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06/06/2018 | FRANCE | N°399932

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 06 juin 2018, 399932


Vu la procédure suivante :

La SCI Lasserre Promotions et sa filiale la SCI Dolphaf ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre exécutoire du 9 août 2011 par lequel la communauté urbaine de Bordeaux a mis à la charge de la SCI Dolphaf une somme de 133 896,57 euros au titre de la participation pour le raccordement à l'égout. Par un jugement n° 1104033 du 26 mars 2014, le tribunal administratif a partiellement annulé le titre exécutoire en litige, déchargé la SCI Dolphaf de l'obligation de payer la somme de 6 531,54 euros et rejeté le surplus des conc

lusions de la demande.

Par un arrêt n° 14BX01561 du 24 mars 2016, ...

Vu la procédure suivante :

La SCI Lasserre Promotions et sa filiale la SCI Dolphaf ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre exécutoire du 9 août 2011 par lequel la communauté urbaine de Bordeaux a mis à la charge de la SCI Dolphaf une somme de 133 896,57 euros au titre de la participation pour le raccordement à l'égout. Par un jugement n° 1104033 du 26 mars 2014, le tribunal administratif a partiellement annulé le titre exécutoire en litige, déchargé la SCI Dolphaf de l'obligation de payer la somme de 6 531,54 euros et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un arrêt n° 14BX01561 du 24 mars 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la SCI Lasserre Promotions et la SCI Dolphaf contre l'article 4 de ce jugement.

Par un pourvoi, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 mai et 18 août 2016 et le 17 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Lasserre Promotions et la SCI Dolphaf demandent au Conseil d'Etat :

1°) de poser à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes : d'une part, les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, lus en combinaison avec la décision de la Commission européenne 2005/842/CE, devenue 2011/21/UE, et l'article 106 paragraphe 2 du même traité, doivent-ils être interprétés, en premier lieu, en ce sens que l'abattement de 25 % sur la valeur du taux de participation à l'égout en faveur des seuls organismes d'habitation à loyer modéré et des sociétés d'économie mixte locales, sans que ceux-ci soient spécialement chargés par l'Etat d'exécuter le service d'intérêt général de la construction des logements sociaux, institué par la délibération n° 2006/0575 du 21 juillet 2006 de la communauté urbaine de Bordeaux, soit notifié à la Commission européenne et, en second lieu, comme s'opposant à ce que l'abattement susvisé s'applique à tout autre constructeur réalisant des logements sociaux pour le compte d'un organisme d'habitation à loyer modéré spécialement chargé par l'Etat d'exécuter le service d'intérêt général de construction de logements sociaux ' ; d'autre part, l'article 63 du même traité doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation telle que celle prévue par la délibération n° 2006/0575 du 21 juillet 2006 qui réserve le bénéfice d'un abattement sur le montant d'une participation d'urbanisme relative à un permis de construire des logements sociaux aux organismes d'habitation à loyer modéré et aux sociétés d'économie mixte locales et en exclut les autres opérateurs privés.

2°) d'annuler l'arrêt du 24 mars 2016 ;

3°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

4°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Lasserre Promotions et de la société Dolphaf et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Bordeaux Métropole ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 30 avril 2008, le maire de la commune de Saint-Louis-de-Montferrand (Gironde) a accordé à la SCI Lasserre Promotions un permis de construire dans le cadre d'un programme de construction de logements sociaux intitulé " Le Clos de l'Estuaire ". En application de cet arrêté, le projet autorisé a été soumis au versement de la participation pour le raccordement au réseau d'assainissement. Par un arrêté du maire du 29 mai 2009, le permis de construire a été transféré à la SCI Dolphaf, filiale de la SCI Lasserre Promotions, et, par un titre exécutoire du 9 août 2011, la communauté urbaine de Bordeaux a mis à la charge de la SCI Dolphaf la somme de 133 896,57 euros au titre de sa participation pour raccordement à l'égout. La SCI Lasserre Promotions et la SCI Dolphaf ont demandé l'annulation de ce titre exécutoire devant le tribunal administratif de Bordeaux. Par un jugement du 26 mars 2014, ce tribunal a annulé partiellement le titre exécutoire en cause, déchargé la SCI Dolphaf de l'obligation de payer la somme de 6 531,54 euros et rejeté le surplus de la demande. Par un arrêt du 24 mars 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la SCI Lasserre Promotions et la SCI Dolphaf contre l'article 4 de ce jugement. Celles-ci se pourvoient en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes de l'article L. 1331-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Les propriétaires des immeubles édifiés postérieurement à la mise en service du réseau public de collecte auquel ces immeubles doivent être raccordés peuvent être astreints par la commune, pour tenir compte de l'économie par eux réalisée en évitant une installation d'évacuation ou d'épuration individuelle réglementaire, à verser une participation s'élevant au maximum à 80 % du coût de fourniture et de pose d'une telle installation./ Une délibération du conseil municipal détermine les conditions de perception de cette participation ".

3. Ces dispositions font de la participation pour raccordement à l'égout une redevance justifiée par l'économie réalisée par le propriétaire grâce au raccordement de son immeuble au réseau d'assainissement existant. Elles ne font pas obstacle à ce que la participation exigée soit établie selon une méthode forfaitaire, dès lors qu'il n'est pas demandé au propriétaire de verser plus de 80 % du coût de la fourniture et de la pose de l'installation du dispositif individuel d'assainissement qui aurait été nécessaire en l'absence de raccordement. En revanche, elles ne sauraient être regardées comme autorisant l'instauration d'exonérations en fonction de la qualité du maître de l'ouvrage, celle-ci étant sans incidence sur la capacité du système d'évacuation et sur l'économie réalisée en ne l'installant pas.

4. Il en résulte que la communauté urbaine de Bordeaux ne pouvait légalement, par sa délibération n° 2006/0575 du 21 juillet 2006, prévoir qu'" un abattement de 25 % est appliqué sur la valeur des taux en zones AU, A et N, en ce qui concerne les opérations d'habitat à caractère social et strictement locatifs réalisés par les organismes d'HLM ou sociétés d'économie mixte communautaires, départementales ou communales " et qu'elle était donc en situation de compétence liée pour refuser d'étendre le bénéfice de cet abattement à des SCI comme les sociétés requérantes. Les moyens que ces dernières soulevaient en appel, qui étaient tirés de ce que la délibération précitée était contraire au principe d'égalité et à l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatif à la libre circulation des capitaux étaient, dès lors, inopérants. Ce motif de pur droit doit être substitué aux motifs retenus par l'arrêt attaqué. Par ailleurs, l'argumentation tirée de ce que la délibération en cause serait contraire aux articles 107 et 108 du même traité est nouvelle en cassation et, n'étant pas d'ordre public, est inopérante.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel, la SCI Lasserre Promotions et la SCI Dolphaf ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent et que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Bordeaux Métropole au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SCI Lasserre Promotions et de la SCI Dolphaf est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par Bordeaux Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SCI Lasserre Promotions et à la SCI Dolphaf ainsi qu'à Bordeaux Métropole.

Copie en sera adressée au ministre de la cohésion des territoires.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 399932
Date de la décision : 06/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-08-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. PARAFISCALITÉ, REDEVANCES ET TAXES DIVERSES. REDEVANCES. - PARTICIPATION POUR RACCORDEMENT À L'ÉGOUT (ART. L. 1331-7 DU CSP) - POSSIBILITÉ D'ÉTABLIR LE MONTANT DE LA PARTICIPATION SELON UNE MÉTHODE FORFAITAIRE - EXISTENCE - POSSIBILITÉ D'INSTAURER DES EXONÉRATIONS EN FONCTION DE LA QUALITÉ DU MAÎTRE DE L'OUVRAGE - ABSENCE.

19-08-02 Les dispositions de l'article L. 1331-7 du code de la santé publique (CSP) font de la participation pour raccordement à l'égout une redevance justifiée par l'économie réalisée par le propriétaire grâce au raccordement de son immeuble au réseau d'assainissement existant. Elles ne font pas obstacle à ce que la participation exigée soit établie selon une méthode forfaitaire, dès lors qu'il n'est pas demandé au propriétaire de verser plus de 80 % du coût de la fourniture et de la pose de l'installation du dispositif individuel d'assainissement qui aurait été nécessaire en l'absence de raccordement. En revanche, elles ne sauraient être regardées comme autorisant l'instauration d'exonérations en fonction de la qualité du maître de l'ouvrage, celle-ci étant sans incidence sur la capacité du système d'évacuation et sur l'économie réalisée en ne l'installant pas.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 jui. 2018, n° 399932
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Géraud Sajust de Bergues
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:399932.20180606
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