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11/07/2018 | FRANCE | N°412263

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 11 juillet 2018, 412263


Vu, 1°, sous le numéro 412263, la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Groupe Auchan a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 à raison d'immeubles dont elle est propriétaire dans la commune de Croix (Nord). Par un jugement n° 1434675, 1439146 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Montreuil, saisi par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat sur le fondement de l'article R. 351-8 du c

ode de justice administrative, a fait droit à sa demande.

Par un pour...

Vu, 1°, sous le numéro 412263, la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Groupe Auchan a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 à raison d'immeubles dont elle est propriétaire dans la commune de Croix (Nord). Par un jugement n° 1434675, 1439146 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Montreuil, saisi par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 7 juillet 2017, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.

Vu, 2°, sous le numéro 412265, la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Groupe Auchan a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 à raison d'immeubles dont elle est propriétaire dans les communes de Tourcoing, Roncq, Leers, Faches-Thumesnil, Lys-lez-Lannoy et Villeneuve d'Ascq (Nord). Par un jugement n° 1434676, 1434677, 1434678, 1434679, 1434680, 1434682, 1439147, 1439148, 1439149, 1439150 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Montreuil, saisi par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 7 juillet 2017, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Groupe Auchan et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Auchan France ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 juin 2018, présentée par la société Groupe Auchan dans les deux affaires.

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger des mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre deux jugements du 18 mai 2017 par lesquels le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de la société Auchan tendant à la décharge des cotisations de taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle avait été assujettie au titre des années 2011 et 2012 à raison d'immeubles dont elle est propriétaire dans les communes de Croix, Tourcoing, Roncq, Leers, Faches-Thumesnil, Lys-lez-Lannoy et Villeneuve d'Ascq.

3. D'une part, aux termes des dispositions du I de l'article 1520 du code général des impôts, applicable aux établissements publics de coopération intercommunale, dans sa rédaction applicable à l'imposition en cause : " Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal. (...) ". La taxe d'enlèvement des ordures ménagères n'a pas le caractère d'un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l'ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et non couvertes par des recettes non fiscales. Ces dépenses sont constituées de la somme de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées. Il en résulte que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant de ces dépenses, tel qu'il peut être estimé à la date du vote de la délibération fixant ce taux.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) A compter du 1er janvier 1993, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale ainsi que les syndicats mixtes qui n'ont pas institué la redevance prévue à l'article L. 2333-76 créent une redevance spéciale afin d'assurer l'élimination des déchets visés à l'article L. 2224-14 (...) Cette redevance est calculée en fonction de l'importance du service rendu et notamment de la quantité des déchets éliminés. Elle peut toutefois être fixée de manière forfaitaire pour l'élimination de petites quantités de déchets. (...) ". Les déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du même code sont les déchets non ménagers que ces collectivités peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'instauration de la redevance spéciale est obligatoire en l'absence de redevance d'enlèvement des ordures ménagères, d'autre part, que, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères n'a pas pour objet de financer l'élimination des déchets non ménagers, alors même que la redevance spéciale n'aurait pas été instituée.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il appartient au juge de l'impôt, pour apprécier la légalité d'une délibération fixant le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, que la collectivité ait ou non institué la redevance spéciale prévue par l'article L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales et quel qu'en soit le produit, de rechercher si le produit de la taxe, tel qu'estimé à la date de l'adoption de la délibération, n'est pas manifestement disproportionné par rapport au coût de collecte et de traitement des seuls déchets ménagers, tel qu'il pouvait être estimé à cette même date, non couvert par les recettes non fiscales affectées à ces opérations, c'est-à-dire n'incluant pas le produit de la redevance spéciale lorsque celle-ci a été instituée. Lorsque le contribuable se prévaut, à l'appui de sa contestation de la légalité de cette délibération, de ce que les éléments retracés dans le compte administratif ou le rapport annuel relatif au service public d'élimination des ordures ménagères établis à l'issue de l'année en litige font apparaître que le produit constaté de la taxe excède manifestement le montant constaté des dépenses d'enlèvement et de traitement des ordures ménagères non couvertes par des recettes non fiscales, il appartient au juge de rechercher, au besoin en mettant en cause l'administration et en ordonnant un supplément d'instruction, si les données prévisionnelles au vu desquelles la délibération a été prise diffèrent sensiblement de celles, constatées a posteriori, sur lesquelles le requérant fonde son argumentation.

6. En premier lieu, pour juger que la société requérante était fondée à soutenir, par la voie de l'exception, que la délibération par laquelle le conseil de la communauté urbaine de Lille métropole, compétente en matière de traitement et de collecte de leurs ordures ménagères, avait fixé le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour l'année 2011 était entachée d'erreur manifeste d'appréciation, le tribunal administratif s'est référé aux seules données d'exécution résultant du rapport annuel sur le prix et la qualité du service d'élimination des déchets de la métropole de Lille et a écarté l'argumentation de l'administration fiscale selon laquelle il convenait de se fonder sur les données dont disposait l'organe délibérant lors du vote du taux, au motif qu'il ne résultait pas de l'instruction, en l'absence d'observations de la métropole de Lille à laquelle la requête avait été communiquée, qu'il existerait entre ces données et celles résultant de l'exécution du budget, des différences telles qu'elles remettraient en cause la disproportion du taux d'imposition. Le ministre est fondé à soutenir qu'en statuant ainsi, alors qu'il avait produit à l'instance des données, issues du budget primitif, retraçant les éléments dont disposait le conseil de la communauté urbaine à la date du vote de la délibération en cause et qu'il appartenait au tribunal, en vertu de la règle rappelée au point 5, même en l'absence d'observations de la métropole, de se prononcer sur le bien fondé l'argumentation en défense dont il avait ainsi été saisi, le tribunal a entaché ses jugements d'insuffisance de motivation pour ce qui concerne les impositions dues au titre de 2011.

7. En second lieu, aux termes de l'article 1639 A du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de l'article 1639 A bis, les collectivités locales et organismes compétents font connaître aux services fiscaux, avant le 15 avril de chaque année, les décisions relatives soit aux taux, soit aux produits, selon le cas, des impositions directes perçues à leur profit. Toutefois, lorsque la communication aux collectivités locales des informations indispensables à l'établissement de leur budget, telle qu'elle est prévue aux articles L. 1612-2 et L. 1612-3 du code général des collectivités territoriales, n'intervient pas avant le 31 mars, la notification aux services fiscaux s'effectue dans un délai de quinze jours à compter de la communication de ces informations ; l'année où intervient le renouvellement des conseils municipaux, généraux ou régionaux, la date de notification est reportée, pour les conseils municipaux, généraux ou régionaux concernés par ce renouvellement, du 15 avril au 30 avril.(...) III. La notification a lieu par l'intermédiaire des services préfectoraux pour les collectivités locales et leurs groupements, par l'intermédiaire de l'autorité de l'Etat chargée de leur tutelle pour les chambres de commerce et d'industrie territoriales, et directement dans les autres cas. A défaut, les impositions peuvent être recouvrées selon les décisions de l'année précédente. ". Il résulte de ces dispositions que l'administration est autorisée, au cas où la délibération d'un conseil municipal ne peut plus servir de fondement légal à l'imposition mise en recouvrement, à demander, à tout moment de la procédure, au juge de l'impôt que soit substitué, dans la limite du taux appliqué à cette imposition, le taux retenu par le conseil municipal lors du vote du budget de l'année précédente.

8. En jugeant que les conclusions subsidiaires de l'administration tendant à la substitution, comme base légale de l'imposition due au titre de 2012, en application des dispositions précitées, de la délibération du conseil de la communauté urbaine de Lille métropole fixant le taux de la taxe pour l'année 2011 au motif qu'il avait préalablement jugé que le taux d'imposition au titre de l'année 2011 avait été illégalement établi, alors que, comme relevé au point 6 ci-dessus, le tribunal avait entaché sur ce point ses jugements d'insuffisance de motivation, il a également, par voie de conséquence, commis une erreur de droit pour ce qui concerne les impositions dues au titre de 2012.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation des jugements qu'il attaque.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Montreuil du 18 mai 2017 sont annulés.

Article 2 : Les affaires sont renvoyées au tribunal administratif de Montreuil.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société anonyme (SA) Groupe Auchan.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 412263
Date de la décision : 11/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2018, n° 412263
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:412263.20180711
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