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26/07/2018 | FRANCE | N°412526

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 26 juillet 2018, 412526


Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Les Jardins de Quetigny a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2013. Par un jugement n° 1502060 du 18 mai 2017, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 18 juillet 2017, 18 octobre 2017, 19 décembre 2017, 21 décembre 2017 et 30 mars 2018 au secrétariat du contentieux

du Conseil d'Etat, la société Les Jardins de Quetigny demande au Conseil d'Etat...

Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Les Jardins de Quetigny a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2013. Par un jugement n° 1502060 du 18 mai 2017, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 18 juillet 2017, 18 octobre 2017, 19 décembre 2017, 21 décembre 2017 et 30 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Les Jardins de Quetigny demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a statué sur les impositions dues au titre des années 2011 à 2013 ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ;

- le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Koutchouk, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société Les Jardins de Quetigny.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la société Les Jardins de Quetigny exploite un commerce de détail de jardinerie spécialisée sous l'enseigne " Botanic ". A la suite de contrôles, l'administration fiscale l'a assujettie, au titre des années 2010 à 2013, à des rappels de taxe sur les surfaces commerciales procédant de la réintégration, dans les surfaces retenues pour déterminer l'assiette de la taxe, des serres chaudes abritant les plantes dont elle fait commerce, que l'administration a regardées comme des espaces de vente ouverts à la clientèle. La société Les Jardins de Quetigny se pourvoit en cassation contre le jugement du 18 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Dijon a, en ce qui concerne les années 2011 à 2013, rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

En ce qui concerne la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse quatre cents mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. (...) La surface de vente des magasins de commerce de détail, prise en compte pour le calcul de la taxe (...) s'entendent des espaces affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l'exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement et de ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente (...) Un décret prévoira, par rapport aux taux ci-dessus, des réductions pour les professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées (...) ". Aux termes du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 relatif à la taxe sur les surfaces commerciales : " La réduction de taux prévue au dix-huitième alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 susvisée en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées est fixée à 30 % en ce qui concerne la vente à titre principal des marchandises énumérées ci-après : - meubles meublants ; / -véhicules automobiles ; / -machinismes agricoles ; / -matériaux de construction. / Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie, du budget, du commerce et de l'artisanat pourra compléter cette liste par l'énumération d'autres professions dont les conditions d'exploitation, eu égard à leur superficie de vente, sont comparables à celles des professions énumérées ci-dessus ".

3. Le tribunal administratif, après avoir relevé qu'il résultait de l'instruction, d'une part, que les serres chaudes en litige étaient affectées à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats et à l'exposition des marchandises proposées à la vente, d'autre part, qu'il n'était pas établi qu'elles seraient en partie utilisées comme un espace de maturation ou de production dans lequel se trouveraient des plantes exclues de la commercialisation, a jugé que ces serres constituaient des surfaces de vente au sens de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972. Il a en outre jugé que la société requérante ne pouvait utilement se référer à l'arrêté du 17 juin 2014 par lequel ont été ajoutés à la liste des professions qui requièrent des superficies anormalement élevées et bénéficient d'un taux de réduction de 30 %, les magasins vendant à titre principal des fleurs, des plantes, des graines, des engrais, des animaux de compagnie et des aliments pour ces animaux, dès lors que cet arrêté n'était pas applicable aux années en litige.

4. La société soutient qu'en jugeant qu'elle ne pouvait se prévaloir utilement de l'arrêté du 17 juin 2004, le tribunal administratif aurait méconnu le principe d'égalité devant la loi, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et le principe d'égalité devant les charges publiques, garanti par l'article 13 de cette Déclaration, dès lors qu'il découle selon elle de cet arrêté que le pouvoir réglementaire avait, jusqu'à son intervention, illégalement exclu du champ du taux réduit les magasins vendant à titre principal des fleurs, des plantes, des graines, des engrais, des animaux de compagnie et des aliments pour ces animaux. Un tel moyen, qui est en réalité tiré de ce que le décret du 26 janvier 1995 méconnaîtrait les principes constitutionnels d'égalité devant la loi fiscale et d'égalité devant les charges publiques en ce qu'il ne mentionnerait pas les établissements en cause dans la liste des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées et qui bénéficient d'une réduction de taux de 30 %, qui n'a pas été soumis aux juges du fond et qui n'est pas d'ordre public, ne peut être utilement soulevé pour la première fois en cassation.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ". La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A s'applique également, aux termes du 1° de l'article L. 80 B du même livre, lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal.

6. En premier lieu, il résulte de la lettre même de ces dispositions que les contribuables ne peuvent, sur leur fondement, invoquer le bénéfice que des seules interprétations que donne l'administration de la loi fiscale, à l'exclusion des interprétations qu'elle donne de dispositions de nature non fiscale. Il s'en déduit que le tribunal administratif, dont le jugement est suffisamment motivé sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la lettre du 13 avril 1995 par laquelle M. A..., alors directeur du commerce intérieur au ministère des entreprises et du développement économique, précisait au directeur de la fédération nationale des distributeurs spécialistes jardin que les serres chaudes installées dans les établissements de vente au détail de végétaux d'ornement pouvaient être exclues de l'assiette imposable à la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, ne pouvait être opposée à l'administration fiscale sur le fondement des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales pour contester l'assujettissement à la taxe sur les surfaces commerciales des serres aux plantes de la société, dès lors que cette lettre concernait un prélèvement qui, à la date à laquelle elle a écrite, avait la nature d'une taxe parafiscale et non d'une imposition.

7. En deuxième lieu, si la notice explicative 3350 Not SD relative à la taxe sur les surfaces commerciales disponible sur le portail internet " impots.gouv.fr " mentionne que " la surface à déclarer sur la ligne 02 s'entend des espaces clos et couverts affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats, de ceux affectés à l'exposition des marchandises proposées à la vente, à leur paiement et ceux affectés à la circulation du personnel pour présenter les marchandises à la vente. Les surfaces des locaux de production, les serres chaudes et celles où sont réalisées les prestations de services, n'ont pas à être déclarées ", il ressort de la lettre même de ce paragraphe, dont la seconde phrase ne saurait être lue isolément de la première, que cette notice indique que seules les serres chaudes constituant des espaces de production et non des espaces clos et couverts affectés à la circulation de la clientèle pour effectuer ses achats ne doivent pas être prises en compte pour l'assujettissement à la taxe sur les surfaces commerciales. Cette notice ne contient, par suite et en tout état de cause, aucune interprétation de la loi fiscale dont le bénéfice est susceptible d'être invoqué par les contribuables sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Il y a lieu de substituer ce motif à celui, tiré de ce que la notice explicative 3350 Not SD n'a fait l'objet d'aucune publication, retenu par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé sur ce point et dont il justifie légalement le dispositif.

8. En troisième lieu, tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, après avoir relevé que ni la lettre du 13 avril 1995, ni la notice 3350 Not SD ne constituaient des prises de position formelles de l'administration quant au traitement des serres chaudes au regard de l'assujettissement à la taxe sur les surfaces commerciales, que la société requérante n'était, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la prise en compte de ses serres dans l'assiette de cette taxe porterait atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Dès lors que, pour les mêmes motifs, cette lettre et cette notice n'ont pu faire naître, pour la société requérante, aucune espérance légitime quant au bénéfice de l'exclusion de la surface des serres chaudes de l'assiette imposable à la taxe sur les surfaces commerciales, le tribunal n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant que les impositions en litige n'avaient pas été établies en méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société Les Jardins de Quetigny ne peut qu'être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi la société Les Jardins de Quetigny est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Les Jardins de Quetigny et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 412526
Date de la décision : 26/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2018, n° 412526
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Koutchouk
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:412526.20180726
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