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18/05/2018 | FRANCE | N°418731

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème chambres réunies, 18 mai 2018, 418731


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B..., à l'appui de leur demande tendant à la décharge des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 pour un montant de 748 623 euros, ont produit un mémoire, enregistré le 30 janvier 2018 au greffe du tribunal administratif de Pau, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel ils soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1800088 du 20 février 2018, enregistrée le 23 février 2018 au secrétariat du conten

tieux du Conseil d'Etat, le vice-président du tribunal administratif de Pau, a...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B..., à l'appui de leur demande tendant à la décharge des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 pour un montant de 748 623 euros, ont produit un mémoire, enregistré le 30 janvier 2018 au greffe du tribunal administratif de Pau, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel ils soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1800088 du 20 février 2018, enregistrée le 23 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le vice-président du tribunal administratif de Pau, avant qu'il soit statué sur la demande de M. et Mme B..., a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du X de l'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise et dans un mémoire, enregistré le 19 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B...soutiennent que les dispositions du X de l'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, applicables au litige, méconnaissent le principe d'égalité devant la loi en ce qu'elles prévoient que la nouvelle affectation des prélèvements sociaux s'applique aux produits des impositions assises sur des opérations dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2016, à l'exception des produits d'imposition qui sont recouvrés par voie de rôle émis à compter du 1er janvier 2016.

Par un mémoire, enregistré le 3 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et, en particulier, que la question soulevée n'est pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux.

La question prioritaire de constitutionnalité a été communiquée au Premier ministre et à la ministre des solidarités et de la santé, qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des impôts ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cytermann, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. et Mme B...;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. L'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a modifié l'affectation du produit de la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, de la contribution au remboursement de la dette sociale sur les mêmes revenus, des prélèvements sociaux mentionnés aux articles L. 245-14 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale, des contributions additionnelles à ces prélèvements sociaux mentionnées au 2° de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles et du prélèvement de solidarité mentionné à l'article 1600-0-S du code général des impôts. Le X de cet article, dont M. et Mme B...contestent la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, dispose : " A.-Les B, G, J et K du I ainsi que les II à IV s'appliquent aux produits des impositions assises sur les opérations dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2016, à l'exception des dispositions relatives aux impositions sur les revenus du patrimoine, qui s'appliquent aux produits recouvrés par la voie des rôles émis à compter du 1er janvier 2016 (...) ".

3. Selon le III de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, relatif à la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine, " la contribution portant sur les revenus mentionnés aux I à II (...) est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu ". En vertu du V de l'article L. 136-7 du même code, relatif à la contribution sociale généralisée sur les produits de placement : " La contribution visée au premier alinéa du I et aux II et IV ci-dessus est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 125 A du code général des impôts. / La contribution visée au 1° du I est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 117 quater du code général des impôts ". Il résulte de ces dispositions que la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine est recouvrée par voie de rôle et assise sur les revenus de l'année civile précédente, tandis que la contribution sociale généralisée sur les produits de placement est recouvrée par prélèvement à la source au cours de l'année civile durant laquelle interviennent les faits générateurs de l'imposition. Il en va de même pour les autres prélèvements sociaux mentionnés au point 2 de la présente décision, assis sur ces deux catégories de revenus.

4. Les contributions concernant respectivement les revenus du patrimoine et les produits de placement constituent des impositions distinctes. Pour l'application du principe d'égalité devant l'impôt, la situation des personnes redevables s'apprécie au regard de chaque imposition prise isolément. Dans chaque cas, le législateur doit, pour se conformer au principe d'égalité, fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels.

5. Les contributions concernant respectivement les revenus du patrimoine et les produits de placement constituant des impositions distinctes, le principe d'égalité devant l'impôt ne peut être utilement invoqué pour contester des différences de traitement qui seraient opérées entre ces deux catégories de revenus. Contrairement à la contribution sur les revenus du patrimoine, la contribution sur les revenus de placement a pour caractéristique essentielle de s'appliquer à des opérations qui font l'objet de prélèvements à la source. Les impositions portant sur ces deux catégories d'opérations sont exigibles la même année. Par suite, en prévoyant que les changements d'affectation opérés par l'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale s'appliqueraient aux produits recouvrés par la voie des rôles émis à compter du 1er janvier 2016 pour les revenus du patrimoine, c'est-à-dire aux revenus perçus à compter de 2015, et aux produits des impositions assises sur les opérations dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2016 pour les produits de placement, le X de cet article n'a fait que tirer les conséquences nécessaires des différences de fait générateur et de nature de revenus, comme l'ont fait l'ensemble des lois ayant créé ou modifié ces prélèvements sociaux. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions contestées opéreraient une différence de traitement entre ces deux catégories de revenus qui serait contraire au principe d'égalité ne présente pas de caractère sérieux.

6. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et MmeB....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et John MmeB..., au Premier ministre, à la ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au tribunal administratif de Pau.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 418731
Date de la décision : 18/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 18 mai. 2018, n° 418731
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Cytermann
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:418731.20180518
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