Vu la procédure suivante :
M. et Mme C... B...-A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune d'Huez-en-Oisans à leur verser la somme de 445 216 euros assortie des intérêts au taux légal en réparation des préjudices résultant de l'illégalité des décisions des 22 juillet 2004 et 26 mars 2007 leur refusant la délivrance d'un permis de construire. Par un jugement n° 1204638 du 7 mai 2015, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune d'Huez-en-Oisans à verser à M. et Mme B...-A... une indemnité de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral.
Par un arrêt n° 15LY02246 du 21 février 2017, la cour administrative d'appel de Lyon a partiellement réformé ce jugement et condamné la commune d'Huez-en-Oisans à verser à M. et Mme B...-A... une indemnité de 180 000 euros au titre de leur perte de revenus locatifs.
Par un pourvoi, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 24 avril, 24 juillet et 1er août 2017 et le 11 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Huez-en-Oisans demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les demandes de M. et Mme B... -A... ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme B...-A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de la commune d'Huez-en-Oisans et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de M. et Mme B...-A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un jugement du 21 décembre 2006, le tribunal administratif de Grenoble a annulé pour excès de pouvoir la décision du 22 juillet 2004 par laquelle le maire d'Huez-en-Oisans a refusé de délivrer le permis de construire un chalet demandé par M. C...B...-A.... Puis, par un jugement du 24 janvier 2008, le tribunal administratif de Grenoble a annulé pour excès de pouvoir le nouveau refus de permis de construire faisant suite à l'injonction de réexamen ordonnée par le jugement du 21 décembre 2006. M. et Mme B...-A..., qui ont finalement obtenu un permis de construire le 16 février 2009, ont demandé à la commune d'Huez-en-Oisans le versement d'une somme de 445 216 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des deux refus de permis de construire initialement opposés à leur demande. Par un arrêt du 21 février 2017, contre lequel la commune d'Huez-en-Oisans se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a condamné cette dernière à verser à M. et Mme B...-A... la somme de 180 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la perte de revenus locatifs.
2. Pour apprécier si la responsabilité de la puissance publique peut être engagée, il appartient au juge de déterminer si le préjudice invoqué est en lien direct et certain avec une faute de l'administration. La perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, telles que des engagements souscrits par de futurs locataires ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain. Il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.
3. Après avoir énoncé que l'illégalité fautive des décisions opposées par le maire d'Huez-en-Oisans à M. et Mme B...-A... les 22 juillet 2004 et 26 mars 2007 était de nature à engager la responsabilité de la commune pour la période, d'une durée de trois ans et demi, pendant laquelle la poursuite du projet des requérants, achevé à la fin de l'année 2010, a été retardée, la cour administrative d'appel s'est bornée à juger que, dans les circonstances de l'espèce, le préjudice indemnisable au titre de la perte de revenus locatifs pouvait être fixé à la somme de 180 000 euros. En se bornant, pour accorder une somme de 180 000 euros au titre de la perte des revenus que les requérants auraient pu tirer de la location de leur bien, à se fonder sur les conditions dans lesquelles est loué un chalet voisin depuis 2002 et sur les sommes perçues depuis le 1er décembre 2010 pour la location du chalet des intéressés, la cour administrative d'appel, qui n'a pas davantage caractérisé l'existence d'un lien direct de causalité, n'a pas caractérisé de circonstances particulières permettant de regarder le préjudice comme présentant un caractère certain.
4. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Huez-en-Oisans est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il statue sur le préjudice indemnisable de M. et Mme B...-A... au titre de leur perte de loyers.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme B...-A... la somme de 3 000 euros à verser à la commune d'Huez-en-Oisans au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de ce dernier article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d'Huez-en-Oisans qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 21 février 2017 est annulé en tant qu'il statue sur le préjudice indemnisable au titre de la perte de loyers.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme B...-A... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : M. et Mme B...-A... verseront à la commune d'Huez-en-Oisans une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Huez-en-Oisans et à M. et Mme C... B...A....