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16/05/2018 | FRANCE | N°398055

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 16 mai 2018, 398055


Vu la procédure suivante :

La société World Investment Corporation a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer, à titre principal, la restitution totale du prélèvement qu'elle a acquitté sur la plus-value de 1 802 280 euros réalisée lors de la cession, en juin 2008, d'un ensemble immobilier sis 32, boulevard Suchet à Paris (75016), et, à titre subsidiaire la restitution partielle de ce prélèvement. Par un jugement n° 1300126 du 20 mars 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 14PA03269 du 17 novembre 2015, la

cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société co...

Vu la procédure suivante :

La société World Investment Corporation a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer, à titre principal, la restitution totale du prélèvement qu'elle a acquitté sur la plus-value de 1 802 280 euros réalisée lors de la cession, en juin 2008, d'un ensemble immobilier sis 32, boulevard Suchet à Paris (75016), et, à titre subsidiaire la restitution partielle de ce prélèvement. Par un jugement n° 1300126 du 20 mars 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 14PA03269 du 17 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mars et 17 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société World Investment Corporation demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Céline Guibé, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Yohann Bénard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Briard, avocat de la société World Investment Corporation.

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes de l'article 244 bis A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I.- 1. Sous réserve des conventions internationales, les plus-values, telles que définies aux e bis et e ter du I de l'article 164 B, réalisées par les personnes et organismes mentionnés au 2 du présent I lors de la cession des biens ou droits mentionnés au 3 sont soumises à un prélèvement selon le taux fixé au deuxième alinéa du I de l'article 219. (...) 2. Sont soumis au prélèvement mentionné au 1 : a) Les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B ; b) Les personnes morales ou organismes, quelle qu'en soit la forme, dont le siège social est situé hors de France (...) 3. Le prélèvement mentionné au 1 s'applique aux plus-values résultant de la cession : a) De biens immobiliers ou de droits portant sur ces biens (...) II. Lorsque le prélèvement mentionné au I est dû par des contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu, les plus-values sont déterminées selon les modalités définies : 1° Au I et aux 2° à 8° du II de l'article 150 U, aux II et III de l'article 150 UB et aux articles 150 V à 150 VE (...) III. Lorsque le prélèvement mentionné au I est dû par une personne morale assujettie à l'impôt sur les sociétés, les plus-values sont déterminées par différence entre, d'une part, le prix de cession du bien et, d'autre part, son prix d'acquisition, diminué pour les immeubles bâtis d'une somme égale à 2 % de son montant par année entière de détention. ". Il résulte de ces dispositions que les personnes physiques et morales qui ne sont pas résidentes de France sont soumises au prélèvement qu'elles instituent sur les plus-values résultant de la cession des biens, parts, actions ou droits visés au 3. du I suivant des modalités qui diffèrent selon qu'elles relèveraient, si elles étaient résidentes de France, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés.

2. D'autre part, aux termes de l'article 206 du même code, dans sa rédaction applicable : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA et 1655 ter, sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues au IV de l'article 3 du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié, les sociétés coopératives et leurs unions ainsi que, sous réserve des dispositions des 6° et 6° bis du 1 de l'article 207, les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société World Investment Corporation, créée en 1986 sous la forme d'une corporation de droit américain dans l'Etat du Delaware, a acquis au cours de cette même année un bien immobilier situé au 32, boulevard Suchet dans le 16ème arrondissement de Paris, qui comprend trois appartements, six chambres et trois emplacements de stationnement. La société a cédé cet ensemble immobilier le 24 juin 2008, réalisant à cette occasion une plus-value d'un montant imposable déclaré de 1 802 280 euros, qu'elle a calculé en faisant application des modalités fixées, pour les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés, par les dispositions du III de l'article 244 bis A du code général des impôts. En même temps qu'elle déclarait cette plus-value de cession à l'administration fiscale et acquittait le prélèvement prévu par cet article, la société World Investment Corporation a émis une réserve quant au fait qu'elle relève de ces modalités de calcul, en affirmant qu'elle ne satisfaisait aucun des critères énoncés au 1 de l'article 206 du code général des impôts. La société soutenait, en particulier, que la mise à disposition gratuite de cet immeuble, avant sa cession, au profit de Mme E...B...et de ses deux fils, MM. A...et D...C..., neveux de ses associés, n'était pas constitutive d'une activité lucrative. Elle sollicitait, en conséquence, que l'assiette du prélèvement soit calculée selon les modalités énoncées au II de l'article 244 bis A du code pour les contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu.

4. La cour, qui a relevé que les statuts hybrides de la société World Investment Corporation lui permettaient d'exercer des activités tant civiles que commerciales, a jugé qu'elle ne rapportait pas la preuve du caractère non-lucratif de l'activité de mise à disposition de l'immeuble, avant sa cession, au profit de parents de ses associés. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'immeuble en litige était mis à disposition, gratuitement, de parents des associés de la société. En jugeant que cette activité présentait un caractère lucratif, la cour administrative d'appel de Paris a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Par suite, la société requérante est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 17 novembre 2015 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la société World Investment Corporation au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société World Investment Corporation et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 398055
Date de la décision : 16/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 16 mai. 2018, n° 398055
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Céline Guibé
Rapporteur public ?: M. Yohann Bénard
Avocat(s) : SCP BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:398055.20180516
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