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25/05/2018 | FRANCE | N°378008

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 25 mai 2018, 378008


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 23 juin 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêt du 6 février 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre le jugement du 10 mars 2011 du tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2002 et des pénalités correspondantes, a sursis à statuer jusqu'à ce q

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Vu la procédure suivante :

Par une décision du 23 juin 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêt du 6 février 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre le jugement du 10 mars 2011 du tribunal administratif de Montreuil rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2002 et des pénalités correspondantes, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions de savoir si :

1° le droit d'établissement en tant qu'indépendant, tel qu'il est défini par les articles 1 et 4 de l'accord du 21 juin 1999 et par l'article 12 de son annexe I, peut être regardé comme équivalent à la liberté d'établissement garantie aux personnes ayant une activité non salariée par l'article 43 du Traité instituant la Communauté européenne devenu l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

2° dans cette hypothèse, compte tenu des stipulations de l'article 16 de l'accord, il y aurait lieu d'appliquer la jurisprudence issue de l'arrêt C-470/04 du 7 septembre 2006, postérieure à cet accord, dans l'hypothèse d'un ressortissant d'un Etat membre ayant transféré son domicile en Suisse qui se borne à conserver les participations qu'il détenait dans des sociétés relevant du droit de cet Etat membre, lesquelles lui confèrent une influence certaine sur les décisions de ces sociétés et lui permettent d'en déterminer les activités, sans soutenir envisager d'exercer en Suisse une activité indépendante différente de celle qu'il exerçait dans l'Etat membre dont il était le ressortissant et consistant en la gestion de ces participations ;

3° dans l'hypothèse où ce droit ne serait pas équivalent à la liberté d'établissement, il devrait être interprété de la même manière que la Cour de justice de l'Union européenne l'a fait pour la liberté d'établissement dans son arrêt C-470/04 du 7 septembre 2006.

Par un arrêt n° C-355/16 du 15 mars 2018, la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée sur ces questions.

Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par la décision du Conseil d'Etat du 23 juin 2016 ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 15 mars 2018, Christian A...c/ Ministre des finances et des comptes publics (C-355/16) ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emmanuelle Petitdemange, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de M.A....

Considérant ce qui suit :

1. Dans l'arrêt du 15 mars 2018 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que, dès lors qu'une situation, telle que celle de M.A..., ne relève pas du champ d'application ratione personae de la notion d'" indépendants " au sens de l'accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, signé à Luxembourg le 21 juin 1999 (ALCP), les stipulations de cet accord doivent être interprétées en ce sens qu'elles ne s'opposent pas à une législation d'un Etat partie à cet accord, telle que celle prévue par l'article 167 bis du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur en 2002, qui, lorsqu'une personne physique transfère sa résidence de cet Etat vers un autre Etat partie audit accord, tout en maintenant son activité économique dans le premier de ces deux Etats, sans effectuer chaque jour, ou au moins une fois par semaine, un trajet du lieu de son activité économique à celui de sa résidence, prévoit l'imposition immédiate des plus-values latentes afférentes à des participations substantielles que cette personne détient dans le capital de société relevant du droit du premier desdits Etats à l'occasion de ce transfert de résidence et qui n'admet le recouvrement différé de l'impôt dû qu'à la condition que soient constituées des garanties propres à assurer le recouvrement dudit impôt, alors qu'une personne qui détient également de telles participations, mais qui continue de résider sur le territoire du premier de ces mêmes Etats n'est imposée qu'au moment de la cession de ces participations. La Cour de justice de l'Union européenne a également rappelé que, la Confédération suisse n'ayant pas adhéré au marché intérieur de l'Union, l'interprétation donnée des dispositions du droit de l'Union relatives à ce marché, notamment celle de l'article 43 du Traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ne peut être automatiquement transposée à l'interprétation de l'ALCP, sauf dispositions expresses à cet effet prévues par cet accord lui-même. Elle a ensuite relevé que l'ALCP ne prévoyait pas de telles dispositions expresses et ajouté que ni le libellé ni la portée de l'article 43 du Traité instituant la Communauté européenne ne pouvaient être assimilés à ceux des dispositions pertinentes de l'ALCP.

2. En premier lieu, il résulte de ce qu'a ainsi jugé la Cour de justice de l'Union européenne que ne peuvent qu'être écartés les moyens tirés de ce que la cour aurait :

- commis une erreur de droit en jugeant que M. A...ne pouvait, dès lors que le principe de la liberté d'établissement prévu par l'article 43 du Traité instituant la Communauté européenne n'a pas été rendu applicable aux relations entre la France et la Suisse, utilement se prévaloir de ce que l'article 167 bis du code général des impôts méconnaîtrait ce principe;

- insuffisamment motivé son arrêt et commis une erreur de droit en restreignant la portée de l'accord du 21 juin 1999 sans se prononcer expressément sur ses conséquences sur la liberté d'établissement ;

- commis une erreur de droit en jugeant que la gestion de ses participations par M. A...ne constituait pas une activité économique au sens de l'article 1 de l'accord du 21 juin 1999.

3. En deuxième lieu, il ressort du point 7 de l'arrêt attaqué que, contrairement à ce qui est soutenu, la cour n'a pas omis de répondre au moyen soulevé par le requérant, tiré de ce que l'administration aurait dû, afin de pondérer les effets de la hausse conjoncturelle du montant des titres en litige dans la période précédant son départ de France, étendre à six mois la période de référence retenue pour procéder à leur évaluation.

4. En troisième lieu, en vertu du e) du I des articles L. 136-6 du code de la sécurité sociale et 1600-0 C du code général des impôts, dans leur rédaction applicable aux impositions en litige, les personnes physiques fiscalement domiciliées en France, au sens de l'article 4 B du code général des impôts, sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu des plus-values soumis à l'impôt sur le revenu à un taux proportionnel. En vertu de l'article 1600-0 F bis du code général des impôts, les personnes physiques fiscalement domiciliées en France, au sens de l'article 4 B du code général des impôts, sont assujetties à un prélèvement sur les revenus et les sommes visés à l'article 1600-0 C. Aux termes de l'article 1600-0 G du même code, les personnes physiques désignées à l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale sont assujetties à une contribution perçue à compter de 1996 et assise sur les revenus du patrimoine définis au I de l'article L. 136-6 de ce code.

5. La cour a jugé que les dispositions mentionnées ci-dessus relatives aux contributions sociales étaient applicables aux plus-values latentes réalisées par M. A.... D'une part, il résulte de ce qu'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne, rappelé au point 1, que ne peut qu'être écarté le moyen, soulevé par M. A..., tiré de ce que la cour aurait, en jugeant ainsi, entaché son arrêt d'erreur de droit dès lors que ces dispositions relatives aux contributions sociales ne pourraient recevoir application en conséquence de l'inapplicabilité de l'article 167 bis du code général des impôts. D'autre part, l'ensemble des dispositions mentionnées au point 3, dans leur rédaction en vigueur en 2002, qui n'établissent aucune distinction entre les plus-values constatées et les plus-values effectivement réalisées, s'applique en conséquence aux plus-values mentionnées à l'article 167 bis du code général des impôts. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en regardant comme sans incidence la circonstance que les dispositions de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, depuis leur modification par la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, prévoient expressément qu'elles s'appliquent aux plus-values mentionnées au I de l'article 167 bis du code général des impôts, dans sa nouvelle rédaction résultant de la même loi.

6. En outre, les instructions administratives 5 L-4-97 et 5 L-6-97 du 26 mai 1997 relatives, respectivement, à la contribution au remboursement de la dette sociale et à la contribution sociale généralisée, reprises dans les documentations administratives de base 5 B 3233 et 5 B 3234 du 23 juin 2000, se bornent à rappeler la teneur de la loi fiscale sans y ajouter et ne comportent ainsi aucune interprétation formelle de cette loi en ce qui concerne son application aux plus-values mentionnées à l'article 167 bis du code général des impôts. Dès lors, M. A...n'était pas fondé à s'en prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Ce motif, qui n'appelle l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué à celui retenu par l'arrêt, dont il justifie légalement le dispositif en ce qui concerne l'assujettissement à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale.

7. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. A...doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. A...est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 378008
Date de la décision : 25/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 mai. 2018, n° 378008
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle Petitdemange
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:378008.20180525
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