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18/07/2018 | FRANCE | N°404226

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 18 juillet 2018, 404226


Vu la procédure suivante :

La société BNP Paribas a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2000. Par un jugement n° 0901610 du 19 mars 2013, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a donné acte à la société BNP Paribas de son désistement de ses conclusions en tant qu'elles excèdent la somme de 110 510 216 euros en base et fait droit à sa demande à hauteur de 94 698 216 euros en base.

Par un arrêt n° 13VE01758 du

30 août 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du mini...

Vu la procédure suivante :

La société BNP Paribas a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2000. Par un jugement n° 0901610 du 19 mars 2013, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a donné acte à la société BNP Paribas de son désistement de ses conclusions en tant qu'elles excèdent la somme de 110 510 216 euros en base et fait droit à sa demande à hauteur de 94 698 216 euros en base.

Par un arrêt n° 13VE01758 du 30 août 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du ministre délégué, chargé du budget, ramené à 82 889 919 euros la réduction de la base d'imposition entraînant la restitution à la société BNP Paribas d'une fraction de l'impôt sur les sociétés mis à sa charge en sa qualité de tête de groupe fiscal intégré, réformé le jugement en ce qu'il avait de contraire et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 octobre et 8 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société BNP Paribas demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a partiellement fait droit au recours du ministre et a rejeté ses conclusions d'appel ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le recours du ministre et de faire droit aux conclusions qu'elle a présentées devant la cour administrative d'appel de Versailles ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la société BNP Paribas.

Considérant ce qui suit :

1. En premier lieu, aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". Il résulte de ces dispositions que l'administration est fondée à invoquer des insuffisances ou omissions de toute nature pendant l'instruction de la demande, laquelle doit s'entendre comme prenant effet au plus tôt à compter de l'examen de la réclamation du contribuable par l'administration et se poursuivant pendant toute la durée du contentieux devant le juge administratif statuant au fond sur le litige. L'administration peut prendre en compte l'ensemble des éléments à sa disposition au cours de cette période qui révèleraient une omission ou une insuffisance dans l'assiette ou le calcul de l'imposition, y compris ceux qu'elle aurait recueillis à l'occasion d'une procédure de contrôle diligentée après la réception de la réclamation.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 18 décembre 2008 statuant sur la réclamation introduite par la société BNP Paribas le 23 décembre 2003, l'administration fiscale a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, opéré une compensation entre les dégrèvements reconnus justifiés et des insuffisances d'imposition du résultat d'ensemble du groupe fiscalement intégré dont elle est la société mère au titre de l'exercice clos en 2000. Pour juger que l'administration pouvait légalement opérer une telle compensation, la cour s'est fondée sur ce que ces dispositions n'exigent pas que les insuffisances ou omissions fondant la compensation résultent des éléments contenus dans la réclamation présentée par le contribuable ou dans les pièces qu'il y a jointes et qu'était, par suite, sans incidence la circonstance que les insuffisances d'imposition litigieuses aient été constatées à l'occasion d'un contrôle sur pièces diligenté sur le fondement d'informations recueillies lors d'une vérification de comptabilité dont la société avait fait l'objet en 2004 et 2005 et portant sur les exercices clos en 2001, 2002 et 2003. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus au point 1 qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

3. En second lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / (...) ". Aux termes de l'article 209 du même code : " I. (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention relative aux doubles impositions. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une société dont le siège est en France exerce dans une succursale à l'étranger une activité industrielle ou commerciale, il n'y a pas lieu de tenir compte, pour la détermination des bénéfices imposables en France, des variations d'actif net imputables à des événements qui se rattachent à l'activité exercée par cette succursale. En revanche, si la succursale entretient avec le siège des relations commerciales favorisant le maintien ou le développement des activités en France de la société, celle-ci peut déduire de ses résultats imposables les pertes, subies ou régulièrement provisionnées, résultant des aides apportées à la succursale dans le cadre de ces relations.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir rappelé que la société BNP Paribas s'était engagée, par une convention du 23 juillet 1998, à garantir à sa succursale britannique, comme prix de référence pour la réalisation d'un portefeuille obligatoire de pays émergents qu'elle détenait, le prix des cours de marché à la date de signature de la convention et a comptabilisé une perte à raison de cet engagement au titre de l'exercice clos en 2000, la cour a jugé que la contribuable n'apportait pas la preuve qui lui incombait que l'aide ainsi apportée s'inscrivait dans le cadre de relations commerciales favorisant le maintien ou le développement d'une activité exercée en France.

5. En jugeant, par un arrêt suffisamment motivé et par une appréciation souveraine des faits non arguée de dénaturation, que cette garantie était constitutive d'une aide, la cour n'a ni commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Elle n'a pas non plus commis d'erreur de droit en faisant peser sur la contribuable la charge de la preuve. Elle n'a pas davantage dénaturé les faits qui lui été soumis en estimant que la société n'apportait pas la preuve qui lui incombait en se bornant à faire valoir en des termes généraux que l'activité exercée localement par une succursale est génératrice de fruits commerciaux au niveau du siège, que l'activité d'un groupe comme la BNP nécessite une présence forte à Londres et que le renom de la banque était en cause, alors qu'elle ne produisait aucun élément, tel que, par exemple, un extrait de ses comptes, permettant d'apprécier l'importance relative de l'activité de cette succursale contribuant à la réalisation de produits imposables en France.

6. Il résulte de ce qui précède que la société BNP Paribas n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Par suite, son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société BNP Paribas est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société BNP Paribas et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 404226
Date de la décision : 18/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-05 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. COMPENSATION. - INSUFFISANCES OU OMISSIONS CONSTATÉES AU COURS DE L'INSTRUCTION DE LA DEMANDE DE DÉCHARGE OU DE RÉDUCTION D'UNE IMPOSITION (ART. L. 203 DU LPF) - 1) NOTION D'INSTRUCTION - PÉRIODE COMMENÇANT, AU PLUS TÔT, À COMPTER DE L'EXAMEN DE LA RÉCLAMATION ET SE POURSUIVANT PENDANT TOUTE LA DURÉE DU CONTENTIEUX AU FOND - 2) POSSIBILITÉ POUR L'ADMINISTRATION DE PRENDRE EN COMPTE L'ENSEMBLE DES ÉLÉMENTS À SA DISPOSITION, Y COMPRIS CEUX QU'ELLE AURAIT RECUEILLI À L'OCCASION D'UNE PROCÉDURE DE CONTRÔLE DILIGENTÉE APRÈS LA RÉCEPTION DE LA RÉCLAMATION - EXISTENCE.

19-01-03-05 1) Il résulte de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales (LPF) que l'administration est fondée à invoquer des insuffisances ou omissions de toute nature pendant l'instruction de la demande, laquelle doit s'entendre comme prenant effet au plus tôt à compter de l'examen de la réclamation du contribuable par l'administration et se poursuivant pendant toute la durée du contentieux devant le juge administratif statuant au fond du litige.,,2) L'administration peut prendre en compte l'ensemble des éléments à sa disposition au cours de cette période qui révèleraient une omission ou une insuffisance dans l'assiette ou le calcul de l'imposition, y compris ceux qu'elle aurait recueillis à l'occasion d'une procédure de contrôle diligentée après la réception de la réclamation.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 31 mars 2010,,,,n° 297305, T. p. 717, CE, 23 décembre 2010, Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique c/ M. et Mme,n° 315422, inédite au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2018, n° 404226
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:404226.20180718
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