La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a, le 27 octobre 2017, saisi le Conseil d'État, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, par sa décision du 23 octobre 2017 rejetant le compte de campagne de M. A... B..., candidat tête de liste à l'élection qui s'est déroulée le 19 mars 2017 en vue de la désignation des conseillers territoriaux de Saint-Barthélémy.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
le code électoral ;
le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de M. A...B...;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du second alinéa de l'article L. 118-2 du code électoral, issu de la loi du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique : " Sans préjudice de l'article L. 52-15, lorsqu'il constate que la commission instituée par l'article L. 52-14 n'a pas statué à bon droit, le juge de l'élection fixe le montant du remboursement dû au candidat en application de l'article L. 52-11-1 " . Aux termes de l'article L. 118-3 du même code : " Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. / Saisi dans les mêmes conditions, le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. / Il prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales. (...) ".
2. Il résulte des dispositions précitées du second alinéa de l'article L. 118-2 du code électoral que, lorsque le juge de l'élection se prononce sur un compte de campagne et sur l'éligibilité d'un candidat, il lui appartient, qu'il soit ou non saisi de conclusions en ce sens, de fixer le montant du remboursement dû par l'Etat au candidat s'il constate que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) n'a pas statué à bon droit. Il en va notamment ainsi lorsque le juge de l'élection, saisi par la CNCCFP, se prononce sur l'éligibilité d'un candidat en application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 118-3 du code électoral. Dans cette hypothèse, il lui appartient, avant de statuer sur l'éligibilité du candidat et, le cas échéant, de fixer le montant du remboursement dû par l'Etat, de se prononcer sur le bien-fondé de la décision par laquelle la Commission a réformé ou rejeté le compte.
Sur le bien-fondé du rejet du compte de campagne :
3. Aux termes de l'article L. 52-1 du code électoral : " Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. /A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ".
4. L'autorisation donnée au candidat à une élection, par le second alinéa de l'article L. 52-1, de présenter, dans le cadre de sa campagne électorale, le bilan de ses mandats permet uniquement de déroger à l'interdiction, posée par ce même alinéa, des campagnes de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité. Elle ne permet pas de déroger à l'interdiction, posée par le premier alinéa de l'article L. 52-1, de l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle.
5. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 23 octobre 2017, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté le compte de campagne déposé par M. A...B..., candidat sortant à la tête de la liste " Saint-Barth d'abord ", qui a remporté 14 des 19 sièges à pourvoir lors de l'élection qui s'est déroulée, le 19 mars 2017 en vue de la désignation des conseillers territoriaux de Saint-Barthélemy, avec 1 950 voix, soit 53,65% des suffrages exprimés. Ce rejet est fondé sur l'inscription dans le compte de campagne de M. B...d'une dépense de 990 euros correspondant à l'achat, dans un journal local, d'un espace pour la publication, le 2 mars 2017, d'une page vantant les réalisations de son précédent mandat à des fins de propagande électorale. Cette publication, qui doit être regardée comme une campagne de promotion publicitaire, ne méconnait pas l'interdiction posée par le second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral, cité au point 3, dès lors qu'elle entre dans le champ de la dérogation qu'il prévoit et qui autorise la présentation par un candidat du bilan de la gestion de son mandat. Il s'ensuit que c'est à tort que, dans sa décision du 23 octobre 2017, la CNCCFP s'est fondée, pour rejeter le compte de campagne de M.B..., sur la méconnaissance des dispositions du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral.
6. Comme le soutient dans ses écritures la CNCCFP, cette publication a donné lieu à une utilisation, interdite par le premier alinéa de l'article L. 52-1, d'un procédé de publicité commerciale par voie de presse. Toutefois, si la méconnaissance de l'interdiction prévue au premier alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral constitue une irrégularité susceptible d'altérer la sincérité du scrutin et de justifier, en fonction de son incidence sur les résultats, l'annulation de l'élection et si le caractère irrégulier d'une telle dépense fait obstacle à ce qu'elle puisse faire l'objet d'un remboursement de la part de l'Etat, elle ne peut, par elle-même, justifier le rejet du compte de campagne du candidat qui y a porté une telle dépense faite en vue de l'élection. Par suite, la CNCCFP ne pouvait rejeter le compte de campagne de M. B... pour ce motif. Sa saisine ne peut donc qu'être rejetée.
Sur le remboursement dû par l'Etat :
7. Aux termes de l'article L. 52-11-1 du code électoral : " Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'Etat égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne./ Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin, qui ne se sont pas conformés aux prescriptions de l'article L. 52-11, qui n'ont pas déposé leur compte de campagne dans le délai prévu au deuxième alinéa de l'article L. 52-12 ou dont le compte de campagne est rejeté pour d'autres motifs ou qui n'ont pas déposé leur déclaration de situation patrimoniale, s'ils sont astreints à cette obligation./ Dans les cas où les irrégularités commises ne conduisent pas au rejet du compte, la décision concernant ce dernier peut réduire le montant du remboursement forfaitaire en fonction du nombre et de la gravité de ces irrégularités ".
8. Il résulte de l'instruction que M.B..., dont le compte de campagne n'a pas été rejeté à bon droit, a obtenu plus de 5% des suffrages exprimés au premier tour de scrutin. Il a donc droit, en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral, à un remboursement forfaitaire égal à 47,5% du plafond légal des dépenses, fixé pour le scrutin considéré à 7 421 euros, soit 3 525 euros, le remboursement ne pouvant toutefois excéder le montant des dépenses électorales réglées sur son apport personnel et retracées dans son compte de campagne. Les dépenses réglées sur son apport personnel et retracées au compte de campagne se sont élevées à 700 euros. La dépense irrégulièrement réglée en méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral s'élevant à 990 euros, c'est à zéro euro que doit être fixé le montant du remboursement forfaitaire auquel a droit M.B....
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. B...demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est rejetée.
Article 2 : Le montant du remboursement dû par l'Etat à M. B...en application de l'article
L. 52-11-1 du code électoral est fixé à zéro euro.
Article 3 : Les conclusions de M. B...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à M. A...B....
Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.