Vu la procédure suivante :
M. B... C...et Mme A...C..., à l'appui de leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 1er juin 2017 par lequel le maire d'Antibes a modifié le cahier des charges du lotissement " Domaine de la Brague ", ont produit deux mémoires, enregistrés les 6 et 7 février 2018 au greffe du tribunal administratif de Nice, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lesquels ils soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité.
Par une ordonnance n° 1702745 du 31 mai 2018, enregistrée le 1er juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nice, avant qu'il soit statué sur la demande de M. C...et de MmeC..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme.
Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise et dans un mémoire enregistré le 21 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C...et Mme C... soutiennent que l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme, applicable au litige, méconnaît la liberté contractuelle, garantie par les articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et le droit de propriété, protégé par les articles 2 et 17 de cette Déclaration, et est entaché d'incompétence négative au regard de cette liberté et de ce droit.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'urbanisme, notamment son article L. 442-10 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de M. C...et de MmeC..., à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la commune d'Antibes, et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de la SAS Beval et de la SCI Claire Fontaine.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Beval et la SCI Claire Fontaine ont été mises en cause pour observations par le tribunal administratif de Nice dans le cadre de l'instruction de la demande de M. B... C...et de Mme A...C...tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 1er juin 2017 par lequel le maire d'Antibes a modifié le cahier des charges du lotissement " Domaine de la Brague ". Eu égard à leur qualité de coloties, elles doivent être regardées, en l'état du dossier, comme justifiant d'un intérêt suffisant au maintien de l'acte attaqué. Dès lors, leur intervention devant le Conseil d'Etat en défense à la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. C...et Mme C...à l'appui de leur demande doit être admise pour l'examen de cette question.
2. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. Aux termes de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové : " Lorsque la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie d'un lotissement ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie le demandent ou l'acceptent, l'autorité compétente peut prononcer la modification de tout ou partie des documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé. Cette modification doit être compatible avec la réglementation d'urbanisme applicable. / Le premier alinéa ne concerne pas l'affectation des parties communes des lotissements. / Jusqu'à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'achèvement du lotissement, la modification mentionnée au premier alinéa ne peut être prononcée qu'en l'absence d'opposition du lotisseur si celui-ci possède au moins un lot constructible ".
4. Ces dispositions sont applicables au litige dont le tribunal administratif de Nice est saisi. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, eu égard notamment à la circonstance qu'elles s'appliquent à des cahiers des charges dont les clauses sont susceptibles d'être regardées comme engageant les colotis entre eux, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A...C..., première désignée, pour l'ensemble des requérants, au ministre de la cohésion des territoires, à la commune d'Antibes et à la SAS Beval, première désignée, pour les sociétés intervenantes.
Copie en sera adressée au Premier ministre, à la société Marineland et au tribunal administratif de Nice.