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18/07/2018 | FRANCE | N°409035

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 18 juillet 2018, 409035


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge ou, à titre subsidiaire, la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010. Par un jugement n° 1301726 du 30 septembre 2015, ce tribunal, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement des cotisations supplémentaires de contributions sociales intervenu en cours d'instance, a accordé à M. e

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Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge ou, à titre subsidiaire, la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010. Par un jugement n° 1301726 du 30 septembre 2015, ce tribunal, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement des cotisations supplémentaires de contributions sociales intervenu en cours d'instance, a accordé à M. et Mme B...une décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en litige à concurrence du bénéfice des dispositions de l'article 200 quater B du code général des impôts et rejeté le surplus de leur demande.

Par un arrêt n° 15NT03652 du 19 janvier 2017, la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de dégrèvements accordés en cours d'instance, a rejeté l'appel formé par M. et Mme B...contre ce jugement en tant qu'il n'avait pas entièrement fait droit à leurs demandes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mars et 19 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville, auditeur,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. et MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juges du fond que M.B..., ressortissant de l'île de Jersey, et MmeB..., son épouse, ressortissante française, ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2009 et 2010. En l'absence de déclarations de revenus au titre des années vérifiées dans les délais impartis par deux mises en demeure, ils ont été taxés d'office à l'impôt sur le revenu sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 66 et de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales. Par un jugement du 30 septembre 2015, le tribunal administratif de Rennes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de dégrèvements accordés en cours d'instance, n'a fait droit à la demande des intéressés tendant à la décharge de ces impositions qu'à concurrence, pour chacune des années en litige, du bénéfice du crédit d'impôt prévu par les dispositions de l'article 200 quater B du code général des impôts. Les époux B...se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 19 janvier 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de nouveaux dégrèvements accordés en cours d'instance, a rejeté le surplus de leur appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Rennes en ce qu'il n'avait pas entièrement fait droit à leurs demandes.

2. Aux termes de l'article 4 B du code général des impôts : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : /a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. (...) ". Aux termes de l'article 6 du même code : " 1. (...) Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnés au premier alinéa ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédée de la mention "Monsieur ou Madame". / (...) 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : /a. Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit (...) ". En application de ces dernières dispositions, des époux mariés sous le régime de séparation de biens et qui résident dans deux endroits différents doivent faire l'objet d'une imposition distincte dès lors que cette résidence séparée n'a pas un caractère temporaire. La circonstance que, du fait de la résidence habituelle en France du conjoint séparé de biens du contribuable et de ses enfants, ce dernier aurait en France son domicile fiscal au sens du a) du 1 de l'article 4 B du code général des impôts est, par elle-même, sans incidence sur l'appréciation à porter sur la question de savoir si celui-ci vit en France sous le même toit que son conjoint au sens des dispositions rappelées du a) du 4 de l'article 6 du même code.

3. Les époux B...soutenaient devant la cour qu'ils auraient dû faire l'objet d'une imposition séparée, en faisant valoir, d'une part et sans être contredits sur ce point, qu'ils s'étaient mariés le 21 juillet 2000 à Jersey sous le régime de la séparation de biens et, d'autre part, qu'ils ne vivaient pas sous le même toit au sens du a) du 4 de l'article 6 du code général des impôts, M. B...résidant habituellement à Jersey où il exerçait un emploi salarié et Mme B...résidant habituellement en France, dans l'immeuble dont le couple est propriétaire. En écartant cette argumentation au seul motif que M. B...avait son foyer fiscal en France au sens des dispositions du a) du 1 de l'article 4 B précité du code général des impôts, la cour administrative d'appel de Nantes à commis une erreur de droit. Les époux B... sont ainsi fondés, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt qu'ils attaquent.

4. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. et MmeB..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 19 janvier 2017 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, devant la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B...la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A... B...et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 409035
Date de la décision : 18/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LE REVENU. PERSONNES PHYSIQUES IMPOSABLES. - IMPOSITION SÉPARÉE DES ÉPOUX MARIÉS SOUS LE RÉGIME DE LA SÉPARATION DE BIENS ET NE RÉSIDANT PAS SOUS LE MÊME TOIT, PRÉVUE AU A) DU 4 DE L'ARTICLE 6 DU CGI - APPRÉCIATION DE LA CONDITION DE RÉSIDENCE - DOMICILE FISCAL DU CONJOINT SE SITUANT EN FRANCE AU SENS DU A) DU 1 DE L'ARTICLE 4 B DU CGI - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE.

19-04-01-02-01 En application des dispositions de l'article 6 du code général des impôts (CGI), des époux mariés sous le régime de la séparation de biens et qui résident dans deux endroits différents doivent faire l'objet d'une imposition distincte dès lors que cette résidence séparée n'a pas un caractère temporaire. La circonstance que, du fait de la résidence habituelle en France du conjoint séparé de biens du contribuable et de ses enfants, ce dernier aurait en France son domicile fiscal au sens du a) du 1 de l'article 4 B du CGI est, par elle-même, sans incidence sur la question de savoir si celui-ci vit en France sous le même toit que son conjoint au sens des dispositions du a) du 4 de l'article 6 du même code.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2018, n° 409035
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:409035.20180718
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