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25/05/2018 | FRANCE | N°411828

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 25 mai 2018, 411828


Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 411828 M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de la décision implicite par laquelle l'administration fiscale a refusé de se prononcer sur leur demande tendant à ce qu'elle reconnaisse que le dispositif de l'article 167 bis du code général des impôts n'était pas applicable à leur situation et a rejeté les garanties proposées dans le cadre de la demande de sursis au paiement de l'imposition correspondante qu'ils avaient formulée à titre conservatoire. Par un jugement n° 1402467 du 15 déce

mbre 2015, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 16VE06...

Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 411828 M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de la décision implicite par laquelle l'administration fiscale a refusé de se prononcer sur leur demande tendant à ce qu'elle reconnaisse que le dispositif de l'article 167 bis du code général des impôts n'était pas applicable à leur situation et a rejeté les garanties proposées dans le cadre de la demande de sursis au paiement de l'imposition correspondante qu'ils avaient formulée à titre conservatoire. Par un jugement n° 1402467 du 15 décembre 2015, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 16VE0665 du 23 février 2017 la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. et Mme A...contre ce jugement.

Par un pourvoi enregistré le 23 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 411829 M. et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de la décision implicite par laquelle l'administration fiscale a refusé de se prononcer sur leur demande tendant à ce qu'elle reconnaisse que le dispositif de l'article 167 bis du code général des impôts n'était pas applicable à leur situation et a rejeté les garanties proposées dans le cadre de la demande de sursis au paiement de l'imposition correspondante qu'ils avaient formulée à titre conservatoire. Par un jugement n° 1402386 du 15 décembre 2015, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 16VE00667 du 23 février 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. et Mme A...contre ce jugement.

Par un pourvoi enregistré le 23 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires distincts, enregistrés le 1er mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les consorts A...demandent au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, à l'appui de leurs pourvois respectifs, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de la combinaison des premiers alinéas respectifs des articles L. 190 et L. 199 du livre des procédures fiscales.

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales, notamment ses articles L. 190 et L. 199 ;

- le code de sécurité sociale, et notamment le neuvième alinéa du I de son article L. 136-6 dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emmanuelle Petitdemange, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Briard, avocat de M. et Mme A...et à la SCP Briard, avocat de M. et Mme C...A...;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Les consorts A...se pourvoient en cassation contre les arrêts de la cour administrative d'appel de Versailles en date du 23 février 2017 qui ont confirmé les jugements du 15 décembre 2015 par lesquels le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle l'administration fiscale avait refusé de se prononcer sur leur demande visant à ce qu'elle reconnaisse que le dispositif de l'article 167 bis du code général des impôts n'était pas applicable à leur situation et avait rejeté les garanties proposées dans le cadre des demandes de sursis au paiement de ces impositions qu'ils avaient formulées à titre conservatoire.

Sur les questions prioritaires de constitutionnalité :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité tirée de la non-conformité des dispositions du neuvième alinéa de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale :

4. Les requérants contestent la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du neuvième alinéa de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative pour 2011 du 29 juillet 2011 aux termes desquelles : " Il n'est pas fait application à la contribution du dégrèvement ou de la restitution prévus à l'expiration d'un délai de huit ans au 2 du VII de l'article 167 bis du code général des impôts et du dégrèvement prévu au premier alinéa du 4 du VIII du même article. ". Ils soutiennent qu'en prévoyant qu'un contribuable qui transfère sa résidence fiscale hors de l'espace économique européen (EEE) est tenu immédiatement et indéfiniment au paiement de prélèvements sociaux afférents à un revenu non réalisé, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques, le droit de propriété et la liberté d'aller et venir tels qu'ils découlent respectivement des articles 13, 17, 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen.

5. En application de l'article 167 bis du code général des impôts, le transfert de domicile fiscal hors de France d'un contribuable entraîne son imposition immédiate à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux des plus-values latentes sur droits sociaux, valeurs, titres ou droits, des créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix et de certaines plus-values en report d'imposition. Aux termes du 2 de cet article dans sa version ici en litige, à l'expiration d'un délai de huit ans suivant ce transfert, le contribuable bénéficie cependant d'un dégrèvement d'office ou d'une restitution, lorsque les titres précités ou les titres reçus lors d'une opération d'échange entrant dans le champ d'application de l'article 150-0 B intervenue après le transfert de domicile fiscal hors de France demeurent,.à cette date, dans son patrimoine Dans ce cadre, les dispositions précitées du code de la sécurité sociale font obstacle à ce que le montant de l'imposition correspondant aux prélèvements sociaux fasse l'objet d'un dégrèvement ou d'une restitution et prévoient que ce contribuable en reste redevable au-delà de l'expiration du délai de huit ans.

6. Le litige soulevé par les consorts A...a trait à l'annulation de la décision implicite par laquelle l'administration a refusé de se prononcer sur leur demande tendant à ce qu'elle reconnaisse que le dispositif prévu à l'article 167 bis du code général des impôts précité n'était pas applicable à leur situation et a rejeté les garanties proposées dans le cadre des demandes de sursis de paiement qu'ils avaient formulées à titre conservatoire. Si les requérants soutiennent qu'il leur a été par ailleurs fait application des dispositions du neuvième alinéa du I de l'article 136-6 du code de la sécurité sociale, ils ne les ont toutefois pas invoquées à l'appui des moyens qu'ils ont soulevés dans les instances devant le tribunal administratif de Montreuil et la cour administrative d'appel de Versailles. Ces dispositions n'ont pas été appliquées par ces juridictions et n'étaient pas susceptibles de l'être au titre des moyens qu'il leur appartenait de relever d'office. La question de leur conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution est ainsi sans incidence sur la régularité ou le bien-fondé des arrêts contre lesquels les consorts A...se pourvoient en cassation. Par suite, les dispositions contestées du neuvième alinéa du I de l'article 136-6 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables au litige dont le Conseil d'Etat, juge de cassation, est saisi au stade de l'admission du pourvoi.

7. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité tirée de la non-conformité des dispositions combinées des articles L. 190 et L. 199 du livre des procédures fiscales :

8. Les requérants contestent la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions combinées des premiers alinéas respectifs des articles L. 190 et L. 199 du livre des procédures fiscales au motif qu'en faisant obstacle à ce qu'un contribuable puisse déférer par la voie de l'excès de pouvoir un acte détachable de la procédure d'imposition et puisse ainsi saisir le juge de l'impôt d'un préjudice autre que celui lié au paiement ou à la mise en recouvrement de l'impôt, elles méconnaissent le droit au recours effectif tel qu'il découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme.

9. Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire (...) ". Aux termes de l'article L. 199 du même livre : " En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif (...) ".

10. En premier lieu, le recours par lequel un contribuable conteste devant le juge de l'impôt tout ou partie d'une imposition mise à sa charge relève par nature du contentieux de pleine juridiction. En application des dispositions rappelées, celui-ci doit ainsi, d'abord adresser une réclamation contentieuse au service territorial compétent de l'administration des impôts, avant de saisir le cas échéant la juridiction administrative d'une demande de décharge ou de réduction de l'impôt mis à sa charge. Le contribuable pouvant obtenir du juge de l'impôt, dans le cadre d'un recours de pleine juridiction, la satisfaction la plus étendue concernant sa situation, ces articles font en principe obstacle à ce qu'il défère par la voie de l'excès de pouvoir les décisions qu'ils visent, ni, par conséquent, celles qui, s'inscrivant dans la procédure d'imposition, ont seulement servi à les préparer, et dont il pourra discuter la légalité dans le cadre du recours de plein contentieux qui lui est ouvert. Il en va entre autres ainsi des réponses de l'administration aux demandes des contribuables tendant à ce qu'elle prenne position sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal, qui ne sont en principe pas regardées comme détachables de la procédure d'imposition.

11. Le juge administratif admet cependant que le contribuable introduise un recours en excès de pouvoir dirigé contre une prise de position formelle de l'administration, demandée dans les conditions prévues aux articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, lorsque celle-ci, à supposer qu'il s'y conforme, entraînerait des effets notables autres que fiscaux notamment en faisant peser sur lui de lourdes sujétions, en le pénalisant significativement sur le plan économique ou encore en l'amenant à modifier substantiellement un projet important voire à y renoncer, tels que le recours de pleine juridiction qui lui est ouvert serait impropre à lui fournir un résultat au moins équivalent. Dans ces conditions, il ne saurait être soutenu que les dispositions des articles L. 190 et L. 199 précités du même livre, en ce qu'elles feraient obstacle de façon générale et absolue à ce qu'un contribuable puisse exercer son droit au recours contre des décisions afférentes à une imposition autres que celles visées par ces articles, porteraient atteinte au droit au recours effectif et au droit au respect des effets qui peuvent être légitimement attendu des situations légalement acquises, consacrés par l'article 16 de la Déclaration de 1789.

12. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les consortsA..., qui n'est pas nouvelle, est dépourvue de caractère sérieux. Il n'y a ainsi pas lieu de la transmettre au Conseil constitutionnel.

Sur les pourvois :

14. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

15. Pour demander l'annulation des arrêts qu'ils attaquent, les consorts A...soutiennent que la cour administrative d'appel de Versailles les a insuffisamment motivés et a commis une erreur de droit en jugeant que les décisions implicites litigieuses par lesquelles l'administration fiscale a refusé de se prononcer sur leurs demandes tendant à ce qu'elle reconnaisse que le dispositif de l'article 167 bis du code général des impôts n' était pas applicable à leur situation ne constituait pas une décision détachable de la procédure d'imposition de nature à être déférée au juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir.

16. Ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par les consortsA.à cette date, dans son patrimoine

Article 2 : Les pourvois des consorts A...ne sont pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B...A..., à M. et Mme C... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 411828
Date de la décision : 25/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 mai. 2018, n° 411828
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle Petitdemange
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:411828.20180525
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