribuer un logement social dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1608410/6-1 du 12 avril 2017, le président de la 6ème section du tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, trois mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 26 juillet et 25 octobre 2017, 31 janvier, 7 mai et 29 juin 2018, M. et Mme B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Chelle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de M. et Mme B...et à la SCP Gatineau Fattacini, avocat de l'office public de l'habitat " Paris Habitat ".

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B...a été reconnu prioritaire au titre de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation par la commission de médiation du département de Paris le 21 février 2014 ; que, par un jugement du 8 décembre 2014, le tribunal administratif de Paris a enjoint au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, de procéder à son relogement sous astreinte à compter du 1er février 2015 ; que, le 12 novembre 2015, les services de la préfecture de Paris lui ont proposé un logement situé 30, rue Vaucouleurs à Paris (11ème arrondissement) ; que, toutefois, par une décision du 3 février 2016, la commission d'attribution de l'organisme bailleur, l'office public de l'habitat " Paris Habitat ", a rejeté sa candidature ; que M. et Mme B... ont saisi le tribunal administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation de cette décision ; que, par une ordonnance du 12 avril 2017, le président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté ce recours comme manifestement irrecevable ; que M. et Mme B...se pourvoient en cassation au Conseil d'Etat contre cette ordonnance ;

2. Considérant que l'article L. 300-1 du code de la construction et de l'habitation garantit à toute personne résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d'Etat " le droit à un logement décent et indépendant " ; que, pour assurer l'effectivité de ce droit, l'article L. 441-2-3 du même code crée des commissions de médiation qui peuvent être saisies, sous certaines conditions, par toute personne qui n'est pas en mesure d'accéder à un logement décent et indépendant ; que le demandeur reconnu comme prioritaire par la commission de médiation doit se voir proposer, selon le cas, un logement ou un hébergement répondant à ses besoins et à ses capacités ; qu'à défaut d'une telle proposition dans un certain délai, l'article L. 441-2-3-1 permet au demandeur reconnu comme prioritaire d'exercer un recours spécial devant le tribunal administratif, qui peut ordonner à l'Etat, au besoin sous astreinte, son logement ou relogement ou son accueil en structure d'hébergement ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 778-2 du code de justice administrative, ce recours doit être exercé dans un délai de quatre mois à compter de l'expiration du délai dont le préfet disposait pour exécuter la décision de la commission de médiation ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions rappelées ci-dessus que le recours spécial destiné aux demandeurs reconnus comme prioritaires par la commission de médiation est seul ouvert pour obtenir l'exécution de la décision de cette commission ; que, lorsque la commission d'attribution d'un organisme de logement social auquel un demandeur a été désigné par le préfet, le cas échéant après injonction du tribunal administratif, oppose un refus, il est loisible à l'intéressé de saisir, le cas échéant pour la seconde fois, le tribunal administratif d'un tel recours, afin qu'il ordonne au préfet, si celui-ci s'est abstenu de le faire, de faire usage des pouvoirs qu'il tient des dispositions du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, en cas de refus de l'organisme de logement social de loger le demandeur, en vue de procéder à l'attribution d'un logement correspondant à ses besoins et à ses capacités, les dispositions de l'article L. 441-2-3-1 du même code faisant peser sur l'Etat, désigné comme garant du droit au logement opposable, une obligation de résultat ; que, toutefois, le demandeur peut aussi saisir le tribunal administratif d'une demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision par laquelle la commission d'attribution de l'organisme de logement social lui a refusé l'attribution d'un logement ; qu'en effet, cette demande, qui ne tend pas à faire exécuter par l'Etat la décision de la commission de médiation reconnaissant l'intéressé comme prioritaire et devant être relogé en urgence, est détachable de la procédure engagée par ailleurs pour obtenir l'exécution de cette décision ; que, contrairement à ce que soutient l'office public de l'habitat " Paris Habitat ", la circonstance que la demande en annulation soit assortie de conclusions à fin d'injonction est sans incidence sur sa recevabilité ; qu'ainsi, c'est au prix d'une erreur de droit que, par l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif a rejeté comme irrecevable la demande de M. et Mme B...tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 3 février 2016 de la commission d'attribution de l'office public de l'habitat " Paris Habitat " ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, les requérants sont fondés à demander l'annulation de cette ordonnance ;

4. Considérant que M. et Mme B...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Boulloche, avocat de M. et Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à cette société ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par l'office public de l'habitat " Paris Habitat " ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 12 avril 2017 du président de la 6ème section du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Boulloche, avocat de M. et MmeB..., une somme de 3 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'office public de l'habitat " Paris Habitat " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...B..., à l'office public de l'habitat " Paris Habitat " et au ministre de la cohésion des territoires.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 412782
Date de la décision : 26/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2018, n° 412782
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique Chelle
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP BOULLOCHE ; SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:412782.20180726
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