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18/05/2018 | FRANCE | N°415601

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre jugeant seule, 18 mai 2018, 415601


Vu la procédure suivante :

L'association Bordeaux à coeur, M. M...D..., M. A...K...H..., Mme B...G..., M. E...J..., M. F...C...et M. I...L...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de la Gironde, en date du 2 août 2017, portant déclaration d'utilité publique des travaux de réalisation du bus à haut niveau de service (BHNS) sur les communes de Bordeaux, Mérignac, Eysines, Le Haillan, Saint-Médard-en-Jalles,

Le-Taillan-Médoc et Saint-Aubin de Médoc.

Par une ordonnance n° 1704...

Vu la procédure suivante :

L'association Bordeaux à coeur, M. M...D..., M. A...K...H..., Mme B...G..., M. E...J..., M. F...C...et M. I...L...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de la Gironde, en date du 2 août 2017, portant déclaration d'utilité publique des travaux de réalisation du bus à haut niveau de service (BHNS) sur les communes de Bordeaux, Mérignac, Eysines, Le Haillan, Saint-Médard-en-Jalles, Le-Taillan-Médoc et Saint-Aubin de Médoc.

Par une ordonnance n° 1704515 du 27 octobre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 novembre et 24 novembre 2017 et le 26 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Bordeaux métropole demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge solidairement de l'association Bordeaux à coeur, de M. M...D..., de M. A...K...H..., de Mme B...G..., de M. E...J..., de M. F...C...et de M. I...L...la somme globale de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de Bordeaux métropole et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de l'association Bordeaux à coeur et autres.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 mai 2018, présentée par Bordeaux métropole.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un arrêté du 2 août 2017, le préfet de la Gironde a déclaré d'utilité publique les travaux de réalisation d'un bus à haut niveau de service (BHNS) sur le territoire des communes de Bordeaux, Mérignac, Eysines, Le Haillan, Saint-Médard-en-Jalles, Le-Taillan-Médoc et Saint-Aubin de Médoc. Par une ordonnance du 27 octobre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, à la demande de l'association Bordeaux à coeur et autres, a suspendu l'exécution de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 522-1 du même code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit (...) justifier de l'urgence de l'affaire ".

Sur la condition d'urgence :

3. Pour juger que la condition d'urgence à suspendre l'exécution de l'arrêté litigieux était remplie, le juge des référés a retenu, d'une part, que la plaquette de présentation au public du projet annonçait un démarrage des travaux pour la fin 2017, et d'autre part, qu'il ressortait des pièces du dossier que, dès le mois de mai 2017, des travaux pour la remise en conformité du réseau électrique basse tension souterrain avaient commencé, notamment rue de la Concorde sur le territoire de la commune de Bordeaux, dans le cadre du nouveau projet BHNS, de la ligne Gare Saint Jean à Saint-Aubin de Médoc. En statuant ainsi, il a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

Sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté litigieux :

4. Pour juger qu'il existait un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué, le juge des référés s'est fondé, en premier lieu, sur la circonstance que l'avis du service des domaines avait été établi postérieurement à l'établissement du dossier d'enquête publique approuvé par délibération du 21 octobre 2016 de Bordeaux Métropole, en méconnaissance de l'article R. 1211-3 du code général de la propriété des personnes publiques. En statuant ainsi, sans rechercher si une telle irrégularité avait pu, dans les circonstances de l'espèce, nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou exercer une influence sur le sens de la décision de l'autorité administrative, il a entaché son ordonnance d'une erreur de droit.

5. Pour suspendre l'exécution de l'arrêté litigieux, le juge des référés a également jugé que le moyen tiré de ce que les atteintes du projet à la propriété privée, son coût financier et les inconvénients d'ordre social qu'il comporte sont excessifs au regard de l'intérêt qu'il présente était de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis au juge des référés que, eu égard aux avantages attendus du projet de bus à haut niveau de service pour les habitants de Bordeaux et des communes limitrophes qu'il desservira, qui connaissent une croissance démographique significative, à l'absence de doublon avec la future ligne D du tramway, à l'absence d'inconvénients significatifs liés au projet et à son coût modéré par comparaison avec des projets similaires, éléments relevés par la commission d'enquête publique, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une dénaturation des faits de l'espèce.

6. Le juge des référés s'est fondé, en troisième lieu, sur la circonstance qu'en l'état de l'instruction, le moyen, qui était soulevé devant lui, tiré de la méconnaissance de l'article R. 112-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée. L'article R. 112-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, prévoit que la notice explicative du dossier soumis à enquête publique expose notamment " les raisons pour lesquelles, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu, notamment du point de vue de son insertion dans l'environnement ". Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la notice explicative du projet litigieux n'exposait pas les tracés envisagés et la raison pour laquelle le tracé retenu avait été privilégié. Le juge des référés a pu implicitement estimer qu'une telle irrégularité était, dans les circonstances de l'espèce, de nature à nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération. Par suite, les moyens de dénaturation des écritures à avoir jugé que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 112-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique était soulevé devant lui, d'erreur de droit à avoir jugé que cet article était applicable à la procédure litigieuse, d'erreur de droit et de dénaturation à avoir jugé que la notice explicative était incomplète, d'erreur de droit et d'insuffisance de motivation à n'avoir pas recherché si les irrégularités relevées avaient pu, dans les circonstances de l'espèce, nuire à l'information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou exercer une influence sur le sens de la décision de l'autorité administrative, et de dénaturation à avoir estimé que ces irrégularités avaient pu avoir un tel effet, doivent être écartés.

7. Il résulte de ce qui précède que, sur les trois motifs retenus par le juge des référés pour annuler l'arrêté litigieux, le motif tiré la méconnaissance de l'article R. 112-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique justifie légalement le dispositif de l'ordonnance attaquée. Par suite, Bordeaux métropole n'est pas fondée à demander l'annulation de cette ordonnance.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'association Bordeaux à coeur et autres qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Bordeaux métropole le versement à l'association Bordeaux à coeur, de M. D..., de M. K...H..., de MmeG..., de M.J..., de M. C...et de M. L... de la somme de 500 euros chacun au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de Bordeaux métropole est rejetée.

Article 2 : Bordeaux métropole versera à l'association Bordeaux à coeur, à MM. M... D..., A...K...H..., E...J..., F...C..., I...L..., et à Mme B...G...la somme de 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Bordeaux métropole et à l'association Bordeaux à coeur, première dénommée, pour l'ensemble des défendeurs.

Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6ème chambre jugeant seule
Numéro d'arrêt : 415601
Date de la décision : 18/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 mai. 2018, n° 415601
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:415601.20180518
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