La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/05/2018 | FRANCE | N°403615

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 09 mai 2018, 403615


Vu la procédure suivante :

Mme B...A... a demandé au tribunal administratif de Dijon:

- à titre principal, d'annuler la décision du 4 août 2015 par laquelle le président du conseil départemental de l'Yonne a rejeté son recours administratif préalable formé contre la décision du 26 mars 2015 par laquelle le directeur de la caisse d'allocations familiales de ce département lui a réclamé des indus d'allocation de revenu de solidarité active pour des montants de 1741,81 euros et 99,94 euros, perçus pour la période de juin 2013 à janvier 2015, et d'ordonner le rembou

rsement de toutes les sommes déjà recouvrées par l'administration ;

- à titr...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A... a demandé au tribunal administratif de Dijon:

- à titre principal, d'annuler la décision du 4 août 2015 par laquelle le président du conseil départemental de l'Yonne a rejeté son recours administratif préalable formé contre la décision du 26 mars 2015 par laquelle le directeur de la caisse d'allocations familiales de ce département lui a réclamé des indus d'allocation de revenu de solidarité active pour des montants de 1741,81 euros et 99,94 euros, perçus pour la période de juin 2013 à janvier 2015, et d'ordonner le remboursement de toutes les sommes déjà recouvrées par l'administration ;

- à titre principal également, d'annuler la décision du 26 mars 2015 par laquelle la caisse d'allocations familiales de l'Yonne lui a réclamé un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année 2014 d'un montant de 152,45 euros ;

- à titre subsidiaire, d'annuler les décisions implicites du président du conseil départemental de l'Yonne et du directeur de la caisse d'allocations familiales de ce département rejetant sa demande de remise gracieuse des indus de revenu de solidarité active ou, à défaut, de prononcer l'échelonnement du remboursement des indus à hauteur de 50 euros par mois.

Par un jugement n° 1502740 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du président du conseil départemental de l'Yonne du 4 août 2015 en tant qu'elle confirme l'indu de revenu de solidarité active dit " activité ", enjoint à la caisse d'allocations familiales de l'Yonne de prendre une nouvelle décision relative à cet indu et rejeté le surplus des conclusions de MmeA....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 septembre et 16 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, MmeA... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement, par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande dans cette mesure ;

3°) de mettre à la charge de la caisse d'allocations familiales de l'Yonne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le décret n° 2014-1709 du 30 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de MmeA..., et à la SCP Boullez, avocat du département de l'Yonne.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, d'une part, par une décision du 4 août 2015, le président du conseil départemental de l'Yonne a rejeté le recours administratif formé par Mme A...contre la décision du directeur de la caisse d'allocations familiales de ce département du 26 mars 2015 de récupérer des indus d'allocation de revenu de solidarité active dits " socle " et " activité ", constatés l'un au titre du montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles et l'autre au titre de la fraction de ses revenus professionnels mentionnée au 1° du même article, de montants respectifs de 1 741,81 euros et de 99,94 euros, perçus pour la période de juin 2013 à janvier 2015, et que, d'autre part, le 26 mars 2015, le directeur de la même caisse a décidé de récupérer un indu d'un montant de 152,45 euros au titre de l'aide exceptionnelle de fin d'année que Mme A... avait perçue pour 2014. Mme A...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler ces décisions ainsi que la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de l'Yonne a rejeté sa demande de remise gracieuse de ces indus. Par un jugement du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Dijon a annulé, pour incompétence, la décision du président du conseil départemental de l'Yonne du 4 août 2015 en tant qu'elle portait sur l'indu de revenu de solidarité active dit " activité " et rejeté le surplus des conclusions de MmeA.... Celle-ci se pourvoit en cassation dans cette mesure.

Sur le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur l'indu d'allocation de revenu de solidarité active constaté au titre du montant forfaitaire :

2. En premier lieu, le tribunal administratif a énuméré les catégories et le montant des ressources perçues par Mme A...au cours de la période en litige et a déduit de ces éléments que la requérante disposait de ressources supérieures au montant forfaitaire applicable à sa situation et qu'ainsi les indus réclamés de revenu de solidarité active correspondaient à l'ensemble des sommes perçues à ce titre. Il a ainsi répondu, par un jugement suffisamment motivé sur ce point, au moyen tiré par Mme A...de ce que les indus en litige n'étaient justifiés ni dans leur principe ni dans leur montant.

3. En deuxième lieu, en se fondant, pour écarter le moyen tiré par la requérante de ce que la production par le département de l'Yonne d'un tableau récapitulatif du montant des prestations versées ne saurait suffire à établir qu'elle aurait reçu les sommes réclamées, sur ce que Mme A...ne produisait pas les relevés bancaires qui seuls permettraient d'infirmer les éléments avancés par le département, le tribunal n'a pas, contrairement à ce que soutient la requérante, mis à la charge de celle-ci la preuve de l'indu de revenu de solidarité active mais s'est borné à apprécier la réalité des versements contestés au vu de l'ensemble des circonstances de fait résultant de l'instruction.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles : " Toute réclamation dirigée contre une décision relative au revenu de solidarité active fait l'objet, préalablement à l'exercice d'un recours contentieux, d'un recours administratif auprès du président du conseil départemental. Ce recours est, dans les conditions et limites prévues par la convention mentionnée à l'article L. 262-25, soumis pour avis à la commission de recours amiable qui connaît des réclamations relevant de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale. Les modalités d'examen du recours sont définies par décret en Conseil d'Etat ". En vertu de l'article R. 262-60 du même code, la convention prévue à l'article L. 262-25, conclue entre le département et chaque caisse d'allocations familiales ainsi que chaque caisse de mutualité sociale agricole, comporte notamment des dispositions relatives aux " conditions et limites dans lesquelles la commission de recours amiable de ces organismes rend un avis sur les recours administratifs adressés au président du conseil départemental ; ces stipulations portent notamment sur l'objet et le montant des litiges dont la commission est saisie et les conditions financières de cette intervention (...) ".

5. Si le tribunal administratif s'est fondé, pour écarter le moyen tiré par Mme A... de ce que la décision du 4 août 2015 du président du conseil départemental de l'Yonne serait irrégulière faute d'avoir été précédée d'un avis de la commission de recours amiable, sur ce que la convention signée entre le département et la caisse d'allocations familiales de l'Yonne prévoyait que les recours administratifs en matière de revenu de solidarité active ne seraient pas soumis pour avis à cette commission, Mme A...ne peut utilement faire valoir pour la première fois en cassation que ces stipulations de la convention méconnaîtraient les articles L. 262-25 et L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles.

Sur le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur l'indu d'aide exceptionnelle de fin d'année :

6. Le décret du 30 décembre 2014 portant attribution d'une aide exceptionnelle de fin d'année à certains allocataires du revenu de solidarité active prévoit qu'une aide exceptionnelle est attribuée aux allocataires du revenu de solidarité active qui ont droit à cette allocation au titre du mois de novembre ou, à défaut, du mois de décembre 2014, à condition que les ressources du foyer n'excèdent pas un certain montant. Il précise que cette aide, qui n'est pas une prestation mais une aide à la charge de l'Etat, est versée par l'organisme débiteur du revenu de solidarité active et que tout paiement indu de cette aide est récupéré par cet organisme, qui peut en décider la remise ou la réduction dans les conditions applicables au recouvrement des indus de l'allocation de revenu de solidarité active.

7. Lorsque le juge administratif est saisi d'un recours dirigé contre une décision qui, remettant en cause des paiements déjà effectués, ordonne la récupération d'un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année, il entre dans son office d'apprécier, au regard de l'argumentation du requérant, le cas échéant, de celle développée par le défendeur et, enfin, des moyens d'ordre public, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, la régularité comme le bien-fondé de la décision de récupération d'indu. Il lui appartient, s'il y a lieu, d'annuler ou de réformer la décision ainsi attaquée, pour le motif qui lui paraît, compte tenu des éléments qui lui sont soumis, le mieux à même, dans l'exercice de son office, de régler le litige. L'organisme débiteur du revenu de solidarité active, qui doit apprécier si le bénéficiaire satisfaisait aux conditions d'ouverture du droit à cette aide mentionnées au point 6 et vérifier si les délais de prescription de l'action tendant à la répétition de l'aide indûment perçue ne font pas obstacle à la récupération, ne peut être regardé comme placé en situation de compétence liée, du seul fait qu'il estime à bon droit que le bénéficiaire ne pouvait prétendre au revenu de solidarité active, lorsqu'il décide de récupérer un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année.

8. Dès lors, Mme A...est fondée à soutenir que le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que, dès lors qu'elle ne pouvait pas bénéficier du revenu de solidarité active pour les mois de novembre et décembre 2014, les circonstances que la décision du 26 mars 2015 par laquelle la caisse d'allocations familiales a mis à sa charge un indu d'aide exceptionnelle de fin d'année pour 2014 aurait été prise par une autorité incompétente, n'aurait pas été signée et serait insuffisamment motivée étaient dépourvues d'incidence sur la solution du litige.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est fondée à demander l'annulation de l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Dijon du 9 juin 2016 en tant seulement qu'il statue sur l'indu d'aide exceptionnelle de fin d'année pour 2014.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la caisse d'allocations familiales de l'Yonne, qui n'est pas partie à la procédure. Il n'y a, en tout état de cause, pas lieu de mettre à la charge de Mme A...la somme demandée par le département de l'Yonne au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Dijon du 9 juin 2016 est annulé en tant qu'il statue sur l'indu d'aide exceptionnelle de fin d'année pour 2014.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée, au tribunal administratif de Dijon.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme A...est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du département de l'Yonne présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à MadameB... A..., à la ministre des solidarités et de la santé et au département de l'Yonne.

Copie en sera adressée à la caisse d'allocations familiales de l'Yonne.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 403615
Date de la décision : 09/05/2018
Type d'affaire : Administrative

Publications
Proposition de citation : CE, 09 mai. 2018, n° 403615
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Marguerite
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN ; SCP BOULLEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:403615.20180509
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award