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09/05/2018 | FRANCE | N°405052

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 09 mai 2018, 405052


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 novembre 2016, 15 février 2017 et 20 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-1218 du 13 septembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l'exercice de certaines professions réglementées du droit ou du chiffre relevant du code de commerce et aux sociétés de

participations financières dans ces sociétés ;

2°) de mettre à la charge de l'...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 novembre 2016, 15 février 2017 et 20 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-1218 du 13 septembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l'exercice de certaines professions réglementées du droit ou du chiffre relevant du code de commerce et aux sociétés de participations financières dans ces sociétés ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires.

Considérant ce qui suit :

1. L'article 2 du décret du 13 septembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l'exercice de certaines professions réglementées du droit ou du chiffre relevant du code de commerce et aux sociétés de participations financières supprime, par ses 3°, 4° et 6°, certaines obligations d'information du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires qui étaient auparavant prévues par les articles R. 814-161, R. 814-163 et R. 814-169 du code de commerce lors de la constitution des sociétés de participations financières de professions libérales d'administrateurs judiciaires ou de mandataires judiciaires, ainsi qu'en cas de modification de leur situation et de dissolution.

2. En premier lieu, le décret attaqué a été pris pour l'application de l'article 67 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, et non de l'ordonnance du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l'exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ou en raison de cette ordonnance, dont l'entrée en vigueur lui est d'ailleurs postérieure. Dès lors, il ne saurait être utilement soutenu que le décret attaqué doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'ordonnance du 31 mars 2016.

3. En deuxième lieu, la loi du 6 août 2015 précitée a inséré à chacun des articles L. 811-7 et L. 812-5 du code de commerce, qui sont relatifs à l'exercice en commun sous forme de société de la profession, respectivement, d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire, un cinquième alinéa confiant au pouvoir règlementaire le soin de déterminer par décret en Conseil d'Etat les conditions de leur application, dans le respect des règles de déontologie applicables à chaque profession, et notamment les conditions d'inscription et d'omission de ces sociétés auprès de l'autorité professionnelle compétente. En outre, il appartient à l'autorité investie du pouvoir réglementaire de fixer, en vertu des pouvoirs qu'elle tient de l'article 37 de la Constitution, des prescriptions applicables aux membres d'une profession réglementée, complémentaires de celles qui résultent de la loi. Il en résulte que le décret attaqué pouvait compétemment prévoir les dispositions mentionnées au point 1. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions réglementaires attaquées seraient entachées d'incompétence, faute d'une habilitation expresse du législateur, peut être écarté.

4. En troisième lieu, l'article L. 814-2 du code de commerce confie au Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires le soin de veiller au respect de leurs obligations par ces professionnels et de contrôler leurs études. Dès lors, ces dispositions, qui confient au conseil national une mission générale sans en déterminer les modalités précises de mise en oeuvre, n'imposent pas qu'il soit informé préalablement des constitutions, dissolutions ou modifications affectant les sociétés concernées. Le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait l'article L. 814-2 du code de commerce doit, par suite, être écarté.

5. En quatrième lieu, si le décret attaqué restreint certaines informations dont disposait auparavant le conseil national, il résulte de l'article 31-1 de la loi du 31 décembre 1990 que les sociétés de participations financières de professions libérales la société doivent informer le Conseil national, une fois par an, de l'état de la composition de leur capital social. Par ailleurs, en vertu des articles L. 811-11 et L. 812-9 du code de commerce, les administrateurs judicaires et les mandataires judicaires sont tenus, sans pouvoir opposer le secret professionnel, de déférer aux demandes des personnes chargées du contrôle tendant à la communication de tous renseignements ou documents utiles. D'autres dispositions réglementaires permettent, en outre, au conseil national d'exercer les missions qui lui sont confiées par l'article L. 814-2 du code de commerce, notamment à travers le contrôle prévu à l'article R. 814-42 du même code. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence d'une information systématique sur la constitution, les modifications et la dissolution d'une société empêcherait le conseil national d'exercer la mission de contrôle qui lui est confiée. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué, en restreignant les informations qui lui sont communiquées, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il ne permet pas au conseil national d'exercer ses missions doit être écarté.

6. En dernier lieu, le décret attaqué n'est pas pris pour l'application de dispositions relatives aux sociétés d'exercice libéral constituées pour l'exercice des professions d'administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire, notamment au sein des sociétés pluri-professionnelles d'exercice ou au sein des sociétés de participations financières de professions libérales, et n'a ainsi pas pour objet de prévoir des dispositions relatives à la prévention des conflits d'intérêts susceptibles d'y intervenir. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d'incompétence négative faute d'avoir institué des règles de prévention des conflits d'intérêts doit, en tout état de cause, être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation du décret qu'il attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, au Premier ministre, au ministre de l'économie et des finances et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 405052
Date de la décision : 09/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 mai. 2018, n° 405052
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laurence Franceschini
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:405052.20180509
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