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09/05/2018 | FRANCE | N°408172

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 09 mai 2018, 408172


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 2 septembre 2013 par laquelle le directeur adjoint de l'unité territoriale de la Vienne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Poitou-Charentes a supprimé de manière définitive, à compter du 1er février 2008, le revenu de remplacement qu'il percevait. Par un jugement n° 1402172 du 20 décembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un m

émoire complémentaire, enregistrés les

20 février et 22 mai 2017 au se...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 2 septembre 2013 par laquelle le directeur adjoint de l'unité territoriale de la Vienne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Poitou-Charentes a supprimé de manière définitive, à compter du 1er février 2008, le revenu de remplacement qu'il percevait. Par un jugement n° 1402172 du 20 décembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les

20 février et 22 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, auditeur,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de M.A....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A...a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi du 11 août 2007 au 31 mars 2011. A la suite de contrôles et après avoir recueilli les observations de M.A..., le directeur adjoint de l'unité territoriale de la Vienne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Poitou-Charentes a, par une décision du 2 septembre 2013 prise sur le fondement des articles L. 5426-2 et R. 5426-3 du code du travail, supprimé de manière définitive le revenu de remplacement qu'il percevait, au motif qu'il avait procédé à de fausses déclarations en vue de percevoir indument ce revenu. M. A...a formé un recours gracieux contre cette décision par un courrier du 4 avril 2014, rejeté par une décision du 13 juin 2014. Il se pourvoit en cassation contre le jugement du 20 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 septembre 2016.

2. Les dispositions de l'article L. 351-17 du code du travail puis, à compter du 1er mai 2008, de l'article L. 5426-2 du même code prévoient, outre le remboursement des sommes indûment perçues, la sanction de suppression du revenu de remplacement " en cas de fraude ou de fausse déclaration ". Aux termes de l'article R. 351-28 puis de l'article R. 5426-3 de ce code : " Le préfet (...) supprime le revenu de remplacement (...), de manière temporaire ou définitive, ou en réduit le montant, selon les modalités suivantes : (...) 3° En cas de déclaration (...) mensongère du demandeur d'emploi, faite en vue de percevoir indûment le revenu de remplacement, le préfet supprime ce revenu de façon définitive. (...) ". Aux termes de l'article R. 5426-11 du même code : " Le demandeur d'emploi intéressé forme, lorsqu'il entend contester la décision du préfet, un recours gracieux préalable. / Ce recours n'est pas suspensif ". L'institution par ces dispositions d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite de ce recours se substitue en principe à la décision initiale et qu'elle est seule susceptible d'être déférée au juge.

3. Toutefois, s'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation d'une décision qui ne peut donner lieu à un recours devant le juge qu'après l'exercice d'un recours administratif préalable et si le requérant indique, de sa propre initiative ou le cas échéant à la demande du juge, avoir exercé ce recours et, le cas échéant après que le juge l'y ait invité, produit la preuve de l'exercice de ce recours ainsi que, s'il en a été pris une, la décision à laquelle il a donné lieu, le juge doit regarder les conclusions dirigées formellement contre la décision initiale comme tendant à l'annulation de la décision, née de l'exercice du recours, qui s'y est substituée.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A...avait joint à sa requête introductive d'instance tant la décision du 2 septembre 2013 prononçant la suppression du bénéfice du revenu de remplacement à compter du 1er février 2008 que le recours gracieux formé à son encontre et la décision du 13 juin 2014 rejetant ce recours. Dès lors, le tribunal administratif a commis une erreur de droit en ne regardant pas les conclusions de M. A... comme tendant à l'annulation de la décision du 13 juin 2014, qui s'était substituée à celle du 2 septembre 2013. Par suite, M. A...est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers. Ce moyen suffisant à en entraîner l'annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens du pourvoi.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Ainsi qu'il a été dit au point 2, les dispositions de l'article R. 5426-11 du code du travail instituent un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge. Dès lors, la décision du 13 juin 2014 par laquelle le directeur adjoint de l'unité territoriale de la Vienne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Poitou-Charentes a, sur recours gracieux de M.A..., confirmé sa décision du 2 septembre 2013, s'est substituée à cette dernière. Par suite, les conclusions de M. A..., qui produit la décision du 13 juin 2014, doivent être regardées comme dirigées contre cette décision.

7. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date de l'introduction de sa requête par M. A... : " (...) la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

8. En premier lieu, même s'il a un caractère obligatoire, un recours administratif ne peut proroger le délai de recours contentieux contre une décision qu'à la condition d'avoir été formé à l'intérieur de ce délai. Par suite, en l'absence d'indication par les dispositions de l'article R. 5426-11 du code du travail du délai dans lequel doit être formé le recours administratif préalable obligatoire qu'elles prévoient, ce délai est le délai de recours contentieux de droit commun de deux mois.

9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la notification de la décision du 2 septembre 2013 mentionnait la possibilité d'exercer, à l'encontre de cette décision, un recours gracieux auprès du préfet dans un délai de deux mois, permettant ensuite, en cas de rejet de ce recours gracieux, de former un recours contentieux devant le tribunal administratif. Cette notification satisfaisait ainsi aux prescriptions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative.

10. En troisième lieu, il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté d'une action introduite devant une juridiction administrative, d'établir la date à laquelle la décision attaquée a été régulièrement notifiée à l'intéressé. En cas de retour à l'administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant la décision, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste. À cet égard, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée par voie de duplication la date de vaine présentation du courrier, et qui porte, sur l'enveloppe ou sur l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.

11. Il résulte de l'instruction que la copie de l'avis de réception à l'adresse de M. A... produite par le préfet de la région Poitou-Charente, préfet de la Vienne, comporte la date du 4 septembre 2013 en face de la mention " Présenté / Avisé " et que sur l'enveloppe produite, qui porte également la mention " avisé Migne-Auxence " accompagnée de la même date, figure la mention manuscrite du motif de non-distribution " absent ". En outre, l'enveloppe comporte la date de réception du courrier par l'unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, le 23 septembre 2013, apposée par tampon, et M. A... a lui-même indiqué n'avoir pu retirer le pli mis en instance en raison d'un voyage à l'étranger. Par suite, la notification de la décision du 2 septembre 2013 est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date du 4 septembre 2013.

12. Il suit de là que M. A... disposait d'un délai de deux mois courant à compter du 4 septembre 2013 pour saisir l'autorité compétente d'un recours administratif préalable. Il résulte toutefois de l'instruction qu'il n'a saisi le préfet de la région Poitou-Charente, préfet de la Vienne, d'un recours gracieux à l'encontre de la décision du 2 septembre 2013 que par lettre du 4 avril 2014, soit après l'expiration du délai de deux mois. Par suite, ce recours gracieux était tardif. Sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la région Poitou-Charente, préfet de la Vienne, l'a rejeté est, dès lors, irrecevable.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. A...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la ministre du travail.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 408172
Date de la décision : 09/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 mai. 2018, n° 408172
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dorothée Pradines
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:408172.20180509
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