Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée Fournisseur d'Energie Renouvelable (SFER) a demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2008 au 31 décembre 2010. Par un jugement no 1300672 du 23 octobre 2014, le tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 14BX03442 du 5 avril 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 juillet et 4 octobre 2016 et le 1er mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SFER demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société Fournisseur d'Energie Renouvelable.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société SFER, dont l'activité consiste à livrer, installer et entretenir des centrales photovoltaïques, a été assujettie, à l'issue d'une vérification de sa comptabilité, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er octobre au 31 décembre 2008, au motif que les opérations en cause étaient constitutives de livraisons de biens meubles corporels, soumises à la taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois de la livraison ou, à défaut de livraison, de la date de la facture, et non de travaux immobiliers, pour lesquels la taxe ne serait exigible qu'à la date de l'encaissement du prix. Par un jugement du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté la demande de la société tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 avril 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la taxe en litige : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire. / (...) / IV. 1° Les opérations autres que celles qui sont définies au II, notamment la cession ou la concession de biens meubles incorporels, le fait de s'obliger à ne pas faire ou à tolérer un acte ou une situation, les opérations de façon, les travaux immobiliers et l'exécution des obligations du fiduciaire, sont considérés comme des prestations de services ; (...) ". Aux termes du 2 de l'article 269 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige, la taxe est exigible, pour les livraisons de biens, à la date de la livraison, pour les prestations de service, lors de l'encaissement des acomptes, du prix ou de la rémunération ou, sur option, d'après les débits, et pour les travaux immobiliers, sur option du redevable et selon les conditions fixées par décret, à la date des livraisons. Aux termes de l'article 78 de l'annexe III à ce code : " Les entrepreneurs peuvent acquitter la taxe sur la valeur ajoutée au moment de la livraison, pour les travaux immobiliers exécutés dans le cadre d'un marché unique comportant la fourniture de biens meubles et l'installation ou l'incorporation à un ouvrage immobilier des matériels et appareils fournis. " Aux termes de l'article 283 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) 3. Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation. / 4. Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée. / (...) ".
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société SFER soutenait, devant la cour administrative d'appel, que les prestations litigieuses devaient être regardées, à titre principal, comme des prestations immobilières, et plus précisément comme des travaux immobiliers au sens de l'article 78 de l'annexe III au code général des impôts et des prises de position administratives alors applicables, et, à titre subsidiaire, comme des prestations de service relevant, par nature, d'une catégorie autonome. Cette argumentation de la société tendait à établir que la taxe sur la valeur ajoutée était, au titre de ces opérations, exigible à la date de l'encaissement du prix, et non à celle de la facture. Il résulte toutefois des énonciations de l'arrêt attaqué qu'en jugeant que les opérations en litige n'étaient pas constitutives de travaux immobiliers mais relevaient de la catégorie des livraisons de biens meubles corporels, pour lesquelles la taxe est exigible à la date de la livraison ou, à défaut, à celle de la facture mentionnant le montant de la taxe, la cour a exclu que ces opérations soient regardées comme des prestations de services d'une nature autre qu'immobilière. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle aurait insuffisamment motivé son arrêt doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
4. Pour l'application de l'article 256 et du 2 de l'article 269 du code général des impôts, doivent être regardées comme des travaux immobiliers les opérations qui concourent directement à l'édification d'un bâtiment, laquelle doit s'entendre non seulement de la construction du bâtiment lui-même, mais aussi de la réalisation des équipements généraux qui l'accompagnent normalement, dès lors qu'ils ne sont pas destinés à être déplacés et qu'ils s'incorporent à l'immeuble. En conséquence, les travaux immobiliers ne comprennent pas la réalisation d'installations particulières répondant à une utilisation spéciale du bâtiment édifié.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société SFER a, au cours de la période en litige, livré à ses clients, qui sont des sociétés en nom collectif, des centrales photovoltaïques, qu'elle a installées sur des emplacements situés sur la toiture d'immeubles préalablement construits et faisant l'objet d'un contrat de location entre les sociétés clientes et les propriétaires de ces immeubles. Il s'ensuit que la cour a pu, sans dénaturer les faits ni commettre d'erreur de qualification juridique, considérer que les équipements vendus et installés par la société requérante n'étaient pas des équipements concourant directement à l'édification des bâtiments mais des installations particulières répondant à une utilisation spéciale des immeubles et juger, en conséquence, que les opérations en litige ne pouvaient être qualifiées de travaux immobiliers au sens de l'article 256 et du 2 de l'article 269 du code général des impôts.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société SFER n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société SFER est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Fournisseur d'Energie Renouvelable et au ministre de l'action et des comptes publics.